Ouagadougou : A Rimkieta, les braquages se poursuivent…comme dans un film
Le pont est l'endroit le plus redouté (Ph. Studio Yafa)

Ouagadougou : A Rimkieta, les braquages se poursuivent…comme dans un film

Rimkieta fait partie des quartiers les plus criminogènes de la ville de Ouagadougou. De décembre 2022 à juillet 2023, le commissariat de l’arrondissement 8 a enregistré une trentaine d’agressions, démantelé sept bandes de délinquants et saisi huit armes… L’insécurité sévit toujours dans la zone malgré la présence d’un commissariat depuis fin décembre 2022. La population vit la peur au ventre…au quotidien.

Rimkieta. Ce quartier situé au Nord-ouest de la ville de Ouagadougou est réputé pour ses braquages. Le triste destin de Ina Mounia Drabo nous le rappelle encore. Dans la nuit du 26 septembre 2021, la jeune étudiante de 19 ans est froidement assassinée d’une balle dans la tête par des individus non identifiés. La moto de la victime emportée par ses bourreaux. Cet énième assassinat choc l’opinion. Une marche silence est organisée dans la foulée pour rendre hommage à Ina et exiger par la même occasion, plus de sécurité dans le quartier.

Une ruelle presqu’impraticable du quartier (Ph. Studio Yafa)

Moins de deux ans après, la quiétude peine à s’installer dans la zone. Rabiatou Kouda, une amie de Ina décrie toujours la situation malgré l’implantation d’un commissariat depuis décembre 2022. « Il y a une autre dame qui faisait la tontine, on l’a croisé vers les rails et ça a été le même destin que Ina, on l’a tuée, emporté sa moto et son argent. C’est vrai qu’il y a un commissariat à Rimkieta, mais la nuit même, tu ne peux pas circuler comme tu veux ici. Si tu t’hasardes, on peut t’arrêter » déplore la jeune fille.

Attention ! Ce pont-là, danger de mort

20h. Sur la voie reliant Nonsin à Rimkieta. Nous empruntons la route d’environ 10 kilomètres. Elle est jalonnée de nids-de-poule, de basfond sans aucun éclairage. Il faut avancer avec minutie. Autant de facteurs qui favorisent la commission d’un forfait à la tombée de la nuit sur ce vaste théâtre d’opérations pour les brigands. A côtés du basfond, des vendeuses de légumes, en train remballer. « Il y a la peur parce que quand tu sais qu’on agresse les gens ici, tu dois avoir peur. Voilà pourquoi nous rentrons tôt » prévient une d’elles.

A plusieurs reprises, Justine Compaoré et ses quatre compagnons ont été la cible des brigands. « Nous faisons du nettoyage dans les services et on part à 4h du matin. On nous a arrêté trois fois, retiré nos téléphones, de l’argent avant de nous menacer de mort si on crie » confie-t-elle.

La journaliste Maimouna Rachelle Sawadogo a également été victime d’agression sur ce même tronçon à 19h, alors qu’elle rentrait du service. Comme dans un film fiction, elle n’en revient toujours pas. « Au niveau des rails, je marchais pour rentrer, les gens circulaient normalement. A un certain moment, j’ai senti quelque chose sur mon dos, il y a une autre personne qui est venue tirer mon sac.  C’était tellement rapide que je n’ai rien compris. Et quand il a tiré, ils ont tous couru dans le basfond » se rappelle-t-elle. Fort heureusement, elle s’en est sortie vivante, mais a quand même perdu ses deux téléphones et une somme de 200 milles F CFA.

Salam, plusieurs fois la cible des braqueurs

A l’extérieur de sa cour située juste à la descente du pont qui lie Toecin à Rimkieta, Abdoul Salam Barry a ouvert une boutique non loin du basfond. A plusieurs reprises, le boutiquier affirme avoir été agressé et ce depuis 2014. « Ils ont commencé à m’agresser depuis 2014. En 2015, lorsqu’ils sont venus, ils ont défoncé la porte de la boutique, mais grâce aux voisins qui sont sortis, ils ont fui » se rappelle-t-il.

En 2019, ses détracteurs vont plus loin après avoir bien planifié leur manœuvre. Au nombre de huit, ils reviennent avec force, mais encore une fois l’homme réussit à se sauver. « En 2019 ils se sont bien préparés pour revenir et lorsque j’ai vu que je ne pouvais pas leur tenir tête, j’ai pris le mur pour appeler les voisins. Nous sommes venus donc les retrouver face à face devant la boutique. Ils étaient armés de machettes, mais avec les appels au secours, ils ont fui. A cause du basfond, on ne peut pas les avoir » se remémore Abdoul.

La police oui, mais la prévention situationnelle d’abord

Selon le commissaire principal de Police de l’arrondissement 8 de Ouagadougou, Moussa Thiombiano, les actions de patrouilles et les enquêtes menées depuis l’ouverture du commissariat en décembre 2022 ont permis de traquer plusieurs malfrats. « Depuis notre implantation dans le quartier, nous menons plusieurs actions de sécurisation notamment des patrouilles tous les soirs en sillonnant plusieurs parties du quartier pour rassurer les populations» dit-il.

Le commissaire Moussa Thiombiano conseille la prudence (Ph. Studio Yafa)

Malgré les actions de la Police, le commissaire recommande la prévention situationnelle comme meilleur moyen de sécurité. « C’est à travers l’observation et la prudence, qu’on peut éviter de se retrouver dans certaines situations. Il faut poser des actes qui rendent compliquée, la commission d’une infraction. » poursuit le commissaire Thiombiano.  

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Si malgré tout un riverain est en face d’une situation de braquage, le commissaire principal de Police de l’arrondissement 8 recommande de ne pas s’opposer en vue de préserver sa vie. « Lorsque vous vous retrouvez nez à nez avec des malfrats, c’est de travailler à préserver sa vie au lieu de tenir tête car le matériel, on peut toujours l’acquérir mais la vie, non. Il faut obtempérer et s’ils vous dépouillent de vos biens, il faut aller immédiatement faire une déclaration » conseille le commissaire.

Relevant de la commune de Boulmiougou et loti en 2002, Rimkieta est un vaste quartier qui s’étend sur environ neuf (09) kilomètres. En plus de l’insécurité qui sévit dans la région, l’autre défi pour les populations du secteur est celui des routes surtout en saison de pluies.

Faïshal Ouédraogo (collaborateur)