Tabaski à Dori : foi ardente, moutons inaccessibles
Bien qu'une zone d'élevage, Dori souffre de la hausse du prix du mouton cette année, Ph : Studio Yafa

Tabaski à Dori : foi ardente, moutons inaccessibles

A 24 h de la fête de Tabaski, les musulmans se ruent au marché à bétail de Dori, dans la région du Sahel. Mais cette année, les prix s’envolent, attisés par une conjoncture difficile dans cette localité pourtant réputée être une zone d’élevage par excellence.

Malgré sa position considérée comme une zone d’élevage par excellence, difficile de se trouver un mouton pour la fête de Tabaski à Dori. Au marché de bétail de la ville, commerçants et clients parlent sans se comprendre.  « 150 000 FCFA ce mouton, monsieur !  C’est trop cher, je ne peux pas l’avoir à 90 000 FCFA ?»  « Le dernier prix de ce bœuf est fixé à 240 000 FCFA » ; « Cette année-là, vous êtes décidés à nous plumer ! ».  Ambiance entre clients et vendeurs.  

Le soleil était au zénith quand nous rencontrons Amadou Diabaté. Il est là pour acheter son mouton de Tabaski. Arrêté à quelques pas de l’aire réservée à la vente des petits ruminants, il semble réfléchir à comment s’y prendre. Il a déjà pu faire le constat de la cherté des moutons et des chèvres.

Amadou Diabaté posant fièrement avec son mouton, Ph: Studio Yafa

« Les prix que j’ai entendus ce matin sont relativement chers. Le mouton qui faisait 60 000 FCFA est au-delà de 100 000 FCFA. Même le bélier de 80 000 FCFA l’année dernière coûte plus de 150 000 FCFA cette année », déplore le client d’un air dépité. Presque à contre cœur, le client a dû débourser 120 000 F CFA pour repartir avec un bélier d’un gabarit moyen.

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Cette année, tous les animaux qui peuvent être sacrifiés dans le cadre de la Tabaski sont hors de prix selon les clients.  Mouton, chèvre, chameau, bœuf… Entre foi et pouvoir d’achat, c’est l’embarras pour les musulmans de cette zone fortement islamisée (63,8 % islamisées selon le dernier recensement général de la population de 2022).

Sous un gros arbre où l’ombre profite à la fois aux commerçants, aux vendeurs qu’aux animaux, se trouve Amadou Dicko. Il est intermédiaire, c’est-à-dire celui qui sert de vendeur entre l’acheteur et le propriétaire de l’animal. Dans le milieu, les intermédiaires sont courants. Eux n’ont pas d’animaux, mais sont incontournables dans le marché. Ils ont la capacité d’acheter les animaux pour les revendre ou simplement de faciliter la vente moyennant une petite prime.

Amadou Dicko explique que le prix des animaux a flambé cette année pour plusieurs raisons. « Ceux qui achètent les animaux dans le marché à bétail pour les revendre soit à Dori, à Ouagadougou, soit en Côte d’Ivoire sont souvent les perdants, car ils doivent les engraisser jusqu’à ce qu’un convoi se dessine, les contraignant souvent à vendre en deçà du prix de revient. De 300 000 F à 250 000 F et même à 200 000 F quelquefois, une somme que ne comprend pas le client de Dori », relève l’intermédiaire.

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Le prix des animaux varie entre 90 000 F et 400 000 F selon l’animal voulu et selon son engraissement. Hamidou Abdoulaye Diallo est l’un des responsables du marché à bétail de Dori. Il a pour rôle de donner l’autorisation de faire entrer ou de faire sortir les animaux dans le marché. Sous son hangar avec des connaissances, il vend aussi des animaux, notamment des moutons.

Hamidou Abdoulaye Diallo explique la hausse du prix du mouton par le non approvisionnement des éleveurs nigériens, Ph : Studio Yafa

Pour lui, cette augmentation de prix est aussi liée au non-approvisionnement du Niger cette année : « L’an dernier, les Nigériens ont rempli notre marché à bétail, privant certains musulmans de leurs localités d’avoir de bons animaux. Cette année, ils ont décidé de ne pas envoyer de bétail. Il faudra attendre après la fête de Tabaski » tente d’expliquer Hamidou Abdoulaye Diallo.

A moins de 24 heures de la fête du mouton, le marché de bétail de Dori est toujours animé. La ferveur de la Tabaski s’est installée. Des clients viennent et repartent sans mouton. Certains vont revenir le jour même de la fête, dans l’espoir que le prix des animaux connaisse une baisse. Malgré la flambée des prix, les fidèles musulmans se sentent dans l’obligation d’acheter les animaux : moutons, chèvres ou bœufs, car, disent-ils, la Tabaski représente la plus grande fête musulmane.

Cheick Yannick Somé