Burkina: A Manga, le bon fil de Pauline Ouoba

Burkina: A Manga, le bon fil de Pauline Ouoba

A Manga dans la région du Centre-sud, l’histoire d’amour entre Pauline Ouoba et le pagne tissé se bonifie avec le temps et profite désormais au plus grand nombre. Avec un seul métier à tisser en 2009, elle a depuis ouvert un centre de formation en tissage et en teinture qui accueille une trentaine d’apprenants. La qualité de ses pagnes et la demande sans cesse croissante ont amené son époux à démissionner de la fonction publique pour l’accompagner dans son activité. Pendant ce temps, son pagne tissé voyage à travers l’Afrique et le monde.

Un jour ordinaire dans le centre « Reoboth Danfani plus ». Nous sommes au secteur n°3 de la ville de Manga, région du centre-sud. La musique jouée et qui accompagne la vingtaine de personne à la tâche n’empêche pas d’entendre le bruit des machines à tisser en pleine activité.

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La navette en main,  les deux pieds en mouvement comme s’il pédalait un vélo, les yeux rivés les bandes de cotonnade nouvellement tissées, le jeune Kanfidini Ouoba manœuvre avec dextérité. Il y a environ trois ans que cet ancien apprenti chauffeur est arrivé dans le centre. « J’ai su que ce travail me sera plus bénéfique que celui de véhicule donc je suis resté, sinon j’étais venu pour quelques jours pour voir un ami. Si tu veux progresser dans ce genre de travail il faut la patience », explique le jeune apprenant.

Sanata Naré en pleine activité

A côté de Kanfidini, une jeune dame également assise sur son métier à tisser. Sanata Naré est titulaire d’un BAC. Avec humour, elle raconte que l’atelier de tissage est devenu sa faculté où elle prend ses cours. « Avant je ne jurais que par la fonction publique, mais vous connaissez les réalités du Burkina.  On m’a donc conseillé de venir ici et quand je suis venue Dieu merci tantie (la formatrice) m’a bien expliqué ce à quoi je pouvais m’attendre si je me mettais au sérieux », avance Sanata Naré.

Le coup de pouce et l’envol

Entre Pauline Ouoba et le tissage, c’est une histoire d’amour qui date depuis le bas âge. Elle a grandi dans un environnement où le tissage était l’activité principale de sa marraine.  « Je suis arrivée chez elle à l’âge de 7 ans et j’ai passé 16 ans de ma vie avec elle avant de me marier. Grâce à ce métier, la dame était épanouie sur tous les plans, cela m’a motivé à en faire mon activité après mon mariage », raconte-t-elle.  

Quand elle débarque chez son mari alors affecté à Manga en 2006, Pauline se tourne les pouces les premiers mois. L’idée de renouer avec le tissage lui vient. « C’est mon mari qui m’a aidé à avoir le premier métier à tisser. En 2009, j’ai une formation en entrepreneuriat, j’ai eu financement de 600 000 et j’ai eu deux autres métiers et un peu de matière pour commencer », se rappelle-t-elle, non sans une certaine fierté qui se lit sur son visage.

Dès lors, la jeune femme nouvellement mariée se fait remarqué par la qualité de ses pagnes. « J’insiste sur la qualité du tissage et de la teinture. Quand un pagne a un défaut je m’abstiens de le vendre », martèle-t-elle en faisant le tour des apprenants.

Du social et des affaires

D’un seul métier à tisser à ses débuts, Pauline en est à une trentaine actuellement. Elle a carrément crée un centre dénommé « Reoboth (Dieu nous a mis au large) Danfani plus ». En plus du tissage, la teinture a été ajoutée. Le centre accueille des jeunes qui viennent d’un peu partout du pays. Plus de 200 ont été formés depuis l’ouverture du centre. Deux options sont offertes. 

« La formation est payante, 130 000 FCFA par an. Au regard de la motivation de certaines personnes qui veulent apprendre, mais n’ont pas de moyen, nous avons essayé de les aider. On s’entend sur le nombre d’année à passer avec nous après la formation avant de les libérer », nous apprend-t-elle. Les apprenants qui viennent de loin sont logés et nourris par le centre.

L’apprenant qui arrive au centre est d’abord instruit sur les aspects théoriques avant de commencer plus tard la pratique. « Quand on vient pour la formation, on ne commence pas à tisser directement. Au début, il y a des modules. Il faut avant toute chose, passer par le nœud. Base de tout bon pagne. Ensuite il apprend à démêler le fil. C’est environ un mois et demi après que le tissage commence. Pour la teinture, il faut la deuxième année pour commencer », enseigne dame Ouoba.

 Convaincre par l’exemple

« Je veux ressembler à cette dame.  Le premier jour que mon mari m’a amené ici, je ne voulais pas continuer le travail. On avait des idées bizarres quoi, aller à l’école et revenir t’asseoir ici, moi je voyais que ce n’était pas simple parce que si quelqu’un te demande c’est bizarre pourtant tu as le bac », confesse Sanata Naré qui dit être tombée depuis, sous le charme du travail de dame Ouoba qui a été lauréate du concours national sur le motif du pagne du 8 mars 2021.

Le succès du centre a amené le couple Ouoba à prendre une décision qui peut paraître surprenante, surtout au Burkina. « Mon mari a démissionné de la fonction publique pour qu’on travaille ensemble. Il s’occupe du volet marketing », souffle la patronne. Absent lors de notre passage, son mari était dans des foires dans la sous-région pour vendre les pagnes de sa femme.

Très peu prolixe sur une question. Pauline Ouoba nous apprendra également être  celle qui a habillé l’ancien chef de l’Etat Roch Kaboré connu pour aimer les tenues Faso Danfani.

Tiga Cheick Sawadogo