Burkina : les enjeux pour une école en Faso Dan Fani
De jeunes filles et garçons confectionnant le tissu d'une commande pour tenue scolaire (Ph. Studio Yafa)

Burkina : les enjeux pour une école en Faso Dan Fani

A cette rentrée scolaire 2023/24, certains établissements du Burkina Faso prennent les couleurs du Faso Dan Fani, le temps des lundis. Les élèves devront se faire coudre des tenues avec ce pagne tissé traditionnel typique du Burkina Faso. Enjeux d’une mesure gouvernementale avec les acteurs du domaine !

Elève en classe de terminale au lycée évangélique Lumière de Houndé, Jonas Magnini Zomizi apprécie positivement l’initiative. Mieux, il est « content à l’idée de porter le Faso Dan Fani comme tenue scolaire ». Pour cet élève, le Faso Dan Fani est un tissu qui ne se déchire pas facilement contrairement aux tissus qu’il a déjà utilisés et qui se déchirent au cours de l’année scolaire.

La proviseure du lycée municipal Vénégré, Joséphine Ilboudo (Ph. Studio Yafa)

Dans une tenue en Faso Dan Fani mixée avec un autre tissu, Adama Nikiéma, parent d’élèves, rencontré devant un lycée, craint plutôt pour le confort des élèves. Pour lui, le port du pagne tissé ne sera pas aisé pour un enfant dans une classe sans la ventilation. Aussi, il pense que le pagne tissé ne va pas tenir toute l’année, à force d’être lavé.  Malgré tout, il estime que la décision du Gouvernement est louable et intègre. « On encourage cela. Pour une première fois, on va essayer », a-t-il dit.

En réaction à cette inquiétude, le tisserand Fidèle Ouoba rassure qu’il est proposé aux établissements le tissu le plus léger que les élèves peuvent porter ça sans souci, même en temps de chaleur. Il défend aussi que le Faso Dan Fani ne se déteint pas plus que les autres types de tissu. De son avis, il est normal qu’un tissu perde de son éclat avec le temps et le pagne tissé traditionnel a des chances de résister parce qu’il est en pur coton.

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La proviseure du lycée municipal Vénégré, Joséphine Ilboudo, elle, voit en cette initiative gouvernementale une occasion de plus pour apprendre aux enfants à aimer le pagne fait chez eux et de s’habiller fièrement avec ce pagne. Tout cela, à l’en croire, peut être un levain pour leur sens du patriotisme. Elle avance que le pagne tissé en tenue scolaire devrait être accepté par les élèves. Elle en veut pour preuve, toute la fierté de porter le Faso Dan Fani qu’elle a perçue lors des journées culturelles, alors que les élèves faisaient des défilés de mode en tenue traditionnelle.

Adama Nikiéma, parent d’élèves (Ph. Studio Yafa)

Nioko 2, un quartier dans la périphérie Est de Ouagadougou. Dans une concession aménagée, pour recevoir un atelier de tissage, c’est le cliquetis des métiers à tisser qui accueille, avant la vue des jeunes filles et garçons, en sueur, travaillant des tissus en Faso Dan Fani. Au milieu de ses élèves et collaborateurs, le tisserand et formateur en tissage et teinture, Fidèle Ouoba, flaire un business avec la mesure du gouvernement relative au Faso Dan Fani.

« Cela va nous faire travailler. Une fois que le tisserand tisse, le fils aussi ça sort ! », a-t-il affirmé avec un brin de soulagement. Il ajoute que cette décision du gouvernement de la Transition va leur apporter beaucoup de marchés dans leur domaine qui était au ralenti. Au-delà, Fidèle félicite le gouvernement pour cette mesure.

A propos des prix de l’uniforme scolaire

A propos des prix, le parent d’élève, Adama Nikiéma estime que les frais de tenue scolaire ne devraient pas varier. Il fait comprendre qu’il payait la tenue scolaire, pantalon et chemise, à 3000 F CFA et la couture 750 ou 1000 F CFA.  Aussi, pour lui, le pagne tissé ne sera pas moins de 3000 F CFA, et les frais de couture aussi seront comme les autres tenues. Sur ce sujet, le tisserand prévient que comme dans toute chose, il y a la qualité supérieure et celle inférieure. « Nous vendons la première qualité à 6000 F CFA, comme prix en gros. L’autre qualité, même à 4500 F CFA, on peut voir », a-t-il situé.

En rappel, le port de l’uniforme scolaire a commencé alors que le Burkina Faso s’appelait encore Haute-Volta, avant même les indépendances. Il a plusieurs fois disparu de l’univers scolaire avant d’être fixé à partir de la rentrée 2005/2006, suite à la conférence annuelle des chefs d’établissements tenue à Ouagadougou en août 2004. Actrice du domaine, Joséphine Ilboudo explique que le port de la tenue scolaire apprend aux enfants à s’habiller, car certains ne savent pas distinguer un accoutrement de la ville ou de la maison de la tenue de travail.

Joséphine précise que ça enseigne aussi aux élèves à prendre soin de leur tenue, puisqu’ils sont obligés de la laver régulièrement. Ce qu’elle considère comme un côté positif de l’éducation des enfants. Elle insiste également que l’uniforme efface les distinctions sociales entre élèves. Et, selon ses mots, cela fait un plus sur le plan pédagogique et dans les rapports sociaux entre eux en classe.

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C’est en Conseil des ministres du mercredi 9 août 2023 que le gouvernement a décidé du port de la tenue scolaire faite avec le tissu traditionnel pour les élèves du post-primaire et du secondaire à Bobo-Dioulasso, à Koudougou, à Ouagadougou et à Sabou. Ainsi, les élèves porteront le Faso Dan Fani tous les lundis, et l’uniforme normal de leur école pour les autres jours.

Pour la mise en œuvre de cette mesure, le ministre en charge de l’Education, Joseph André Ouédraogo, a rassuré que cela se fera de manière progressive, flexible et non contraignante sur une période de quatre années scolaires. Mais après cette période pilote, les élèves seront soumis à l’obligation de porter la tenue sous peine de sanctions suivant l’arrêté n°2018-317/MENA/SG en son article 26.

Boureima Dembélé