Ouahigouya, terre du zaï, recherche main-d’oeuvre
Abdoulaye Ouédraogo creuse les poquets sous l'œil de Yacouba, Ph : Studio Yafa

Ouahigouya, terre du zaï, recherche main-d’oeuvre

Dans la région du Nord du Burkina, faiblement arrosée, la nature n’est pas toujours clémente pour les producteurs agricoles. Pourtant, face aux caprices de la nature, ces derniers font preuve d’ingéniosité pour ressusciter les sols dégradés et improductifs. Le zaï, technique consistant à creuser des poquets en saison sèche et à y ajouter les semis et de la fumure organique juste avant le début des premières pluies a fait ses preuves. Mais de plus en plus cette technique est délaissée à cause notamment de sa pénibilité et du manque de main-d’œuvre.

Somyaga, environ 10 km de Ouahigouya, région du Nord du Burkina. La saison sèche annonce sa fin. Il ne pleut pas encore, mais des paysans sont dans leurs champs. Des arbustes à élaguer, du sarclage à effectuer. Ce matin-là, Abdoulaye Ouédraogo, la cinquantaine, se présente dans son champ avec un rayonneur et une pioche. Lui, sa préparation de la campagne agricole se fait sur cette portion de terre, une clairière dégarnie.

Abdoulaye s’apprête à faire le zaï, une pratique qu’il a adoptée depuis plus de 20 ans. « Le zaï réussit surtout sur des sols pauvres, des clairières non productives. Mais avant, il faut faire un cordon pierreux, histoire de bloquer l’eau à un certain niveau », commente le producteur avant de se mettre à la tâche.

Avec le rayonneur, il trace des lignes horizontales. « Dans le sens contraire du ruissellement des eaux », précise-t-il. Sur les anciennes traces, il remet le rayonneur cette fois pour tracer verticalement. A la fin du processus, des carrés se forment. Aux différentes intersections, il creuse des petits trous de quelques centimètres à l’aide de la pioche. Il faut s’armer de force sur cette terre dure. Une poussière se dégage à chaque coup de pioche.

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Dans les différents poquets, Abdoulaye met trois grains de maïs et ajoute deux gros poignées de fumures organiques. « Dès que la pluie tombe, ta saison pluvieuse est bien partie », poursuit Abdoulaye.

En langue nationale mooré, « zaï » vient du mot « zaïégré » qui veut dire « se lever tôt et se hâter pour préparer sa terre ». Cette technique a été adoptée par les agriculteurs du nord du Burkina Faso surtout après la sécheresse des années 1980. C’est un système traditionnel de réhabilitation de la productivité des terres pauvres et des zippellés (clairières), qui consiste à creuser des trous pour y concentrer les eaux de ruissellement et les matières organiques.

Abdoulaye Ouédraogo met de la fumure organique dans les poquets, Ph : Studio Yafa

Quand Abdoulaye parle du Zaï, il ne manque pas de rendre un hommage à un homme, celui qui l’a amélioré et vulgarisé dans toute la région. « C’est Bernard Lédéa Ouédraogo qui nous a véritablement initiés au Zaï. Ce fut un grand homme. Nous prions encore pour le repos de son âme », poursuit le quinquagénaire, plein de reconnaissance. Bernard Lédéa Ouédraogo, décédé en 2017, était un militant de la cause paysanne et écologiste, ingénieur-formateur. Il a notamment créé la Fédération nationale des groupements « Naam » en 1967 qui œuvre dans le développement rural.

Les jeunes pas du tout emballés

Pendant que Abdoulaye trace les lignes avec le rayonneur, Yacouba Sawadogo l’observe. A environ 25 ans, il avoue que le travail autour du zaï est harassant. Même s’il a été initié depuis son plus jeune âge à cette technique, il reconnaît que de plus en plus les jeunes s’y désintéressent. « C’est compliqué et nous les jeunes, n’aimons pas le travail de la terre, l’agriculture. Très tôt, souvent après l’obtention du CEP, on part dans les montagnes pour l’orpaillage », consent le jeune spectateur.

Le zaï ne semble plus enchanter les plus jeunes, Ph : Studio Yafa

Son oncle ne semble pas totalement en accord avec lui. Selon Abdoulaye, tout est une question d’organisation. « Le travail n’est pas si compliqué. Ça se fait progressivement. Un peu, un peu chaque jour », préconise le producteur pour qui, même une seule personne peut le faire. Surtout que, poursuit-il, au bout des efforts sur ces sols arides et sous un soleil ardent, les bénéfices sont énormes : Croissance rapide des plants, grande production à la fin de la saison, meilleure résistance à la sécheresse, fertilisation des sols, retour du couvert végétal et des plants bien enracinés.

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D’ailleurs, sur ces terres où il se tient, il espère 4,5 tonnes de maïs à l’hectare grâce au zaï, contre à peine 2,5 tonnes s’il n’avait pas utilisé cette méthode. Même à ceux qui estiment que pour faire du zaï, il faut avoir du bétail en vue d’obtenir de la fumure organique, le producteur rétorque par la négative. Il y a des alternatives. « On peut utiliser les feuilles mortes des arbres ou même les herbes sèches. On les entasse dans un coin, on saupoudre avec de la cendre, on y verse de l’eau potassée et de temps en temps, on arrose avec de l’eau. On obtient de la fumure de qualité pour faire le zaï », enseigne l’élève de Bernard Lédéa.

Après avoir creusé ses poquets, enfoui ses grains et recouvert de fumure organique, Abdoulaye Ouédraogo est allé s’occuper de son jardin situé à un jet de pierres de là. Il n’attend plus qu’une bonne pluie tombe pour pouvoir opérer la magie dans son champ.

Tiga Cheick Sawadogo