Masques de Kuinima:  un concentré de mystères et de rôle social
Dans l'imaginaire des Bôbôs, les masques ne sont pas des humains (Ph. Studio Yafa)

Masques de Kuinima:  un concentré de mystères et de rôle social

Chaque année, dans la région des Hauts Bassins, le pays Bôbo organise les funérailles des personnes âgées pratiquant la religion traditionnelle et décédées au cours des 12 derniers mois. Une sortie de masques marque ces funérailles. Considérés comme des êtres venus de la brousse, les masques sont une boule de mystères et jouent un rôle dans cette société. Immersion dans cet univers à Kuinima, un quartier de Bobo-Dioulasso.

Tout le quartier de Kuinima, anciennement un village, est en fête ! Tous les coins et recoins se sont transformés en une foire avec, au menu, de la bière de mil, et autres boissons alcoolisées, des brochettes, de la viande de différentes sortes, des beignets… à l’occasion des grandes funérailles communément appelées « sanga ba » en langue dioula.

Des appareils, des plus sophistiqués au moins, diffusent de la musique à certains endroits, tandis des artistes traditionnels se produisent ailleurs. Une véritable ambiance de fête. Et pourtant, ce sont des funérailles. Une occasion de retrouvailles pour les filles et fils de Kuinima qui reviennent de partout à travers le monde. Derrière cette atmosphère festive, se déroule la sortie des masques, le clou des grandes funérailles.

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Recouverts de fibres sur tout le corps, avec une tête représentant un animal, les masques de Kuinima sont la grande attraction dans ce quartier populaire. En groupe devant une concession, les masques, une vingtaine, de différentes couleurs et divers aspects, se dirigent dans un cercle formé par les spectateurs. Au milieu, les griots jouent des instruments traditionnels de musique, chaque masque ayant son rythme.

Tour à tour les masques fendent la foule et esquissent des pas de danse, tournoient sur eux-mêmes et font des va-et-vient de haut en bas, avec la tête. Souvent la tête, taillée dans du bois sous forme d’animal (lion, buffle ou panthère), glisse. Immédiatement des jeunes hommes scandent des mots codés et se regroupent autour du porteur du masque pour l’entrainer dans la concession pour le réajuster loin des regards des badauds. Ces derniers, une bonne centaine, lançent, de temps à autre, des cris d’encouragement à l’endroit des masques.

La place des femmmes dans la société des masques

Si ces spectateurs sont constitués par des jeunes de tout âge, des femmes, des hommes et même des gens d’autres ethnies, le secret du masque n’est connu que par les initiés. Il est interdit à ces derniers d’en parler. Les femmes bien qu’initiées, sont surtout affectées pour cette communauté, à la cuisine lors des cérémonies.  Il est interdit de révéler la nature de ces fibres qui constituent l’habit du masque. Celui-ci est connu comme un être de la brousse.

Le responsable des masques de Kuinima, Lassina Sanou, dans une tenue traditionnelle explique que chez les Bôbô, «ceux qui restent sur nos traditions, quand ils meurent, on fait leurs funérailles de cette manière ». Il ajoute que « les danses des masques honorent la mémoire des défunts. C’est pour les accompagner ». Soumaila Sanou, du clan des « propriétaires de la brousse », précise que des rituels secrets sont nécessaires pour autoriser la sortie des masques. Ces rituels se déroulent en brousse, entre personnes initiées.

Le masque est un être venu de la brousse

Ce dernier insiste que le masque est un être de la brousse et non un humain : « Ce n’est pas un homme qui porte le masque. Ce sont des êtres venus de la brousse. Les gens pensent que ce sont des humains, or ce n’est pas le cas. C’est ce que nos pères et grands-pères nous ont transmis ».

Kassoum Sanou, l’un des fils de la localité ajoute que la sortie des masques, en général, se fait avant la saison des pluies. C’est principalement les funérailles qui sont mises à profit pour solliciter une bonne saison pluvieuse aux ancêtres. Selon ses dires, le masque est chargé d’accompagner l’âme du défunt vers les ancêtres, de la même manière que les musulmans font les douas ou les chrétiens des messes pour le repos des âmes des disparus. A l’en croire, les Bôbôs considèrent le masque comme un être suprême qui fait le relais entre le monde des vivants et celui des esprits.

Boureima Dembélé