Le Tour du Faso, une épopée cycliste de plus de 30 ans
Le Tour du Faso est considéré comme l'un des évènements les plus populaires d'Afrique.

Le Tour du Faso, une épopée cycliste de plus de 30 ans

Parmi les nombreux sports pratiqués au Burkina Faso, le cyclisme se distingue des autres par sa popularité et son ancrage dans la culture locale. Ainsi, le Tour du Faso, qui se tient chaque année, suscite un véritable engouement national. Cette compétition qui fait la fierté des Burkinabè est né des cendres d’une autre compétition dénommée la Roue du Sourou, à l’initiative du président Thomas Sankara.

À chaque étape du Tour du Faso, dans les villages ou en ville, des élèves, des femmes sur des vélos, parfois un bébé au dos, un plateau de fruits sur la tête, des vieux poussant un vieux vélo rouillé, sans frein, des enfants parfois torse nu, marquent un arrêt pour admirer la caravane du Tour du Faso s’ébranler. Ils applaudissent, encouragent, filment avec leurs téléphones les coureurs. La passion est lisible sur leur visage.

Entre les Burkinabè et le vélo, c’est un véritable conte de fée selon Gabriel Barrois, journaliste sportif burkinabè. « Le Burkina Faso est d’abord un pays de vélo. En ce sens que tout Burkinabè qui naît, dès qu’il apprend à marcher, il rêve de se retrouver un jour à vélo pour ses déplacements. Les arrière-grands-parents utilisaient le vélo pour relier les pays voisins, pour leur commerce et pour faire fortune. Cela est resté comme un réflexe pour le Burkinabè qui est attaché à son vélo », raconte-t-il.

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En effet, Gabriel Barrois est le premier reporter à couvrir le Tour du Faso dès sa création en 1987. Parmi les initiateurs, un ancien cycliste français, Francis Ducreux. Il a remarqué le potentiel des Burkinabè. S’inspirant de la Roue du Sourou, il lance la création du Tour du Faso avec l’approbation des autorités politiques en place dont Thomas Sankara. « Le Tour du Faso est né d’une volonté politique. Je peux dire que c’est le petit frère de la Roue du Sourou qu’ils ont commencée et c’est en 1987 que le Tour du Faso a eu lieu. Il y avait quelques équipes africaines et ensuite, on a tendu la perche aux équipes européennes », témoigne Martin Sawadogo, l’actuel directeur technique national (DTN) de la Fédération burkinabè de cyclisme (FBC).

Le Tour du Faso, une ferveur populaire

La première édition se tient sur environ sept étapes. Pour relever le niveau de la compétition, l’équipe olympique russe est l’un des pays invités. Ils dominent la compétition avec la victoire finale de Igor Luchinko. « Mais des jeunes comme Sana Ilboudo, Madi Kaboré, Sayouba Zongo ont tenu face à ces jeunes expérimentés et d’un autre niveau », raconte Idrissa Kaboré, stagiaire dans la commission technique à la première édition. Sayouba Zongo est d’ailleurs le premier burkinabè a remporté une étape au Tour du Faso.

Tout ému, il se souvient de la ferveur populaire de cette compétition qui allait à la rencontre des villageois dans les zones les plus reculées du pays. C’est pourquoi, dit-il, le Tour du Faso est plus qu’une simple course sportive. Il le considère comme un événement culturel et social, un événement rassembleur.

« En région, les gens s’organisaient pour vous accueillir, pour vous donner des spectacles le soir. C’étaient vraiment des moments d’intenses émotions. L’ambiance qu’il y avait autour, c’était formidable », se souvient Idrissa Kaboré.

Dans la moitié des années 1980, le président Thomas Sankara veut mobiliser les masses populaires et promouvoir ses idées de développement. Passionné de cyclisme, il propose la création de la Roue du Sourou, à l’image d’une autre compétition, la Boucle du café en Côte d’Ivoire. Son objectif : promouvoir le bassin du Sourou comme un potentiel agricole qui peut aider les Burkinabè à atteindre l’autosuffisance alimentaire.

Une passion séculaire

« Le Sourou constituait un grand pari agro-économique pour la révolution. Le Sourou était considéré comme le vivier du Burkina Faso. La révolution a voulu associer à ce grand projet, un vecteur déplaçant qui est le vélo pour mieux porter le message. C’est ainsi qu’est née la Roue du Sourou », se souvient Gabriel Barrois. La compétition a tenu sur deux éditions. Des équipes des pays voisins et de l’Algérie sont invitées à la première édition. Le succès est total.

Cependant, la passion des Burkinabè pour le vélo remonte à bien plus longtemps. Les autorités nationales organisaient à l’occasion de la commémoration de la fête de l’indépendance, une compétition de cyclisme. « Depuis 1959 et les années 1960, les grands cyclistes du tour de France venaient d’ailleurs participer à ces compétitions », assure Martin Sawadogo.

La médiatisation des compétitions de cyclisme à partir des années 1970 a contribué à rendre ce sport plus populaire. « Je me rappelle que dans les années 1974 ou 1975 déjà, il y avait des retransmissions en direct des compétitions de cyclisme sur le Boulevard de l’indépendance à la radio. Cela a contribué à populariser le cyclisme et sa pratique dans le pays », rappelle Gabriel Barrois.

L’arrivée de Amaury sport organisation

Après avoir fait ses preuves par la qualité de ses coureurs et de l’organisation, Amaury sport Organisation (ASO), structure organisatrice du Tour de France prend en main l’organisation du Tour du Faso. « À partir de 1987, le Tour du Faso était organisé techniquement par les commissaires nationaux jusqu’en 2011 où ASO est venu renforcer sur le plan technique et logistique et améliorer l’organisation par leur savoir-faire », témoigne Martin Sawadogo. Cette implication permet d’accroître la notoriété du Tour du Faso et de relever le niveau de la compétition.

Plus qu’un simple événement sportif, le tour est une source de fierté pour les cyclistes burkinabè. Parmi les héros du Tour du Faso, Ernest Zongo, Abdoul Wahab Sawadogo, Jérémie Ouédraogo, Aziz Nikièma, Mathias Sorgho sont partis des héros burkinabè. « Le Tour du Faso suscite beaucoup d’émotions. J’ai vu de grands coureurs le gagner et moi-même je l’ai gagné en 2005 », explique Jérémie Ouédraogo, reconverti depuis quelques années dans l’encadrement technique.

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Cependant, les cyclistes burkinabè peinent à s’imposer encore dans des compétitions les plus relevées en Europe ou sur le continent. Ce n’est pas faute de manquer d’athlètes de qualité. Abdoulaye Tao semble connaître la raison : « Au niveau de la fédération et du ministère des sports, on a tendance à ne pas donner de l’importance à l’école de cyclisme parce qu’il faut commencer l’école de cyclisme dès le bas âge. Si vous commencez avec les cyclistes à l’âge de 16 ans, 18 ans ils vont briller le temps d’un feu de paille », regrette-t-il.

Pour lui, il faut s’appuyer sur l’expérience des écoles de cyclisme au Burkina Faso qui ont permis de sortir des champions comme Karim Yaméogo, aujourd’hui entraîneur national. C’est à ce prix tout en se dotant d’infrastructures adéquates comme un vélodrome que les cyclistes burkinabè pourront atteindre le haut niveau et participer à des compétitions prestigieuses comme le Tour de France. Après la génération de cyclistes comme Mathias Sorgho, Abdoul Aziz Nikièma, des jeunes Paul Daumont, Souleymane Koné, Boureima Nana font la fierté du cyclisme burkinabè.

Boukari Ouédraogo