Burkina Faso : Quand l’accès aux centres de santé est un calvaire pour les personnes vivant avec un handicap

Burkina Faso : Quand l’accès aux centres de santé est un calvaire pour les personnes vivant avec un handicap

A Fada N’Gourma, les centres de santé manquent d’équipements pour la prise en charge des personnes vivant avec un handicap. Pourtant, les agents de santé ne sont pas formés pour leur prise en charge. Du coup, ces personnes qui souffrent déjà de leur infirmité vivent un calvaire quand il s’agit de fréquenter les centres de santé.

Joséphine Pelabré, la vingtaine est incapable, depuis toute petite, de placer un pied devant l’autre. La jeune fille, née infirme des pieds, ne tient pas sur ses deux jambes. Elle aurait pu trouver un peu d’écoute et de compassion dans les centres de santé. Mais chaque fréquentation apparaît comme un cauchemar. Pourquoi ?

Aucun dispositif n’est mis en place pour accueillir des personnes vivant avec un handicap dans les centres de santé à Fada N’Gourma où elle vit. « Quand j’arrive, le lit de consultation est trop haut. Je ne peux pas monter dessus. Même pour entrer dans la salle, il faut que je me mette à quatre pattes. Souvent c’est 2 ou 3 personnes qui me soulèvent pour mettre sur le lit »,laisse-t-elle entendre depuis sa chaise roulante.

Lire aussi: Personnes vivant avec un handicap, les regrets d’une journée passée inaperçue

Comme elle, des personnes vivant avec un handicap dans la ville de Fada rencontrent une série d’obstacles pour accéder aux soins de santé. Gabriel Tompougdi, vivant avec une infirmité depuis la naissance, supporte également ces difficultés. « Tu arrives, tout est haut. Même pour rentrer dans la salle de consultation tu ne peux pas. Les rampes sont hautes », ajoute-t-elle.

La douleur est encore vive lorsque Joséphine raconte son parcours le jour de son accouchement au centre de santé de Fada N’Gourma. Cette journée qui devait être l’une des belles est considérée comme la pire par la Joséphine. « Le jour de mon accouchement j’ai vu toutes sortes de difficultés. Si je savais que j’allais souffrir ainsi, je n’allais pas tomber enceinte », lâche-t-elle visiblement marquée. Puis d’ajouter  d’une voix triste : «Ce jour-là, j’ai beaucoup pleuré à l’hôpital jusqu’à j’ai fait une hypertension ».

Carte d’invalidité sans avantage

Pourtant, pour faciliter l’accès des personnes vivant avec un handicap dans les centres de santé, une carte d’invalidité est mise en place. Toute personne vivant avec un handicap disposant de cette carte doit bénéficier gratuitement des consultations, des examens complémentaires, de médicaments, l’hospitalisation dans les structures publiques de santé.

Plusieurs personnes vivant avec un handicap possèdent cette carte d’invalidité. Cependant, selon elles, ces cartes ne semblent pas servir. «Cette carte ne donne pas l’autorisation d’être pris en charge. Elle est méconnue dans des structures sanitaires à Fada ici. J’ai payé le même prix que les autres », déclare tout énervé, Gabriel, venu soigner son paludisme.

Lire aussi: Dédougou, « Sigi Te Mogo Son », nouveau souffle pour jeunes handicapés

Ahmadou Barry un membre de l’association des personnes vivant avec un handicap, raconte aussi sa mésaventure. Pour soigner son paludisme, il se rend dans un centre de santé. Il présente sa carte d’invalidité. Mais peine perdue. Elle ne sert presque à rien. « Nous ne bénéficions pas de ses bienfaits. Souvent tu as ta carte, et quand les médecins se rendent compte que c’est la carte tu tiens, ils te laissent et s’occupent des autres d’abord », regrette-t-il.

Cette double peine est préoccupante pour ces personnes vivant avec un handicap du fait également de leurs moyens limités. « On n’a pas de jambes pour travailler, on se débrouille pour se nourrir. Les produits sont souvent très chers. Le peu qu’on gagne ne couvre pas non plus les factures des ordonnances. Si cette carte aussi n’est pas considérée, comment on va faire pour se soigner ? », s’interroge tristement Ahmadou. Par fini, ils ont recours à l’automédication où à l’indigénat jugé moins coûteux selon Ahmadou.

La formation des agents de santé

Les problèmes évoqués par ces personnes vivant avec un handicap sont bien réels et reconnus dans les centres de santé. Selon le responsable suivi et évaluation au district sanitaire de Fada N’Gourma, les agents de santé ne disposent pas des moyens nécessaires et de la formation qu’il faut pour la prise en charge des personnes handicapées.

« Le matériel n’est pas adapté. Quelqu’un qui est handicapé moteur, qui ne peut pas se tenir debout, on prend sa taille comment ? On prend son poids comment ? Quand vous dites à un médecin d’utiliser le langage des sourds pour ce type de patient, c’est difficile. Ils ne sont pas formés pour ça », admet Blaise Dah.

La non prise en compte des cartes d’invalidité par les agents de santé relève de l’ignorance. « Quand les personnes handicapées présentent cette carte, ils sont embrouillés, ils ne savent pas comment s’en tenir », concède le responsable suivi et évaluation au district sanitaire de Fada N’Gourma.

En attendant des équipements adaptés, la formation des agents de santé sur la prise en charge de cette catégorie de personnes et la prise en compte effective de la carte d’invalidité, des rampes d’accès sont prévues pour faciliter l’accès aux centres de santé par les personnes vivant avec un handicap.

Salamatou DICKO

Collaboratrice