Suspension d’exportation de vivres ivoiriens : du sable dans l’attiéké des commerçants burkinabè
Germaine Kambou regrette une décision qui ne profite à personne (Ph. Studio Yafa)

Suspension d’exportation de vivres ivoiriens : du sable dans l’attiéké des commerçants burkinabè

Il y a exactement un mois, la Côte d’Ivoire a interdit l’exportation de ses produits vivriers. Plus d’attiéké, de placali, de banane plantain, de manioc, de graines de palme ivoirien au Burkina pendant au moins 6 mois. Une décision qui grippe l’activité commerciale de certains commerçants au Burkina.

15h à la gare de SITARAIL de Ouagadougou. Les commerçants alertent les potentiels clients : « y a bon attiéké, viens voir ». Ce lieu qui autrefois grouillait de monde est aujourd’hui presque vide. Encore sous le choc de la décision des autorités ivoiriennes, les commerçants expliquent les difficultés et les impacts que cette mesure implique.

Nikiéma Aboubacar le 8 février 2024 devant sa marchandise. Studio Yafa

Nikiéma Aboubacar, le sac accroché en bandoulière sous un parasol, vend de la banane plantain communément appelée alloco. La mine triste, le jeune explique que pour lui et les autres commerçants, la vie n’est plus facile après le 15 janvier 2024. « S’il n’y pas de marchandises pour vendre, c’est compliqué. La banane là vient de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Mais pour le Ghana, les prix sont un peu chers. Les prix ont augmenté. Vu le pouvoir d’achat de la population et vu les prix aussi là, pour écouler c’est difficile », se désole le jeune commerçant.

Tous perdants

Germaine Kambou vendeuse d’attiéké et de placali. Assise sur un banc au milieu de ses marchandises, le pagne attaché autour de sa taille, elle fait balancer ses pieds, le visage grave. Elle dit prendre ses marchandises à Abidjan, mais depuis un moment, il est difficile, presqu’impossible pour elle de faire venir quoi que ce soit du pays voisin.

«Depuis quelque temps, rien n’arrive d’Abidjan. Absolument rien! Ça a commencé avec la CAN, donc rien n’arrive ici encore. On est nous-mêmes allés là-bas acheter de la marchandise et ils ont fait tout descendre pour jeter. Nous sommes revenus bredouille. Même de l’attiéké 2000 F CFA, ils n’acceptent plus que ça vienne au Burkina Faso » , explique-t-elle avec un air triste.

Gastronomie : l’attiéké désormais dans les habitudes alimentaires des Burkinabè

Samiratou Ouédraogo, voisine de Germaine, elle aussi vend de l’attiéké, le placali et le kinkeliba. Selon la jeune commerçante, les conséquences de cette décision sont visibles sur les deux pays. Pour elle, même si le Burkina Faso va quitter la CEDEAO, il faut que les autorités se comprennent parce que les pays sont liés par l’histoire.

« Même si l’objectif est de nous pénaliser, les inconvénients seront des deux côtés. Eux ils vont perdre des marchandises. Au Burkina Faso des gens fabriquent l’attiéké aussi. C’est vrai que la pâte quitte la Côte d’Ivoire, mais des gens fabriquent ici et de meilleure qualité même que celle de la Côte d’Ivoire » poursuit Samiratou pour qui, le seul problème est que la pâte produite sur place ne suffit pas à satisfaire la forte demande.

L’option ghanéenne peu avantageuse

Balkissa Sawadogo, la quarantaine, est assise sous son hangar et devant une cuvette de graines de palme. Les lèvres sèches, les yeux rouges, elle nous accueille avec un sourire qui trahit son mécontentement.

Balkissa Sawadogo, le 8 février 2024 au marché de SITARAIL. Studio Yafa

«Même les marchandises qu’on prend au Ghana là aussi sont devenues chères parce qu’eux savent que les marchandises de la Côte d’Ivoire ne rentrent plus ici. Le sac de graines qui était à 20 000 F CFA est passé à 30 000 F CFA. Ça ne marche pas, personne ne va prendre ces 1250F CFA ou 1500 F CFA venir acheter et ne pas pourvoir avoir même le sel pour mettre dans la sauce », se plaint-elle, avant de formuler le vœu d’un retour de la paix au Burkina Faso.

C’est le 15 janvier 2024 que le Gouvernement ivoirien à travers un communiqué a annoncé la suspension temporaire d’exportation des produits vivriers pendant six mois. Selon les autorités ivoiriennes, il s’agit d’une mesure qui vise à assurer un approvisionnement régulier des marchés en produits vivriers, à l’effet de garantir la sécurité alimentaire des populations vivant sur place.

Safiatou Zong-Naba (Collaboratrice)

Ismael Lagoun Drabo (Stagiaire)