Financement du cinéma : le calvaire des réalisateurs burkinabè
Le siège du FESPACO, Ouagadougou (Ph. Studio Yafa)

Financement du cinéma : le calvaire des réalisateurs burkinabè

Les avantages d’une ancienne réputation. Ouagadougou, capitale du cinéma africain. Pourtant en termes de productions, le Burkina Faso est bien loin derrière le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou encore le Sénégal. Les réalisateurs manquent surtout de financements pour produire des films compétitifs à l’échelle internationale.

Ben Aly Ouédraogo a 17 ans de carrière dans le cinéma. Il totalise seulement deux courts métrages. Pourtant il ne manque pas de scenarios, des idées de films. « J’ai pas mal de scénarios en boîte qui croupissent dans les tiroirs mais comme il n’y pas de moyens, on est obligé de faire sur fonds propres » lâche-t-il. Pour un court métrage, le réalisateur estime le budget minimum à 45 millions de Francs CFA. 

Par manque de moyens pour payer les acteurs, il a sollicité des jeunes qu’il avait formés afin qu’ils jouent dans son premier film d’école. « Ce sont des jeunes que j’encadrais en jeu d’acteur et à la fin de la formation, je leur ai proposé de jouer pour mettre en pratique l’encadrement. Donc il fallait trouver juste l’argent pour la location du matériel » a-t-il dit.

C’est un cercle fermé estime ce jeune réalisateur. Il y a des fonds mais tout le monde ne peut en bénéficier. « Comment se fait-il que des films comme yaaba soient réalisés à plus d’un milliard de franc CFA et qu’aujourd’hui, on ne peut même pas avoir 100 millions, c’est peut-être de la mauvaise foi » regrette-t-il.

Produire avec peu

Face au manque de financement, les réalisateurs font avec les moyens du bord. Aladji Cliachi, un autre jeune réalisateur et acteur a frappé à quasiment toutes les portes pour demander un accompagnement. Il n’a pas eu gain de cause. Il commence donc avec ses fonds propres et accélère le tournage pour non seulement gagner en temps et surtout en économie.

« Je n’ai pas eu de financement tout est sorti de ma poche. Et comme on le sait, plus le tournage dure, plus il y a des dépenses supplémentaires, chaque jour les acteurs sont payés, le matériel de tournage également est loué par jour » a-t-il cité. Le jeune réalisateur va plus loin. Pour certains plans, il dit avoir recourt aux troncs d’arbres. « Comme le matériel coûte cher, je me rappelle que mon film en cours de production, le caméraman est monté sur des arbres pour filmer parce le matériel coûte cher » ajoute-t-il.

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Pour le journaliste culturel, Marius Diessongo, le cinéma doit être une priorité du gouvernement qui selon lui, doit l’inclure dans le budget comme le font certains pays dont la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Nigeria. « En Côte d’Ivoire, le plus petit montant qu’on peut octroyer pour la réalisation d’un film est de 100 millions, alors qu’ici vous partez à la direction des arts, le budget de toute la direction tourne entre 50 millions et 200 millions de FCFA ».

Il y a de la matière poursuit le journaliste culturel pourtant. De grands techniciens et réalisateurs mais fautes de financements, le pays ne dispose pas de films compétitifs. « Nous avons de bons techniciens de qualité, mais nous n’avons aucune série compétitive à l’échelle sous-régionale » a-t-il regretté. Face à la difficulté d’accès aux financements, Benaly Ouédraogo compte sur son carnet d’adresse et ses connaissances pour produire.

Pour ce jeune réalisateur, « que ce soit au ministère de la culture, les entreprises, les demandes de financement restent sans suite. Il y en a même qui disent qu’est-ce qu’ils gagnent en retour. Donc je suis obligé de passer par mon réseau d’ici et d’ailleurs pour avoir un accompagnement » dit-il, avec tristesse.

Trouver une alternative face au manque de financement

Selon Pazouknam Jean Baptiste Ouédraogo, producteur, réalisateur et vice-président de la confédération nationale de la culture, les réalisateurs burkinabè sont dans un processus de fédération des efforts dans la production de films. « Comme l’Etat ne finance pas, on se met en co-production. Chaque auteur vient présenter son projet à travers sa maison de production. Un tel va dire, je suis intéressé ; je vais apporter du matériel. Tel autre dit, je vais apporter la régie ainsi de suite » explique-t-il.

Ben Aly Ouédraogo regrette le manque d’accompagnement du cinéma (Ph. Studio Yafa)

Le cinéaste en appelle également aux bonnes volontés dont les opérateurs économiques qui peuvent également contribuer à redonner une autre image au cinéma burkinabè. « Aux Etats-Unis, en Inde, il y a des opérateurs économiques qui investissent des milliards pour les productions et pour promouvoir leurs cultures. Une telle initiative pourrait relancer le cinéma burkinabè », poursuit Pazouknam Jean Baptiste Ouédraogo.

Les acteurs du cinéma attendent un accompagnement de l’Etat burkinabè à travers la mise en place d’un fonds spécial dédié au cinéma qui leur permettra de produire des films compétitifs.

Faïshal Ouédraogo (collaborateur)