Burkina Faso : Safoura Compaoré, précurseur du bodybuilding féminin©Studio Yafa
Safoura Compaoré, Ouagadougou, juillet 2022

Burkina Faso : Safoura Compaoré, précurseur du bodybuilding féminin

Pour son baptême de feu à une compétition de bodybuilding, l’athlète Safoura Compaoré a reçu la médaille d’argent. Sa performance a permis de lever le voile sur une discipline peu connue au Burkina Faso.

En cet après-midi ensoleillé, la salle de sports Gauthier Gym fit située au premier étage d’un immeuble au quartier Ouaga 2000 accueille ses premiers clients. Des barres de tractions, des haltères de musculation, des vélos de courses, la presse à cuisse, des tapis de courses etc. sont alignés dans la salle. C’est là que s’entraîne Safoura Compaoré, vice-championne d’Afrique de l’Ouest de bodybuilding 2022.

La tête coiffée… comme un garçon, vêtue d’une tenue de sport bleu ciel, une grosse médaille au cou, Safoura Compaoré apparait en compagnie de son entraîneur Souleymane Ganamé dit Petit Piment. Le sourire est radieux. Sa tenue de sport mis cuisse, moulant laisse transparaitre la saillance de ses muscles et son corps athlétique.

Athlète motivée

Partie dans l’anonymat au Ghana pour le championnat d’Afrique de l’Ouest de bodybuilding, la jeune fille de 27 ans est revenue avec la médaille d’argent. C’était son baptême de feu à une compétition internationale de bodybuilding. « C’était ma première fois de participer à une compétition internationale et cela s’est bien passé. J’ai beaucoup travaillé et cela a payé avec médaille », livre-t-elle, tout sourire.

C’est en effet, le premier titre que Safoura Compaoré remporte. Coach sportive de fitness et d’aérobic depuis 2017, la jeune fille ne se voyait pas destinée à pratiquer du bodybuilding malgré sa passion pour le sport. Elle a hésité avant de franchir le pas. Son collègue, Souleyamne Ganamé s’est chargé de la convaincre.

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« Je la voyais travailler seule. J’ai trouvé qu’elle avait du potentiel et j’ai essayé de la convaincre. Même la compétition d’Accra, je l’ai motivée. Elle ne voulait pas je l’ai convaincue, elle est partie et voilà, elle a remporté cette médaille d’argent », révèle  Souleymane.

Pour y arriver, elle a dû faire des sacrifices. Des heures de travail. Car, la championne ne vit que du sport. Pour le bodybuilding, c’est deux heures d’entraînements cinq fois par jour. « Je m’entraîne les matins et le soir, je fais mon travail de coach », précise-t-elle. Et pour cela, elle accepte de travailler en duo avec Petit piment, bodybuilder plus expérimenté.

Affronter le regard de la société

Etre femme et bodybuildeuse n’est pas aisé dans le contexte burkinabè. La discipline est encore à l’étape embryonnaire. Elle souffre également de préjugés dus aux conditions de pratique. Il faut s’habiller parfois en sous-vêtements. Ce qui n’est pas encore admis par certains Burkinabè selon elle. « Même quand les garçons viennent dans cette salle et me voient avec des haltères, ils se demandent qu’est-ce que cette fille fait ici avec les garçons », regrette Safoura. Ce sujet ne concerne pas que les hommes. Souleymane petit piment comprend la jeune fille parce qu’il est passé par-là.

« Quand j’ai commencé, on le faisait à la télévision. Même étant garçon, j’étais critiqué parce qu’on me disait que je ne pouvais porter des petits « trucs » pour sortir à la télé. Chez les femmes, on a tendance à croire qu’elles exposent leur corps. Pourtant, c’est juste une compétition, tu t’habilles selon les exigences de la compétition et tu rentres chez toi après. Cela ne signifie pas que tu vas t’habiller ainsi pour te promener », affirme-t-il, tout indigné.

Avant son titre, Safoura dit avoir tenté de convaincre des filles de s’essayer. Sans succès. Mais, l’écho donné par son titre dans la presse semble avoir changé des perceptions. Des jeunes filles souhaitent désormais pratiquer du bodybuilding assure Petit piment. Pour lui, Safoura a ouvert la voie. Elle va servir de modèle aux autres filles puisqu’elle est officiellement la première bodybuildeuse au Burkina Faso. Safoura souhaite également contribuer à promouvoir la discipline auprès de la gente féminine. Etant coach, elle compte en profiter pour recruter des filles avec les prédispositions physiques requises.

Sur le plan sentimental, la vice-championne d’Afrique de l’Ouest est plutôt réservée. « Mon mari, ce sont les haltères », lâche-t-elle, par exemple, dans un rire gêné. Désormais, les portes sont ouvertes pour Safoura Compaoré. Elle est programmée pour plusieurs tournois en Afrique et hors du continent. Safoura Compaoré espère grimper au classement et ramener d’autres médailles au Burkina Faso. En attendant, elle souhaite contribuer à la mise en place d’une association puis d’une fédération pour populariser le bodybuilding au Burkina Faso.

Boukari OUEDRAOGO