« Dans nos familles, parler de sexualité, c’est à la limite un crime »
Roukia Malika Tissolgo

« Dans nos familles, parler de sexualité, c’est à la limite un crime »

Réunir 20 jeunes de Ouagadougou pour parler de santé sexuelle et reproductive, du 25 au 27 octobre 2021. L’activité aura lieu à l’occasion de la semaine mondiale de l’éducation aux médias et à l’information. La jeune Roukia Malika Tissolgo, coordinatrice nationale de l’évènement explique l’initiative.

 

Est-ce qu’il est nécessaire de célébrer la semaine mondiale de l’éducation aux médias ?  

C’est très capital, déjà pour vulgariser l’éducation aux médias et à l’information au Burkina Faso et outiller les jeunes à l’utilisation efficiente des réseaux et médias sociaux dans un contexte sécuritaire assez dégradé.

Nous sommes dans un monde où la désinformation est devenue courante surtout sur les réseaux sociaux. Nous sommes tous devenus des producteurs et des consommateurs de l’information, sans avoir la maîtrise du domaine comme les professionnels.

Il est donc impératif que les jeunes qui sont devenus, pas seulement des consommateurs, mais des producteurs, sachent ce qu’il faut publier.

 

Vous comptez regrouper 24 jeunes de Ouagadougou pour parler de santé sexuelle et reproductive. En langage simple et jeune, c’est quoi la santé sexuelle et reproductive ?

Effectivement nous allons réunir 24 jeunes filles de la ville de Ouagadougou.  La santé sexuelle et reproductive des jeunes, c’est tout ce qui entre dans le cadre de la santé  sexuelle,  c’est-à-dire les bons gestes, l’hygiène intime, tout ce qui peut contribuer à l’épanouissement sexuelle et reproductive de la jeune fille.

L’innovation, c’est que nous  utilisons l’éducation aux médias et à l’information pour parvenir à la santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes.  De même, nous travaillons à changer le discours sur la femme sur les réseaux sociaux, à lutter contre le harcèlement sexuel, à faire la promotion de leurs droits, à réaliser des produits médias qui pourront aider à sensibiliser leurs pairs sur les réseaux sociaux.

A la fin des trois jours d’ateliers, les filles produiront des produits médias tels que les collages photos, une vidéo story telling pour dénoncer les maux en lien avec la santé sexuelle et reproductive.

 

Pourquoi  tenir cette activité dans la capitale, quand on sait que les jeunes y ont facilement accès à l’information, contrairement à ceux des campagnes ?  

Nous n’avons pas exclu les campagnes. Nous sommes également à l’intérieur du pays.  Cette année nous étions à Banfora et à Koudougou pour parler du même thème. Nous avons ainsi choisi de tenir l’activité à Ouaga pour ne pas exclure aussi la jeunesse de la capitale. En plus, ce n’est pas parce qu’on est à Ouaga qu’on a la bonne information.

 

Au-delà de ces 72h, comment allez-vous mesurer l’impact de formation ?

Quand nous finissons les formations, les filles ne sont pas laissées à elles-mêmes. Nous avons des plateformes numériques, WhatsApp, où elles sont intégrées, de même que leurs formatrices. Il y a régulièrement des discussions. Quand il y a  des questions d’approfondissement, des préoccupations ou des initiatives à prendre, elles le font savoir à la formatrice via le groupe WhatsApp.

Aussi, avant les formations, certaines filles ne savent pas calculer leurs règles par exemple, leurs périodes d’ovulation, mais au sortir de nos ateliers, la majorité est capable de le faire.

Il faut aussi dire que l’image de la femme est beaucoup ternie sur les réseaux sociaux. On leur apprend à changer de discours. Nous leurs apprenons à ne pas être des consommatrices passives des messages sur les réseaux sociaux, mais plutôt à interagir, à arrêter de partager ce qui dénigre la femme.

 

Dans le débat de Studio Yafa à Réo, sur les grossesses en milieu scolaire, un élève a proposé d’inclure les préservatifs dans les fournitures scolaires. Qu’en pensez-vous ?

C’est une question piège, c’est assez délicat et sensible parce que donner des préservatifs, c’est comme encourager la sexualité précoce. Alors que pour les jeunes, surtout élèves, l’idéal est de retarder la vie sexuelle, parce que quand vous la commencez, il y a beaucoup d’implications.  Il faut prévenir avant de contrer. Si déjà une fille sait calculer ses périodes, elle peut éviter les grossesses. Les parents ne doivent pas démissionner de leurs rôles d’éducateurs. Dans nos familles, parler de sexualité, c’est à la limite un crime. Certains lycées proposent des pilules du lendemain aux filles, alors que selon les spécialistes de la santé, la pilule ne se prend pas à tout moment parce qu’il y a des conséquences. Moi je trouve que l’éducation sur la santé sexuelle à la maison est primordiale.