Koudougou : A la découverte de la crèche bilingue franco-mooré©Studio Yafa
Elève de l’Espace d’épanouissement pour enfants « Yabyiri, Koudougou, 21 avril 2022

Koudougou : A la découverte de la crèche bilingue franco-mooré

Une crèche atypique à Koudougou dans la région du Centre-ouest. Là-bas, des membres d’une association ont mis en place une garderie franco-mooré. A travers cette initiative, ils entendent promouvoir les langues nationales et aider les élèves à mieux comprendre ce qui leur est enseigné.

L’enseignement du mooré dans cette école vise à aider les enfants à mieux comprendre l’enseignement en Français.

Jour de classe à l’Espace d’épanouissement pour enfants « Yabyiri ». Il est presque midi. Les bavardages d’enfants se font entendre depuis l’entrée du centre situé au secteur 1 de Koudougou. Une trentaine d’enfants de moins de cinq ans suivent les enseignements d’éveil de mathématique. Un bâton en main, debout au tableau devant les enfants, la monitrice pose une opération au tableau. « 1+1 font combien ? ». Dans la salle, l’on entend des « moi madame, moi madame », lancés par certains enfants, les mains levées.

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La monitrice interroge une fillette. Elle se présente au tableau, et répète « 1+1 égale 2 » et écrit le résultat sous l’opération. « C’est ça ? » reprend, la monitrice. « Oui », répondent en cœur les élèves. Puis, elle interroge en mooré cette fois : « qu’est-ce que ça veut dire ? ». Une hésitation dans la classe. Puis un élève au fond de la salle reprend en langue mooré : « 1+ 1 égale 2 ». Un deuxième exercice du même genre. Le même procédé est utilisé avec d’autres élèves.

« Quand on leur parle en mooré, ils comprennent mieux alors que ce sont des enfants qui se débrouillent en français. Nous travaillons à faire en sorte que les enfants puissent comprendre en mooré ce nous enseignons en français », explique la monitrice. Deux monitrices encadrent les enfants. Elles sont été, auparavant, alphabétisées en langues nationales à travers les structures appelées communément « bantaré ».

« On leur parle directement en mooré »

Sans cette formation, elles reconnaissent qu’elles n’auraient pas été aussi efficaces avec les enfants. « Mais, ce n’est pas facile, avertit la monitrice Catherine Samba, ce sont des enfants. A cet âge-là, ils sont beaucoup préoccupés par le jeu. Il faut savoir gérer tout ça ».

L’Espace d’épanouissement pour enfants « Yabyiri » encadre 95 enfants, répartis en deux sections. Il a été mis en place par Association pour la protection et le soutien de l’enfance défavorisée (APROSED) dirigé par Vincent Seogo. Le premier groupe concerne les enfants âgés entre 2 et 3 ans. Les enfants âgés entre 4 et 5 ans composent la deuxième section.

En arrivant dans ce centre, la plupart des enfants ne comprend pas le français selon les explications fournies par Vincent Seogo. Plutôt que d’utiliser une méthode brusque comme c’est le cas dans les écoles classiques où l’enseignement est directement donné en français, les initiateurs disent choisir une méthode douce. « On leur parle directement en mooré parce que ce n’est pas évident », résume Valentin d’une voix posée. C’est méthode utilisée  depuis 2014, date de création de centre, fait recette assure l’initiateur.

Un volet social

En plus d’inclure le mooré dans l’apprentissage des enfants, le centre poursuit un but social précise Valentin : « Nous permettons à des femmes qui se battent tous les jours, qui parcourent des kilomètres pour aller chercher des légumes et vendre dans les marchés et qui ne savent pour où amener les enfants pendant tout ce tempsde les envoyer ici ».

L’école bilingue fondée par Valentin Séogo en plus volet éducatif à un objectif social.

Les frais de scolarisation sont étudiés : « C’est juste cette contribution que nous demandons aux parents pour qu’ils puissent faire fonctionner le centre. Ce n’est pas une somme obligatoire. Chacun paye en fonction de ses revenus de façon échelonnée jusqu’à la clôture de nos activités ». Ces contributions aident à préparer pour les enfants, acheter du savon, entretenir les lieux etc.

L’Espace d’épanouissement pour enfants « Yabyiri » bénéficie du soutien du Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre le Sida et les infections sexuellement transmissibles (SP/CNLS/IST) qui fournit l’établissement en fournitures scolaires.

Le centre manque de financement et vit principalement sur la contribution des membres de l’association selon Seogo. « Il y a des partenaires aussi qui viennent souvent jouer au djembé ou du ballon pour les enfants ou mener des activités. Certains amis ont contribué à la décoration des manèges dans le centre », souligne au passage Seogo.

Satisfaction des parents

A midi, comme convenu, la cloche sonne. Après un chant demandé par la monitrice, les enfants quittent la salle de classe au pas de course en lançant des cris de joie. A l’extérieur, ils sont attendus par leurs parents venus les chercher. Parmi eux, Thérèse Zongo dont l’enfant fréquente cette garderie depuis deux ans désormais. « Mon enfant ne savait pas compter quand il venait ici. Maintenant, il sait compter. Il sait chanter. Il connait les sept jours de la semaine en français et en mooré », se réjouit Thérèse Zongo, le sourire grand ouvert.

Sur sa moto et sur l’ai visiblement pressé de de rejoindre son domicile  avec ses deux jumeaux, Edouard Paré, enseignant trouve le temps d’accorder une interview. Avec ses jumeaux, il avait besoin d’un cadre au prix abordable pour contribuer à leur éveil.

Un enseignant sur l’école bilingue

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Cet enseignant salue la pédagogie utilisée par le centre : « Ils apprennent le français et le mooré et à la maison il s’exprime dans les deux langues. Il n’y a pas une langue qui prévaut sur l’autre, c’est bien et cela permet d’avoir une approche diversifiée des choses », apprécie-t-il.

En attendant, Vincent Seogo et ses partenaires envisagent la construction d’une école primaire afin d’assurer un meilleur suivi des enfants.

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Boukari OUEDRAOGO