Mineurs en conflit avec la loi: Sur le chemin de la réinsertion sociale, des femmes «mères» des pensionnaires

Mineurs en conflit avec la loi: Sur le chemin de la réinsertion sociale, des femmes «mères» des pensionnaires

Eduquer, sensibiliser et enseigner. C’est le quotidien du personnel du centre de Laye pour mineurs en conflit avec la loi. Parmi l’effectif des encadreurs du Centre situé dans la région du plateau central, des femmes qui chaque jour, contribuent à la réinsertion de ces jeunes. Elles sont des attachées d’éducation spécialisée, animatrices ou encore assistantes de sécurité pénitentiaire et jouent un rôle  »de mère » pour plus d’une centaine d’enfants entre quatre murs.

Florence Palm septuagénaire est attachée d’éducation spécialisée. Depuis 2009, elle est engagée auprès du centre de Laye pour mineurs en conflit avec la loi. C’est après 29 ans de service au palais de justice de Ouagadougou qu’elle rejoint le centre. Déterminée et engagée, elle est chargée de la gestion du quotidien des enfants qui sont passés devant les tribunaux et de leur mise en confiance.

Florence Palm, une « mère » pour les pensionnaires

« Quand les enfants arrivent, il faut les mettre en confiance car ils sont passés par les lieux de détention et les maisons d’arrêts. Nous les recevons et discutons avec eux pour leur remonter le moral, les amener à accepter la situation avant d’être intégré dans les programmes », explique-t-elle. Avec sa formation de base, elle échange avec les pensionnaires sur les sujets de la délinquance juvénile et le changement de comportement.

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Cependant, le travail de Florence n’est pas sans difficultés. Elle regrette le manque d’informations sur l’identité des pensionnaires. Pour elle, les informations reçues ne permettent pas de bien les connaître. « Nous n’avons pas les informations nécessaires pour connaitre la situation de famille ou la fréquentation de ces derniers. Un enfant peut dire avoir 15 ans pendant qu’il a 17 ou 18 ans par exemple. Tout cela est dû à l’absence de documents d’état civil de ce dernier que nous n’avons pas », fait-elle savoir.

Aussi, certains enfants arrivent au centre sans aucun contact des parents. « Nous recevons certains enfants sans contacts des parents et il est difficile pour nous de les contacter pour leur dire que les enfants sont ici au centre. Il n’y a aucun répondant et il faut gérer les quotidiens ainsi », poursuit Florence.

Malgré ces contraintes, la septuagénaire affirme avoir des motifs de satisfaction durant ces 14 années passées au centre de réinsertion de Laye. A l’entendre, la plus grande satisfaction pour elle reste les résultats scolaires des pensionnaires. Aussi elle fait savoir que certains enfants ont pu se réinsérer socialement et sont aujourd’hui des responsables de famille. « Nous assistons à des mariages, à des baptêmes et cela est une grande satisfaction pour moi. Même si c’est un seul du lot qui arrive à s’en sortir ma satisfaction sera grande », se réjouit-elle.

« L’amour des enfants m’a conduit ici au centre »

Céline Ouédraogo travaille également dans le centre de Laye. La mère de 5 enfants y officie  en tant qu’animatrice de l’alphabétisation mooré. Chaque mardi et vendredi la sexagénaire quitte son domicile à Ouagadougou dès 5h du matin, pour dispenser des cours à 8h30 à Laye. En classe, elle aborde plusieurs thématiques telles que l’incivisme ou encore le savoir vivre en société. Ce travail, elle le fait avec amour et se sent parfaitement bien dans cet univers des enfants en difficultés.

En tant que monitrice, sa satisfaction est de voir les enfants réussir dans l’alphabétisation. Elle explique qu’après un an, les enfants sont évalués et chacun est encouragé par une attestation. « Je suis satisfaite quand des pensionnaires qui après leurs séjours m’appellent ou m’envoient des messages pour me donner de leurs nouvelles. En ce moment tu te dis que ton travail à porté fruits. Certains reviennent ici m’offrir des cadeaux pour me récompenser pour ce qu’ils ont pu apprendre », dit-elle.

C’est également le cas Djeneba Koné qui enseigne les pensionnaires sur les valeurs de respect, de pardon, de bon comportement en plus des cours d’alphabétisation en dioula pour faciliter leur insertion professionnelle. « J’aime être avec les enfants, les encadrer et les ramener sur le droit chemin. Je me sens utile quand je réalise que beaucoup d’enfants ont pu apprendre quelque chose grâce à moi. Cela me galvanise un peu plus chaque jour », se note-t-elle.

Veiller au grain

La sécurité des pensionnaires est assurée par une équipe de garde de sécurité pénitentiaire. Kapemain Nessao, assistante de sécurité pénitentiaire est en poste au centre depuis 12ans. Au quotidien, elle  aide les pensionnaires à faire le nettoyage, le sport et leur toilette. C’est après tout cela qu’elle prend véritablement service à 7h. Au poste,  elle veille sur les entrées et les sorties. Tout au long de la journée, elle veille au grain pour éviter toute tentative de fuite. « Certains enfants arrivent ici avec l’idée de fuir alors, il faut être très vigilant et ouvrir le bon œil pour éviter que cela n’arrive », explique-t-elle.

Selon elle, les enfants abandonnent très vite l’idée de fuir grâce aux conseils qu’ils reçoivent. « En 12 ans de service, j’ai pu voir des enfants qui voulaient fuguer se transformer. Ils sont aujourd’hui, des hommes et femmes responsables qui reviennent fréquemment nous rendre visite », dit-elle.

L’assistante de sécurité pénitentiaire est amenée le plus souvent à jouer l’intermédiaire entre les pensionnés lors des altercations. Pour les résoudre, elle les met en confiance tout en créant un environnement de famille « Lorsqu’il y a des altercations entre les enfants, j’essaie de les écouter pour comprendre mieux et s’il faut sanctionner, je le fais en les amenant à réaliser des corvées ménagères », fait-elle savoir.

La jeune femme souhaite plus d’engagement des parents pour mieux accompagner leurs enfants sur le chemin de la réinsertion sociale. «Souvent il y’a d’autres parents qui ne veulent même plus voir leur enfant », confie-t-elle.

Des parents satisfaits

A.S parent d’élève, est satisfait du travail des femmes du centre pour faciliter le séjour des pensionnaires. « Depuis quelques mois, mon enfant est ici et j’avoue que son changement m’impressionne. Quand je lui rends visite, il me raconte son quotidien et je me rends compte que les animatrices ainsi que tout le personnel font du très bon travail », dit-il, visiblement heureux.

Quant à M.O, parent d’ex pensionnaire, ces femmes et tout le personnel transforment et forment les jeunes. Son enfant qui n’avait pas eu la chance d’aller à l’école, a trouvé un cadre où il a appris à lire,  à écrire en mooré en plus d’être devenu discipliné. « Mon enfant a trouvé en ces femmes des mères, qui corrigent quand il le faut et aussi qui aiment et conseillent », raconte-t-il.

Studio Yafa avec Mousso News