Marché de Rimkiéta : des jeunes en première ligne contre un éventuel déguerpissement
Les commerçants ne veulent pas bouger sans garantie

Marché de Rimkiéta : des jeunes en première ligne contre un éventuel déguerpissement

La tension est retombée au marché de Rimkiéta, mais les inquiétudes des commerçants demeurent. Il y a quelques jours, ils ont manifesté pour s’opposer à toute idée de déguerpissement. La marie de l’arrondissement n°3 a en projet la construction d’un nouveau marché qui passe par la destruction de l’ancien. Les plaignants craignent de ne plus avoir de boutiques une fois la nouvelle infrastructure terminée.

Zénabo Kaboré fait grise mine. Elle a l’impression que ses jours sont désormais comptés au marché de Rimkiéta qu’elle fréquente depuis une décennie. Sous un hangar de fortune et devant ses étals de poterie, de tisane et de farine, Zénabo hèle les potentiels clients qui passent, sans arrêter. Entre deux invitations à l’achat, elle nous parle. « On sait que si on bouge d’ici et qu’on rase le marché, nous devons nous éloigner d’un hangar ici. Nous n’avons 25 000 ou 100 000  francs pour louer une tente, pourtant ils y a des gens qui sont prêts à payer plus que ça », fulmine la commerçante, sous le regard de sa fille assise sur un pneu usé.

La raison de la colère de Zénabo, c’est le déguerpissement envisagé du marché par les autorités municipales. Selon Vincent Simporé jeune commerçant tenancier d’une boutique de vente de planches et autres matériaux de construction, tout est parti d’un projet de construction d’un marché plus moderne. « La mairie nous a dit de faire un recensement pour connaitre le nombre exact des personnes qui occupe le marché. Nous avons recensé environ 1000 personnes. L’équipe de la mairie a aussi fait son recensement qui fait ressortir plus de 15 000 personnes. Cela nous a d’abord étonnés », explique le jeune commerçant pour qui, à partir de cet instant les commerçants ont commencé à se méfier.

Toujours selon lui, avec les chiffres discordants, la mairie a fait savoir qu’elle ne pourra procéder au lotissement dans ces conditions. Par contre, un autre site a été proposé aux commerçants. Pendant qu’ils occuperont ce nouveau point de chute, le marché de Rimkiéta sera rasé et reconstruit. Cette option provoque alors le courroux des commerçants. « Quand on partage de la viande en plein jour avec une torche, il y a maldonne, de la tricherie. S’ils veulent raser le marché, c’est mieux qu’ils rasent aussi nos maisons, parce qu’on risque de ne plus vivre », caricature Yacouba Koanda, soudeur aux abords du marché.

Il poursuit en expliquant que les commerçants ont fait une proposition qui n’a pas été prise en compte. « Nous avons dit, étant donné que nous sommes pratiquement en saison des pluies, ils n’ont qu’à venir placer les bornes pour que chacun sache où est sa place, avant qu’on ne rejoigne le lieu qui doit nous accueillir ». Si les commerçants n’entendent pas bouger, c’est parce que selon eux, il y a des précédents dans d’autres marchés où des commerçants ont été déguerpis. La voix grave, Mahamoudou Ouédraogo égrène des cas similaires qui justifient leur méfiance: les marchés de Toécé et Mankoudougou yaar. 

« Des gens ont été privés de leurs hangars, et n’ont pas eu de boutiques. Ce sont donc des exemples et des alertes pour nous. Si on s’en va et qu’ils rasent le marché, construisent et que par la suite on n’a pas de boutiques, sur quelle base allons-nous nous plaindre ? Aucune. Voilà pourquoi nous prenons les devants », explique-t-il. Les vieilles femmes devant leurs étals de condiments, les jeunes filles devant les boutiques de vente de produits de beauté ou de vêtements ou les jeunes garçons devant des ateliers préviennent qu’ils se battront pour ne pas perdre leurs hangars.

Vincent Simporé précise que les commerçants ne sont nullement contre l’aménagement du marché, mais leur position vise à garantir l’équité pour tous les occupants du marché. Le 22 mai, ils ont manifesté contre toute idée de leur déguerpissement. « Nous nous battons pour qu’il n’y ait pas des gens qui pleurent pendant que d’autres rient », résume-t-il. Pendant plusieurs jours, nous avons vainement tenté d’avoir la version du maire de l’arrondissement n°3 , Rainatou Sawadogo qui n’a pas daigné répondre à nos appels et messages.