Burkina: A Tiékouna, le panier des ménagères sortent des trous
Awa Hilou descend dans le trou (Ph. Studio Yafa)

Burkina: A Tiékouna, le panier des ménagères sortent des trous

A Tiékouna, dans la commune de Banfora, le panier est un élément de la tradition. Présent dans les affaires de la nouvelle mariée, il est aussi déposé sur la tombe des défuntes. La fabrication de cet élément culturel par les femmes est transmise de génération en génération. Et c’est dans des trous que sortent souvent ces paniers.

Un jour ordinaire à Tiékouna, village situé à environ 8 kilomètres de Banfora sur la route menant à Sindou. Sous un manguier qui jouxte une grande cour, un mécanicien commence à recevoir ses premiers clients du jour.  Quatre femmes sortent de la cour. Une est munie d’un long bois au bout duquel est accroché une sorte de faucille. A pas nonchalant, les dames traversent une ruelle.

Les femmes en pleine activité( Ph. Studio Yafa)

En face d’elles, des rôniers qui côtoient des manguiers. Awa Hilou à l’aider de son outil arrache des feuilles de rôniers, soigneusement repérées pour les besoins de la cause. « Nous ne pouvons pas allez couper ces feuilles ailleurs. Ce que nous enlevons nous permet de faire un panier. Les branches de feuilles qui sont larges suffisent pour confectionner un panier. Par contre, celles qui ne sont pas grosses ne suffisent pas », explique Awa tenant deux larges feuilles arrachées.

Les trois autres femmes les ramassent. Au bout d’un moment, elles se dirigent toutes vers un trou creusé à plus de 2 m de profondeur. Les unes après les autres, grâce à une échelle, elles descendent dans ce que l’on pourrait qualifier d’atelier souterrain de confection de panier.

Un art épuisant pour des broutilles

Dans le trou, les femmes peuvent y rester toute la journée. Et le choix de ce refuge n’est pas fortuit. Il permet de garder les feuilles à bonne température pour faciliter leur manipulation. « Si nous le faisons dehors le vent risque de tout gâter », prévient Awa Traoré, d’une voix calme. Celle qui semble être la plus âgée du groupe, ajoute qu’une fois à l’intérieur du trou, l’autre étape consiste à rendre les feuilles lisses grâce à un couteau et à les amincir par la suite.

Les feuilles de rônier affinées avant la confection des paniers (Ph. Studio Yafa)

Les longs morceaux de feuilles finement dégagées sont par la suite déposées les unes sur les autres et de façon entremêlée en forme circulaire. Un exercice visiblement harassant et lent avant que l’objet ne prenne forme.  « Cette activité est très fatigante, car le fait de s’assoir toute la journée pour natter les paniers provoque des maux de dos, les doigts aussi font mal. Souvent ça fait des plaies, ça saigne aussi », poursuit Awa Traoré. Pour les plus rapides, la journée peut se solder avec 2 paniers confectionnés à vendre au marché du village chaque dimanche entre 125 et 150 F CFA.

Dans ce trou creusé spécialement pour l’activité à 5000 ou 6000 F CFA, c’est aussi un repli où les femmes peuvent se parler loin des oreilles indiscrètes. « Souvent quand nous nous retrouvons, on se donne des conseils, ou si on remarque qu’il y en a qui ont la mine serrée on essaie de lui remonter le moral ».

Une activité séculaire

Au-delà des petites ressources financières qu’elles engrangent dans la fabrication et la vente des paniers, Awa Hilou et ses camarades pérennisent une activité culturelle séculaire. La femme karaboro, gouin ou turka est tenue de connaître cet art. Diao Kadja, une des quatre femmes, est d’ailleurs descendue ce matin-là dans le trou avec sa petite fille. C’est un élément important de son éducation.

Assise à l’écart, la probable future confectionneuse de paniers ne quitte pas du regard les doigts des femmes qui manipulent presque automatiquement les feuilles de rônier.  

«  Lorsqu’il y a des cérémonies de mariage, on natte le panier et on le met dans les affaires de la mariée, c’est comme une coutume. Que tu sois femme Gouin, karaboro, turka, il faut obligatoirement ajouter le panier aux affaires. Si une des femmes décède, on natte le panier sans y ajouter de couleur et on le dépose sur sa tombe », nous explique Awa Traoré, sortie du trou et assise à l’ombre d’un manguier.

Tiga Cheick Sawadogo