Burkina: Dioulassoba, 15 hectares de résistance pour préserver une authenticité

Burkina: Dioulassoba, 15 hectares de résistance pour préserver une authenticité

Un village dans la ville. A Bobo Dioulasso, le quartier dioulassoba garde son authenticité dans le tourbillon de modernité qui l’entoure. Malgré les chocs et les influences, l’âme de dioulassoba demeure. La célèbre mosquée qui serait construite au 11e siècle et l’église côtoient les fétiches du village. Une résistance sur 15 hectares entretenue jalousement.

Ce n’est pas l’ambiance des grands jours. Ce vendredi du mois d’août, les ruelles de dioulassoba sont pratiquement vides. Juste quelques enfants qui flânent ou des femmes qui s’affairent en cuisine. Normale, cette atmosphère morose. Nous sommes en saison agricole et comme dans tous les villages, les habitants pour l’essentiel sont dans les champs.

« Après la récolte, ils vont venir organiser une grande fête de funérailles de masques et c’est ce qu’on appelle sangabâ. ça sera au mois d’avril », nous apprend Salif Tougma, notre guide.  Trapu, la démarche sûre, il fait partie des jeunes qui content l’histoire de dioulassobo aux visiteurs. Le village attire toujours la curiosité de milliers de visiteurs. Presque de façon mécanique, pour avoir certainement répété l’exercice à plusieurs reprises, Salif nous fait visiter ce labyrinthe.

Ecouter notre grand mag: Dioulassoba, un village du Burkina Faso chargé d’histoire et de traditions

Malgré son homogénéité apparente pour le visiteur, le village est subdivisé en plusieurs parties. « Il y a la partie des bôbô musulmans, la parti des bôbô forgerons, la partie des bôbô griots et la partie des bôbô animistes », explique le guide qui ajoute qu’il n’est pas permis un mariage entre les différents groupes, sous peine de perdre les coutumes.

Les animistes, fondement du village protège dioulassoba sont les plus nombreux et détiennent les fétiches.

Salif Tougma tout en expliquant les différents pans du village, se garde de passer à certains endroits. Ce sont des zones rouges. « La petite porte que vous voyez, c’est là-bas les chefs sont enterrés. C’est interdit de voir les tombes. Les maisons construites en terre sont là où y a les fétiches », nous montre-t-il, en indexant de la main un passage qui donne sur le cimetière royal.

La première maison, fondement de l’histoire du village

Un chasseur venu de la Guinée trouva ce lieu accueillant et décida de s’y installer en bâtissant sa maison. Ce qui serait la toute première maison du village est toujours sur pieds. En banco, elle est située à l’Est de la bourgade. Loin d’être seulement un site touristique, la maison est toujours habitée.

La maison mère est toujours habitée (Ph. Studio Yafa)

« Des descendants sont toujours dans la maison », précise le guide avant d’ajouter que chaque année, comme signe d’appartenance à la même racine, toutes les composantes de dioulassoba, animistes, musulmans et chrétiens, se retrouvent pour la réfection de la maison fondatrice du village.

A l’épreuve du temps

Le temps passe, dioulassoba garde ce qui le distingue des autres quartier de Bobo. Mais ceux qui ont connu le village depuis des années ne se font pas d’illusion. Moussa Sanou, la soixantaine regrette que la superficie de la bourgade soit de plus en plus grignotéd. « La ville commence à bouffer le village. Dioulassoba était plus vaste. Mais il y a des traditions qui perdurent et nous continuons à adorer les fétiches », reconnait le vieil homme. Les plusieurs tentatives de lotissement du village sont restées vaines, face à la désapprobation des patriarches qui tiennent à préserver leur originalité.

Salif Tougma dans les labyrinthes de dioulassoba (Ph. Studio Yafa)

Par contre, le vieux Sanou reconnaitra que certains sacrifices même s’ils continuent d’être faits, ont dû être adaptés. « Avant il y a des sacrifices qu’on faisait à l’abri des regards. On a même arrêté certaines choses. Pour d’autres, c’est une fois dans l’année qu’on fait certaines choses, et on a attend que tout le monde rentre, tard dans la nuit», poursuit-il, en se gardant naturellement de nous expliquer la portée de certains sacrifices. Mais d’une voix autoritaire, Moussa Sanou proclame que « jusqu’à la fin des temps, les traditions ne vont pas disparaitre».

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Côté sud de dioulassoba, une église trône sur une petite colline. Le périmètre abrite également des fétiches. Une symbiose entre la religion abrahamique et traditionnelle. « L’église a été construite quand les fétiches étaient là. On se respecte. Si un dimanche on doit faire un sacrifice, les chrétiens attendent que ça finisse avant de célébrer leur messe», explique Moussa sanou. Il se réjouit ainsi de cette coexistence pacifique entre religion dans le village.

Il est l’heure de la grande prière du vendredi. Les fidèles commencent à arriver à la grande mosquée de dioulassobo, considérée comme la plus vieille de Bobo, sinon du Burkina. Construite selon le guide Salif Tougma, au 11e siècle, ce lieu de culte est également un site de tourisme et l’un des symboles de toute la ville.

Tiga Cheick Sawadogo