Bittou : Apprendre un métier plutôt que porter une assiette©Studio Yafa
A Bittou, les jeunes filles tissent leurs avenirs

Bittou : Apprendre un métier plutôt que porter une assiette

Tisser un meilleur avenir. Fil après fil. C’est le choix de certaines jeunes filles à Bittou dans la région du Centre-Est, à proximité du Ghana et du Togo. Au post douanier où des milliers de personnes transitent au quotidien, le danger n’est pas loin pour les adolescentes qui y vendent des fruits et autres marchandises sur des assiettes qu’elles portent. Elles sont souvent victimes de viols, d’agressions et d’autres abus. Progressivement, certaines se tournent vers l’apprentissage de métiers, notamment le tissage et la teinture.

« Ici, il y a beaucoup de trafic, puisque nous sommes à la frontière. Il y a des chauffeurs, des étrangers, beaucoup de monde. L’habitude des filles était de porter des assiettes pour vendre des fruits ou des marchandises au poste de douane. Il y avait des viols, des brutalités. Même si tu ne te prostitues pas, le simple fait de porter une assiette et te promener, on te considérait comme une prostituée ».

Triste constat de Joséphine Nana, présidente du groupement Song-Taaba (Entraide en langue mooré) des tisseuses et teinturières de Bittou. Elle et les 12 autres femmes qui constituent le groupement ont alors initié des sensibilisations pour sortir les filles de la rue et leur apprendre un métier. Un engagement qui porte ses fruits. Scolarisées ou non, des jeunes filles se bousculent dans les différents ateliers.

Abandonner une vie de risque

A l’entrée de la ville, juste après le poste de péage, le bruit des métiers à tisser se mêle aux vrombissements incessants des camions et citernes quittant le Burkina ou revenant du Togo ou du Ghana. Sous les neemiers, plus de 20 filles tissent, sous la supervision de leur patronne. Chacune a son histoire.

Oubératou Zoungrana 15 ans, était sur un site d’orpaillage où elle faisait du commerce au côté de sa maman. Mais elle a dû changer de métier. « Je me suis rendue compte que ce n’était pas un environnement sain pour mon épanouissement. Les hommes sur les sites pensent que tu es une proie facile», témoigne la jeune fille.

« …Quand tu refuses, ils tentent d’abuser de toi »

Sur les sites d’orpaillage comme à la douane de Bittou, Oubératou fait le même parallèle. « Quand tu portes les assiettes à la douane, les chauffeurs te harcèlent, ils veulent coucher avec toi. Quand tu refuses, ils tentent d’abuser de toi. Par contre, ici sur mon lieu de travail, on évite tous ces risques », dit-elle, concentrée sur son métier à tisser. Elle a donc choisi d’apprendre le tissage, qui selon elle, permet de rester dans un environnement plus sécurisé et de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille plus tard. Sa formatrice Assèta Zampaligré dit avoir 34 apprenantes à sa charge.

Trois ans pour changer de vie

Farida Nana, 15 ans également, est une vacancière. Pour ses vacances elle est venue apprendre le métier à tisser. « Ça peut m’aider plus tard », dit-elle d’une petite voix. Selon les formatrices, il faut 3 ans pour apprendre le tissage. Il y a quelques jours, 17 apprenantes ont reçu leurs attestations de formation. Elles s’installeront à leurs propres comptes. « Nos pagnes sont appréciés au Ghana et au Togo. Nous recevons mêmes des apprenantes qui viennent de ces pays », explique Joséphine Nana.

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En attendant, Oubératou, Farida et les autres apprenantes conseillent aux jeunes filles d’abandonner la rue, le travail dans les débits de boissons et d’opter pour l’apprentissage d’un métier. Les formatrices Joséphine et Assèta lancent un appel au soutien, « les métiers à tisser sont chers, les apprenantes sont de plus en plus nombreuses et nous sommes débordées », note la présidente du groupement Song-Taaba des tisseuses et teinturières de Bittou.