BCLCC, la maison de la traque des délinquants numériques au Burkina
C'est ainsi que les agents de la BCLCC sont devant leur écran (Ph. Studio Yafa)

BCLCC, la maison de la traque des délinquants numériques au Burkina

La consommation du numérique comporte des dangers dont la cybercriminalité. Mais il existe au Burkina Faso une brigade qui cible les délinquants qui squattent les espaces numériques. Elle se présente ainsi comme la maison de la traque de ces hors-la-loi.

Ambiance studieuse dans les locaux de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité. Les agents dans leur bureau sont postés devant des moniteurs d’ordinateurs, dans le calme. Il n’y a que dans la salle des plaintes où il y a du bruit. Les agents devant de grands écrans échangent avec les usagers venus pour des plaintes.  Des caméras de surveillance fixent tout le monde, ne ratant rien des faits et gestes, dans le va et vient des agents tous, en civil sans qu’on sache qui est policier et qui est gendarme. C’est ça l’ambiance à la brigade.

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Avec cette structure au Burkina Faso, les délinquants sont poursuivis jusque dans leur dernier retranchement. Des bandits de grands chemins aux larcins, tous sont traqués. Et dans cet élan, ce sont surtout les infractions numériques qui sont la cible. Du piratage à l’escroquerie numérique, les infractions commises aux moyens des techniques de l’information sont le champ de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC).

Créée en février 2020, cette entité, fruit de la collaboration entre la Police nationale et la Gendarmerie, a permis le déferrement de 200 personnes à la maison d’arrêt pour des préjudices financiers. Mais pour cela, les victimes doivent porter plainte. C’est ce qu’a fait cet homme de la quarantaine. Les nerfs à fleur de peau, l’air hagard, il se présente à la BCLCC, tout en sueur, par cette matinée ensoleillée à Ouagadougou.

Une plainte contre X pour tentative d’escroquerie

 Il confie être venu pour déposer une plainte contre X pour tentative d’escroquerie. Après 10 mn d’attente, il est reçu par l’enquêteur, le sergent-chef de Police, Joël Bonkoungou. Il explique que son père a été joint au téléphone par un numéro inconnu qui prétextait que le petit frère du plaignant a été victime d’un accident et a été amené d’urgence à l’hôpital.

Supposé être entre la vie et la mort, sa prise en charge ne pouvait attendre. Pour cela, l’homme à l’autre bout du fil avance qu’il faut de l’argent pour la prise en charge immédiate, le temps que les membres de la famille arrivent. Le plaignant de la BCLCC dit avoir douté parce qu’il venait juste de raccrocher le téléphone avec le chef de service de son frère. Il rappelle, ce dernier le rassure et passe ensuite le téléphone à son frère qui affirme n’avoir rien. «  (…) là, j’ai compris en fait que c’était une tentative vraiment d’escroquerie », se résout-il.

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Après sa déposition, le plaignant, ayant requis l’anonymat, est rassuré par le chef de service de la division des enquêtes, le Capitaine de police Issouf Rabo. A en croire ce dernier, une enquête sera ouverte et les responsables répondront de leurs actes. « Cette enquête sera effectuée à travers une descente sur le terrain », détaille le Capitaine de Police. Il ajoute qu’il peut y avoir des « (…) réquisitions pour identifier et localiser le suspect. Une fois le suspect localisé, nous procédons à l’interpellation. Les auditions sont faites, les perquisitions nécessaires sont faites et le délinquant déféré au Parquet. C’est le parquet maintenant qui va décider du sort qu’il réserve à ce délinquant-là.  Hors de notre compétence territoriale, il faut passer par l’Interpol qui est mieux habilitée à le faire ».

Il a été mis en place une plateforme pour les singalements (Ph. Studio Yafa)

Dans le fait, les personnes se rendant coupables d’escroquerie sont poursuivies, mais aussi ceux dont les comptes sur les réseaux sociaux sont piratés, si elles ne signalent pas. Elles peuvent être tenues pour responsables en cas d’infraction via leur compte piraté. Le maréchal des logis, Roger Méda, recommande aux victimes de signaler tout acte malveillant au risque de se rendre responsable.

Une plateforme pour les signalements

« Lorsqu’on pirate ton compte et tu ne signales pas, tu ne viens pas porter plainte, l’arnaqueur qui se cache derrière ce compte-là porte toujours ton nom. Les actes de cyber-escroquerie qu’il va poser, c’est en ton nom. Le jour que quelqu’un vient se plaindre d’arnaque à travers ce compte, vous êtes responsable », prévient le membre de l’équipe d’assistance pour les cas de piratage de compte.

Pour faire des facilités, une plateforme numérique téléchargeable sur Play store existe depuis février 2025 pour les signalements. Grâce à cette plateforme, des suspects ont été appréhendés, explique l’adjudant Rosalie Nana. Elle fait comprendre qu’ un tiktokeur faisait des vidéos pour proférer des injures à certains usagers. Cette personne a été signalée sur la plateforme, et a été interpellée et déposée à la maison d’arrêt. Toutefois, des difficultés émaillent le fonctionnement de la BCLCC, selon des confidences du responsable de la communication, Guesrima Aimé Ouédraogo.

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Il fait comprendre que l’avènement des réseaux sociaux n’a pas été précédé par une préparation des citoyens, aucune formation au préalable. « Ça fait qu’il y a des gens qui commettent des infractions sans véritablement se rendre compte », regrette-t-il. Aussi, la BCLCC a un souci d’effectif, selon Guesrima Aimé, pour qui l’effectif actuel ne permet pas d’être très opérationnel. Le manque d’équipement est également un autre pied de nœud, signale l’agent, sans oublier la difficulté dans la coopération avec certaines structures notamment les compagnies de téléphonie mobile.

Les chiffres révèlent plus de 13 000 plaintes, toutes infractions confondues, enregistrées depuis la mise en place de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité. Entre 2020 et 2024, plus de 200 personnes ont été déférées pour des préjudices financiers estimés à plus de cinq milliards de FCFA. Basée à Ouagadougou, la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité envisage déployer ses ailes à travers deux antennes régionales à Bobo-Dioulasso et Koudougou.

Boureima Dembélé