CAN Cameroun 2021 : l’analyse d’une ancienne footballeuse
Haibata Niampa, ancienne footballeuse burkinabè

CAN Cameroun 2021 : l’analyse d’une ancienne footballeuse

Ancienne footballeuse avec les Princesses du Kadiogo, Haïbata Niampa également membre de la Fédération burkinabè de football (FBF), analyse l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2022. Pour cette spécialiste du football, il n’y a plus de petites équipes en Afrique.

En tant qu’ancienne joueuse, dirigeante sportive, quel bilan faites-vous à cette étape de la CAN 2021 ?

Je vous rappelle d’abord la particularité de cette 33e édition qui a failli être annulée en raison de la menace de la Covid-19. Je pense que le pari de l’organisation de cette CAN 2021 reportée à janvier 2022 est réussi. Mais comme toute œuvre humaine, tout n’est pas parfait. A l’issue des 1/8 de finale, nous avons assisté à beaucoup de matchs de bon niveau et des animations extraordinaires. Tout le Cameroun est en fête et les alentours des stades de la ville de Yaoundé bouillonnent presque chaque jour.

Dans le même temps, des grandes nations de football se sont faites éliminées à l’instar du Ghana ou encore de l’Algérie championne en titre. Au-delà des difficultés liées aux tests covid19, de l’état des pelouses de certains stades, des polémiques sur l’arbitrage, la tâche noire de cette Can 2021 reste la bousculade au Stade d’Olembé qui a provoqué 8 morts et de nombreux blessés. Je profite souhaiter que leurs âmes reposent en paix.

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Certaines supposées grandes équipes comme l’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Nigeria ont quitté prématurément la compétition. Comment peut-on expliquer cela ?

La raison est simple. Il n’y a plus de petites équipes en Afrique. Toutes les équipes qualifiées à cette CAN se valent. Quand une équipe a conscience qu’elle doit jouer contre une autre considérée comme « grosse équipe », elle se dépense doublement; ce qui désorganise le jeu de l’adversaire. Le Nigéria, par exemple, a payé le prix de son manque de réalisme face à la Tunisie.

Certaines ont fait la différence grâce à leurs individualités et d’autres grâce à la solidarité du bloc équipe. C’est ce qui fait que nous apprécions énormément et félicitons du même coup le parcours des Etalons dans cette CAN. A cette étape, le Burkina Faso fait partie des 8 meilleures nations du continent. C’est la conjugaison des efforts consentis depuis des mois par le Ministère des Sports, la Fédération burkinabè de football et l’ensemble des supporters des Etalons.

On a également l’impression que les grands attaquants attendus ne sont pas vraiment au rendez-vous de la compétition. Est-ce votre avis ?

Sur ce point, il faut relativiser. Certains ont porté leurs équipes. En plus, en fonction de la qualité des infrastructures, des partenaires de jeu et de l’animation tactique, certains grands joueurs n’arrivent pas à s’exprimer comme dans leurs clubs en Europe. N’empêche qu’il y a eu quand-même du spectacle dans cette CAN et surtout des révélations.

Comment peut-on faire en sorte que le football féminin soit aussi médiatisé que celui des hommes ?

Question très complexe mais je suis contente que les hommes de médias posent la question. Tout partira de l’intérêt que vous aurez pour ce football. Les Médias doivent s’impliquer d’avantage dans la couverture des rendez-vous du football féminin. Pour cela, nous devons quitter dans l’amateurisme et aller vers la professionnalisation. 

Cette professionnalisation passe par une meilleure structuration de nos organes dirigeants avec à chaque pan, une commission communication et marketing (qui doit être très active). Ensuite, nous devons former et créer le jeu, le spectacle recherché afin d’attirer le monde au stade et éventuellement des sponsors. Vous conviendrez avec moi qu’autant le développement du football féminin attirera les médias, autant les médias contribueront au développement du football féminin.

Pour une meilleure visibilité, il faut aussi avoir une politique claire au niveau des fédérations et des confédérations pour permettre aux médias de planifier les évènements. Que les anciennes joueuses se reconvertissent en dirigeantes et pourquoi pas en consultantes afin de mieux porter le football féminin auprès des médias. Pourquoi ne pas commencer par un clin d’œil au football féminin qui se joue chaque semaine et dont le programme est connu dans les différents magazines de sport télé et radios?

Il faut reconnaître qu’au Burkina Faso, certains médias font l’effort d’inviter sur leurs plateaux des femmes du milieu du football féminin pour en parler. Cependant, certaines femmes ne veulent pas s’afficher. Et, c’est là tout le problème. C’est donc un problème sociétal qui constitue un blocage pour ces dernières. Nous devons également impérativement surfer sur les réseaux sociaux où il y a la majorité du public cible, y faire la promotion des joueuses.

Au moment où nous réalisons cet entretien, les Etalons sont en quart de finale contre la Tunisie et jouent le samedi 29 janvier 2022. Qu’est-ce qu’il faut aux Etalons pour franchir cette étape et remporter le trophée ?

Face à la Tunisie, le Burkina Faso a aussi ses chances pour peu que les attaquants soient plus réalistes. Ça ne va pas être facile, les Aigles de Carthage vont pousser et nous provoquer mais nous aurons aussi notre mot à dire. Nous pouvons aussi leur imprimer notre jeu et je pense que les Etalons sont conscients de ce qui les attend. Nous devons donc être prêts mentalement, tactiquement et surtout physiquement afin de jouer debout jusqu’à la dernière seconde et de remporter la partie.

Entretien réalisé par Boukari OUEDRAOGO

envoyé spéciale à Yaoundé (Cameroun)