Rite du bois mort : les bouts de bois des jeunes à la forge du Mogho
Les jeunes ont promis perpétuer le rite du bois mort

Rite du bois mort : les bouts de bois des jeunes à la forge du Mogho

Des centaines de jeunes, tous forgerons, sont allés chez le Mogho Naba, fagots de bois sur la tête . Les fagots de bois qu’ils transportent doivent servir à maintenir les flammes de la forge du Mogho Naba chef de Ouagadougou. La légende raconte que la forge a sauvé le royaume moaga d’un montre qui dévorait les sujets du roi.  Ainsi est né « le rite du bois mort » dans le royaume. Des jeunes visiblement à la reconquête de leur identité se sont mobilisés cette année pour sacrifier à ce rite séculaire chez les mossés.

Des centaines de personnes quittent la cour du Baloum Naba et entament une procession d’environ un kilomètre, des fagots de bois sur la tête. De chez le chef de l’intendance et porte-parole du Mogho Naba dans le quartier Samandin de Ouagadougou, elles se dirigent vers la cour royale du Mogho Naba Baongo. Ces marcheurs qui attirent la curiosité des passants sont des forgerons qui vont perpétuer une tradition, le « rite du bois mort » selon la légende moaga.

« Tout est parti d’un phénomène qui avait lieu dans le royaume de sa majesté. Le Mogho Naba avec les conseils de ses sages a demandé les services des forgerons qui sont venus l’aider à anéantir le monstre qui chaque fois apparaissait dans le royaume et partait avec un de ses sujets. C’est à travers un feu que les forgerons ont réussi à anéantir le monstre. C’est pourquoi il est de coutume que les forgerons viennent avec du bois mort pour donner à sa majesté afin qu’il entretienne le foyer qui avait été allumé par les forgerons parce qu’on en sait jamais (…) Les premiers rites c’était dans les années 1500 quand régnait le Mogho Naba Niandfo », explique Philippe Sawadogo, membre de la délégation.

Femmes et jeunes apportent des fagots de bois chaque trois ans au Mogho Naba pour se rappeler et revivre ce pan important de leur histoire. Selon Delphine Nikiéma, c’est un bois spécial de l’arbre du « noéka ». « Nous sommes allées chercher ça en brousse pour venir les donner à nos maris qui les arrangent avant. Femmes, enfants et hommes portent le bois. Quand nous arrivons à Ouaga, nous passons chez le Baloum Naaba qui est notre logeur avant de marcher pour venir dans la cour royale », explique dame Nikiéma.

Etudiant en première année de master en Droit public, Parfait Kaboré est enthousiaste. Il ne cache pas sa joie de participer à ce rite trisannuel. « Il faut que nous en tant que jeunes, nous pérennisons cette action. C’est un signe très fort que nous saluons à sa juste valeur. Nous jeunes suivons et allons continuer à rééditer cette pratique pour que nos enfants et nos petits enfants continuent avec cette pratique », dit-il.

Arrivés dans la cour du Mogho Naba, les visiteurs du jour déchargent le bois devant la salle d’audience de l’hôte. Assis jambes croisées, ils écoutent religieusement le porte-parole du chef qui transmet à l’assemblée ce que le chef lui a murmuré. « Merci à vous de perpétuer la tradition. Je vois que les jeunes sont fortement mobilisés. Cela rassure pour l’avenir. Je suis très heureux. Quand il y a des cérémonies et des rituels, il faut que les jeunes s’y intéressent, parce qu’après ce sont eux qui prendront la relève », soutient le chef du royaume de Ouagadougou.

La mobilisation des jeunes saluée par le Mogho Naba ravit également Philippe Sawadogo pour qui la relève du rite est presque assurée. « C’est une satisfaction dans la mesure où toute la jeunesse a compris la valeur du rite. Ce qui a expliqué la forte mobilisation. A travers cela, ce sont des jeunes qui sont assoiffés de connaissances, qui veulent comprendre, savoir ce qui se faisait dans le temps », poursuit-il.

Les jeunes ont pris l’engagement devant le Mogho Naba d’apporter toujours des fagots de bois pour maintenir la forge allumée. Selon les sages, les forgerons ont plusieurs fonctions essentielles. Ils sont à la fois craints pour les pouvoirs mystiques dont ils disposeraient, et vénérés de part la place qu’ils occupent dans la société moaga. Ils avaient aussi une fonction de médiation sociale.