Ouagadougou : A Samandin, la fin d’un cauchemar nommé ordures
Le long du pont Kadiogo était devenu une plaie à soigner, Ph : Studio Yafa

Ouagadougou : A Samandin, la fin d’un cauchemar nommé ordures

À Ouagadougou, dans le quartier populaire de Samandin, un changement radical a bouleversé le quotidien des habitants. Là où s’amoncelaient des montagnes de déchets insalubres, souffle désormais un vent d’air pur et d’espoir. Le nettoyage de ce site longtemps abandonné redonne non seulement de la dignité au quartier, mais soulève aussi une question cruciale : comment éviter que tout ne recommence ?

Pendant plusieurs années, le long du pont Kadiogo, les habitants de Samandin ont vécu dans un environnement que beaucoup décrivent comme invivable. Les ordures ménagères s’accumulaient chaque jour, formant un mur nauséabond au cœur même de la capitale. Ce dépotoir improvisé, en pleine zone habitée, était devenu le symbole de l’abandon. Un foyer de maladies et un repoussoir pour les visiteurs.

Peu à peu le visage de ce lieu jadis insalubre change, Ph : Studio Yafa

Thomas Zoungrana, habitant du quartier depuis plus de dix ans, se souvient des difficultés quotidiennes. « J’empruntais souvent ce chemin pour aller au travail, mais à cause des ordures, la route était presque inaccessible. Quand on a vu les bulldozers arriver, on a été soulagés », dit-il, remerciant au passage les autorités pour cette action de salubrité.

Comme lui, de nombreux riverains saluent l’initiative. Le site, désormais nettoyé, ne ressemble en rien à l’enfer qu’il était il y a quelques semaines. Les images des camions remplis d’immondices, des engins de chantier remuant les tas d’ordures, sont encore fraîches dans les mémoires. Pour certains, elles marquent un tournant.

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Dans ce quartier densément peuplé, la proximité avec les ordures n’était pas seulement une question d’esthétique ou de confort. C’était une question de santé publique. Les déchets, mêlés aux eaux de pluie, formaient une boue infecte. Les moustiques proliféraient. Le paludisme faisait des ravages, en particulier chez les enfants.

« Ce n’était plus vivable. Juste respirer devenait dangereux. Les odeurs te coupaient l’appétit, te donnaient la nausée. Et pourtant, il y a des gens qui passaient la journée ici », confie Thomas. Pour lui, débarrasser le quartier de ces ordures, c’est plus qu’une opération de nettoyage. C’est renouer pleinement avec la vie au quotidien. 

Une transformation éclair

Le chantier, lancé il y a quelques semaines, a surpris par sa rapidité et son efficacité. Issiaka Tassembédo, habitant des environs, n’en revient toujours pas. « Ils sont venus, on pensait que ça allait durer deux ou trois mois. Mais en moins d’un mois, tout était nettoyé. On est vraiment content. C’est une joie immense », constate-t-il, tout heureux.

Ce nettoyage a non seulement transformé le paysage, mais aussi les mentalités. Pour beaucoup, c’est une prise de conscience que les choses peuvent changer quand il y a de la volonté, et que les habitants eux-mêmes ont un rôle à jouer. « Le message que j’adresse à la population, c’est de faire pardon et de ne plus jeter les ordures n’importe où. Ce que nous voyons aujourd’hui, nous devons le préserver », insiste Issiaka.

Une ancienne image que ne souhaitent plus voir les habitants de Samandin, Ph : Studio Yafa

Mais derrière la satisfaction, demeure une colère sourde, notamment chez les femmes du quartier. Mariam Ouédraogo, mère de famille, n’a pas oublié les nombreuses tentatives de sensibilisation restées vaines. « Les déchets nous dérangeaient depuis longtemps. Nous avons trop parlé avec ceux qui venaient verser ici. On leur a dit que le coin se salit trop, que ce n’est pas bon pour la santé. Mais ils n’ont jamais écouté », regrette Mariam. Aujourd’hui, elle espère surtout que cela ne soit pas qu’un répit temporaire.

Un appel à la responsabilité

Mais une question reste en suspens : que va-t-il se passer maintenant ? La salubrité peut-elle être durable sans un changement de comportement citoyen ? De nombreux habitants en doutent. Ils appellent les autorités à instaurer des sanctions strictes contre les pollueurs, mais insistent aussi sur la nécessité d’une éducation civique renforcée.

« De nombreux déchets en pleine ville n’honorent pas ses habitants. Il faut que chacun comprenne que garder son environnement propre est une responsabilité individuelle et collective », affirme Thomas.

L’histoire de Samandin est celle d’un quartier qui a vécu dans l’ombre des ordures, avant de renaître sous les coups de pelleteuses. Mais cette renaissance ne sera complète que si elle s’accompagne d’un véritable sursaut de conscience collective. À Ouagadougou comme ailleurs, la salubrité commence dans les gestes quotidiens.