Burkina Faso : des vigiles en quête de sécurité©Afrique sur
Les vigiles déplorent les mauvaises conditions de travail;

Burkina Faso : des vigiles en quête de sécurité

Au Burkina Faso, les agents de sécurité privés croupissent sous le poids des mauvais traitements de la part des employeurs. Salaires minables, très souvent en dessous du Salaire minimum interprofessionnel garanti, licenciements abusifs, absence de sécurité sociale, manque d’équipements. Ces hommes et femmes, communément appelés vigiles, se sentent délaissés. Le secteur emploie pourtant de nombreux jeunes en quête de revenus.

Assis dans une guérite mal éclairée cette nuit-là, Fulbert, un nom d’emprunt, assure la sécurité des locaux d’une entreprise. Etudiant à l’université de Ouagadougou, l’homme dans la trentaine s’est fait recruter dans une agence de gardiennage. Un travail qui lui permettra de subvenir à ses besoins. Voilà plusieurs années qu’il est employé dans le domaine mais le jeune agent de sécurité a du mal à s’adapter aux conditions de travail. « Pour dire la vérité, je ne me sens pas à l’aise. Parce que la société en question ne réunit pas toutes les conditions nécessaires pour que nous nous sentions bien. On sent qu’on nous exploite. On nous utilise pour avoir des gains en fait », soupire-t-il visiblement dépité.

Cette exploitation se ressent à plusieurs niveaux. D’abord sur le traitement salarial. Le jeune homme retrousse une manche de sa tenue couleur kaki comme pour se donner un certain courage. Il ajuste ensuite la chaise métallique sur laquelle il est assis avant d’expliquer les faits : « On vous paie pas tôt. On ne vous paie pas bien. Quand vous prenez le cas des chefs de famille, tu es là, tu attends jusqu’au 8 du mois, on ne te paie pas. Alors que tu as des enfants à nourrir, vraiment, ça choque lâche-t-il puis de préciser, d’ailleurs que ce n’est déjà pas beaucoup ».

35 mille francs CFA comme salaire

Fulbert est payé à 75 000 F cfa le mois. Pourtant, l’entreprise dont il assure la sécurité verse un montant mensuel de 160 000 F cfa à son employeur. Le jeune vigile est révolté. « Pourquoi ne pas te donner 100 000 F et prendre les 60 000 F qui reste ? Vous voyez que ça c’est de l’exploitation », interroge-t-il ? Pour lui, c’est une possibilité.

Même avec ces 75 000 F CFA comme rémunération mensuelle, Fulbert fait partie des mieux payés du domaine.  Dans ce métier, les salaires varient selon le poste d’affectation. Un vigile ne toucherait pas le même salaire devant un domicile, une banque, une compagnie minière, une institution internationale ou un service public. Les plus bas sont ceux des agents postés devant les domiciles et les services publics. Vinou Bonou, un autre agent de sécurité, redoute d’être posté devant un domicile : « Sur le terrain, quand on dit à quelqu’un ‘’ vas monter dans un domicile ‘’, les gens même refusent parce que le domicile est généralement très mal payé. A peine si les gens ont 35 000. Et en plus de cela, quand tu es dans un domicile, il faut dire que tu affrontes les réalités du terrain ».

Ces réalités sont les injures, les bastonnades parfois et une absence totale d’équipements. Au-delà du traitement salarial, une bonne partie des agents de sécurité privée ne bénéficient pas d’une couverture sociale. Certains sont privés du repos hebdomadaire obligatoire ainsi que de congé annuel.

Le président du Conseil burkinabè des agences de gardiennage, Dramane Nignan rejette ces informations et les qualifie de revendications salariales : « Vous ne pouvez pas trouver un seul salarié, ce n’est pas seulement dans nos rangs, qui va dire qu’il est satisfait du traitement qu’il subit dans son travail. Ils sont toujours à demander beaucoup plus qu’on ne leur donne ! ».

Aucun statut pour les agents de sécurité

En mars 2017, un projet de convention collective a été introduit auprès du ministère en charge du travail par le syndicat des vigiles. Un document qui devrait permettre d’améliorer les conditions de vie et de travail des agents de sécurité. Mais les travaux, ouverts au mois de juin de la même année, sont bloqués depuis cinq ans. La faute aux employeurs. « A la fin de l’ouverture des travaux, les employeurs se sont levés dire que leur liste n’était pas au complet et qu’il fallait attendre qu’ils aillent mettre la liste à jour et nous revenir. Et depuis ce jour jusqu’à ce que je vous parle, on ne nous a pas adressé un courrier pour nous dire pourquoi les travaux ne sont pas encore convoqués. Je peux dire que c’est une mauvaise volonté de la part de l’employeur », accuse Salam Ouédraogo, secrétaire général du syndicat national des vigiles.

Dramane Nignan, le président du Conseil burkinabè des agences de gardiennage, laisse pourtant entendre que les travaux se poursuivent au niveau du ministère en charge du travail. Après plusieurs tentatives, nous n’avons pas eu de réponse de ce ministère. Quoi qu’il en soit, plusieurs plaintes ont été déposées à l’inspection du travail. Cependant, par méconnaissance, les vigiles s’y prennent à tard. « Ce que les gens vivent en général, ils n’approchent pas l’inspection pour que la question soit résolue. Ce qu’ils font, très souvent c’est à la rupture. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus tenir les conditions, ils viennent déposer plainte parce qu’ils ne veulent plus rester au niveau de la société et c’est là ils vont dire qu’ils ne sont pas déclarés à la caisse, ils ont des arriérés de salaires… », explique Tiané Borro, inspecteur de travail.

300 sociétés de gardiennage existaient alors au Burkina Faso, employant 17 000 personnes selon les dernières études réalisées en 2013. La première agence nationale a été créée en 1989.

Mis à part le traitement, les vigiles regrettent également un manque d’équipement. Ces dernières années, plusieurs agents de sécurité ont été assassinés dans des braquages à Ouagadougou ainsi que d’autres villes du pays.

 

Ecouter la version radio de ce reportage

Martin Kaba