»La responsabilisation des jeunes passe d’abord par un emploi décent »
Paz Hien, analyste politique

 »La responsabilisation des jeunes passe d’abord par un emploi décent »

Sur les 127 élus à l’Assemblée nationale, il n’y a qu’un seul jeune député. Il n’y en a aucun  dans le gouvernement burkinabè, encore moins à la tête des institutions étatiques ou dans les nominations d’ambassadeurs. Le juriste et analyste politique Paz Hien estime que le Président du  Faso Roch Kaboré ne fait pas la promotion des jeunes. Dans une tribune publiée le 6 août sur son profil Facebook, le juriste invite le président de la République à un débat public sur les réseaux sociaux autour des questions de la jeunesse burkinabè. Interview.

 

Studio Yafa : Dans une tribune que vous avez publiée le 6 août dernier, vous invitez le Président de la République à débattre avec vous. Qu’est-ce qui motive cette initiative ?

Paz Hien : J’ai effectivement invité le président du Faso à débattre publiquement avec moi sur les questions de la jeunesse parce que je suis jeune. J’estime que le président du Faso ne fait pas suffisamment la promotion des jeunes, alors que dans les médias le président dit mettre la jeunesse au cœur de sa gouvernance. Je l’ai donc invité à débattre publiquement sur les réseaux sociaux parce que c’est l’endroit où on retrouve le plus de jeunes. Aussi, parce que  les réseaux sociaux sont devenus la principale source de formation de l’opinion sur les questions publiques au Burkina. Cette invitation est aussi une occasion pour lui de dire ce qu’il fait ou ce qu’il a fait pour la jeunesse burkinabè.

Avez-vous eu une réponse ? Une réaction de la part du président, son gouvernement ?

Je n’ai eu aucune réponse de sa part, mais j’espère que ça ne saurait  tarder. Même si nous ne sommes pas amis sur Facebook, je reste convaincu que ses plus proches collaborateurs le lui feront savoir. J’espère qu’il y donnera une réponse favorable.

Dans votre tribune, vous rappelez à quel point les jeunes burkinabé ne sont pas considérés à leur juste valeur pour contribuer au développement du pays. Concrètement, selon vous qui doit agir ? Comment impliquer plus les jeunes ? Et surtout comment faire en sorte qu’ils jouent un rôle constructif pour la société ?

Les jeunes ne sont pas suffisamment responsabilisés au Burkina. Intéressons-nous par exemple à la question du terrorisme, que ce soit dans le camp des bons ou des méchants, ce sont les jeunes qui sont sur le terrain. Ce sont les jeunes qui sont instrumentalisés par les terroristes. Ceux qui travaillent à sauver le Burkina, ce sont aussi essentiellement les jeunes. Les jeunes sont au cœur des problèmes que nous vivons. Les jeunes subissent les plus grandes difficultés, mais en ce qui concerne les responsabilités pour trouver les solutions, ils ne sont pas assez impliqués. Il n’y aucun jeune dans le gouvernement. Je rappelle que la définition institutionnelle de la jeunesse au Burkina est toute personne âgée entre 18-35 ans. Il n’y a donc pas de jeunes au niveau des présidents d’institution, au parlement nous n’en avons qu’un seul député. Il n’y a aucun jeune parmi les conseillers spéciaux du président, ni parmi les ambassadeurs. Il revient au président et à son gouvernement d’impliquer les jeunes à tous les niveaux de la gestion de l’Etat. L’expérience ce n’est pas la durée dans le temps, mais la répétition dans l’action.

Vous pointez également du doigt le mutisme des jeunes? Qu’est-ce qui l’explique à votre avis?

On le dit, les jeunes ne peuvent pas rester à l’écart et on doit les responsabiliser. Il faut qu’ils réclament ce qui leur est dû. Il y a beaucoup de jeunes qui font des courbettes, se complaisent à avoir des miettes. C’est un véritable problème, car les gens refusent de s’assumer. Certaines préfèrent avoir des mentors qui leur donnent de temps à autre quelques pièces de monnaie. Il faut travailler à être autonome et indépendant.

 

Que manque-t-il aux nombreuses organisations de jeunesses existantes, comme le conseil national de la jeunesse pour donner la place qui est dû aux jeunes du pays ?

Il y a beaucoup d’organisations de jeunesse qui militent pour la promotion, mais les moyens d’accompagnement tant financiers que matériels manquent. Il y a le conseil national de la jeunesse censé être la faîtière des jeunes. Mais ce conseil a rencontré beaucoup de difficultés dans son fonctionnement. Les choses sont en train d’être réorganisées. Nous sommes engagés à le soutenir, car il s’agit aussi d’un défi pour organiser les jeunes.

A votre avis, qu’est-ce que les jeunes du Burkina Faso doivent faire pour sortir le pays de cette spirale d’insécurité et de mauvaise gouvernance ?

Il faut que les jeunes acceptent de s’engager. Il faut que les jeunes aillent à la conquête de leur place. On ne peut pas comprendre que 78 % des électeurs étaient jeunes et qu’à l’arrivée, on n’ait pas de jeunes élus. Pour être président, il faut avoir 35 ans. Ce sont les jeunes qui sont sur le terrain, nous devons travailler à être dans le camp des bons, et pour ce faire, il faut une forte implication des autorités. Cela passe par la responsabilisation des jeunes. Quand on parle de responsabilisation, cela ne veut pas dire que tous les jeunes doivent être ministres. La responsabilité des jeunes passe d’abord par un emploi décent, car un jeune qui a de l’emploi est à l’abri d’être enrôlé dans le terrorisme.

Si cette tribune reste sans réponse du président de la République, quelle sera votre prochaine action ?

Si la tribune reste sans suite, je vais continuer toujours à interpeller le président, car il gagnerait à le faire. Le président Talon (NDLR, président du Bénin) s’est donné à un tel exercice, le président français aussi a échangé avec les jeunes sur les réseaux sociaux. Je pense que Roch Kaboré devrait échanger directement avec les jeunes.