« Il faut une réforme profonde de la communication gouvernementale »©OLYMPIA DE MAISMONT / AFP
Lors d'une manifestation à Ouagadougou, le 3 juillet.

« Il faut une réforme profonde de la communication gouvernementale »

A Ouaga, la vie continue mais la tension monte (5/5). Rencontre avec Lassana Bary, consultant pour plusieurs ONG.

 

On reproche au gouvernement burkinabè son défaut de communication après les attaques terroristes, dont celle d’Inata qui a fait 53 morts. Qu’en pensez-vous ?

La communication gouvernementale sur la crise actuelle rencontre de nombreux défis du fait de la nature des informations à communiquer. La volonté du gouvernement de trouver le juste équilibre entre son obligation à communiquer publiquement et son devoir de ne pas divulguer certaines informations militaires pouvant mettre à mal les opérations sur le terrain, semble effectivement mettre à rude épreuve sa communication. A cela s’ajoute une réelle cacophonie dans la diversité des structures de la communication gouvernementale, posant un problème de coordination et de gestion de l’information. L’essor des réseaux sociaux ne facilite pas la tâche au gouvernement qui, quoi qu’on dise, doit s’adapter et améliorer ses stratégies et méthodes de communication.

Pensez-vous qu’il y a une crise de confiance entre les populations et le gouvernement autour de la communication sur les attaques terroristes ?

A l’observation, la crise dans la gestion de l’information entre le public et le gouvernement semble bien exister. Mais cela s’entend du fait de la volonté des populations à chercher la bonne information à temps en cette situation difficile pour tout le monde.

Le gouvernement devrait-il revoir sa manière de communiquer ?

Il y a beaucoup d’effort qui sont faits par le gouvernement. Mais de mon point de vue, on doit aller plus loin en faisant une réforme structurelle profonde de la communication gouvernementale, indépendamment même de la situation de crise actuelle.

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Comment faudrait-il agir ?

Entre autres, cela commence par une réforme des directions de la communication et de la presse ministérielle (DCPM) qui sont confinées dans un rôle assez réducteur de la communication. Le service d’information du gouvernement (SIG) qui n’arrive pas à incarner le rôle qui devrait être le sien… L’autre réforme qui me semble assez importante serait de créer un service de porte-parolat du gouvernement détaché du poste du ministre de la Communication qui, on l’oublie souvent, a aussi un département à gérer au même titre que tous les autres départements ministériels.

En pareille situation de crise sécuritaire, que faut-il mettre en place comme stratégie et plan de communication ? 

Il est clair que la communication en temps de crise est très différente de la communication en tant de paix. Autant la stratégie militaire peut aider à combattre au front, autant la stratégie de communication de crise bien planifiée peut apaiser une population qui vit dans la torpeur et qui fait face aussi à une guerre psychologique.

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Le gouvernement annonce régulièrement la neutralisation de terroristes, un terme souvent incompris par la population. Le terme vous semble t-il approprié ?

On peut considérer ce terme comme un langage plutôt militaire mais dont le sens est facilement compréhensible même par un civil sans avoir un impact sur lui. Il y a beaucoup de termes moins rustres de ce type qui sont utilisés dans ce genre de contexte pour ne pas en rajouter à la psychose généralisée déjà dévastatrice. Le champ lexical est assez vaste pour protéger les populations de violences psychologiques supplémentaires.

Propos recueillis par Bassératou Kindo