Dans le village de Boni, à une vingtaine de kilomètres de Houndé, l’or se cache sous la terre. Ce n’est pas seulement une activité d’hommes. C’est aussi une affaire de femmes qui se battent au quotidien pour trouver le métal précieux.
Il est 11 heures passées sur le site d’orpaillage de Boni. Un bourdonnement sourd de machines broyeuses résonne en permanence. Des tentes de fortune, faites de bâches ou de paille, sont dressées pêle-mêle. Tandis que certains cassent des pierres, d’autres lavent de la terre boueuse les mains plongées dans l’eau. Au milieu des hommes, des femmes sont au cœur de la ruée vers l’or. Parmi elles, Azara Sankara, presque plus de la quarantaine, nous conduit dans sa zone de travail.
Lire aussi : Attentes des femmes dans la gestion du fonds minier à Houndé
Azara nous fait visiter le site. D’un geste, elle salue des hommes affairés autour d’une machine broyeuse avant d’entrer sous sa tente. Un bonjour est lancé à une jeune fille en pleine activité. Puis, elle remue des sédiments au-dessus d’un canal rudimentaire d’où s’écoule une eau boueuse. Azara la remplace pour expliquer ce qu’elle fait. Azara est dans la première étape de lavage de la poudre issue du broyage des roches.

Ensuite, Azara s’accroupit à côté d’un récipient rempli d’eau. Elle y plonge une assiette remplie de sédiments. Dans de petits mouvements, elle lave les poignets de terre qui se trouvent dans l’assiette. Puis, quelque temps après, elle présente quelques cristaux d’or au fond de l’assiette, à peine perceptibles à l’œil nu pour un public non avisé. « C’est ça que nous cherchons », indique-t-elle tout sourire. Puis, elle enchaine avec des explications. « On enlève la terre qu’on a extraite, on lave dans un premier plat, puis dans un deuxième plat pour recueillir les particules. Après, on y ajoute du mercure pour extraire l’or. On le chauffe et on obtient enfin notre or », détaille-t-elle.
De vendeuse de jus à femme d’affaire
L’histoire d’Azara dans l’orpaillage débute il y a 18 ans à Kari, une autre localité à quelques kilomètres de Boni. Elle vendait du zoom koom, une boisson locale à base de mil, en espérant gagner un peu de quoi nourrir sa famille. Cependant, les difficultés financières l’obligent à opter pour une autre activité. « Lorsque je me suis installée à Kari, pour vendre mon Zoom Koom, dans nos causeries, quelqu’un m’a dit que si j’essayais l’orpaillage, je m’en sortirais mieux. J’ai expliqué à mon mari qui, au départ, hésitait. Il a fini par accepter grâce à mes assurances », se souvient encore Azara.
Des réticences qui se justifient par une réputation des femmes qui pratiquent l’orpaillage. Elles sont souvent vues comme des proies faciles pour les hommes. Azara s’y met et dès la première année, trouve le bon filon. « J’ai fait un bénéfice de 10 millions de francs CFA. En même temps, j’ai décidé de ranger mes glacières parce que l’activité m’avait permis de payer la scolarité de mes enfants et j’ai même construit ma maison », se réjouit Azara.
Déterminée, elle s’investit pleinement. Les efforts commencent à payer malgré des hauts et des bas au point d’avoir pu réaliser des bénéfices de 50 millions. Son exemple a fait d’elle une figure importante du site d’orpaillage de Boni. Azara est à la tête d’une équipe de neuf hommes et quatre femmes. Sa propre fille, Fatimata, travaille pour elle. Justement, elle est bien à son poste.

L’orpaillage, une affaire de famille
Installée, avec son bébé à ses côtés qu’elle tente de calmer de temps en temps, Fatimata Sankara concasse des pierres. Elle frappe de toutes ses forces avec un petit marteau. Ces pierres concassées sont ensuite envoyées dans les machines broyeuses. Fatimata prend le relais de sa maman depuis quelques années. « J’ai vu que ma maman s’est battue ici. Mon père ne vit plus. Grâce à elle, on n’a manqué de rien. Elle voulait que je reprenne l’école mais j’ai décidé de pratiquer l’orpaillage afin d’aider mes frères », explique-t-elle tout en continuant le concassage.
Lire aussi: Poura ou la cité de l’orpaillage
Fatimata peut passer plusieurs heures assise sous le soleil. Mais elle dit n’éprouver aucune peine. « C’est dur parce qu’à force de taper, tu as mal à la poitrine », explique-t-elle. Mais cette douleur, on ne la ressent que lorsque le concassage n’est pas fructueux. « Mais si tu tombes sur un bon sac, tu peux avoir 10, 20, même 40 grammes. Moi, en un mois, j’ai déjà eu 4 millions de francs CFA. Parfois, je n’ai même pas 100 000 malgré mes efforts », soutient-elle. Mais c’est le principe de l’orpaillage. Il n’y a pas de place au découragement.
Sa maman Azara n’est plus aussi présente sur le site. Elle a pris de l’âge et laisse ses enfants continuer de travailler. Pour s’occuper, elle est devenue une commerçante prospère à Houndé. C’est une manière aussi pour elle de préparer sa reconversion. Elle reste tout de même attachée au site.
Une source d’inspiration
Awa Sawadogo, une autre orpailleuse, partage la même expérience que Azara depuis dix ans. Après avoir vu des femmes comme Azara réussir. Elle décide de s’investir également en travaillant d’abord au service d’autres personnes. Puis, lorsqu’elle a eu suffisamment de ressources, elle a volé de ses propres ailes. Aujourd’hui, grâce à l’orpaillage, elle aussi est sortie de la précarité. « Je peux avoir 5, 10 ou même 15 millions de francs CFA », assure-t-elle. Ce qui n’est pas évident si elle pratiquait une autre activité.

Mais, par expérience, elle explique qu’il faut toujours avoir des économies pour assurer le quotidien pendant les périodes de vaches maigres. Par exemple, pendant la saison pluvieuse, il est formellement interdit de creuser pour éviter les éboulements. Ces trous peuvent atteindre jusqu’à 150 mètres. À cette période, la plupart se contentent de laver la terre pour espérer trouver de l’or.
Lire aussi: Burkina : A Bilgotenga, l’orpaillage fait disparaître les champs
Il n’y a pas que l’orpaillage qui est pratiqué sur le site. Comme un village, toutes sortes d’activités, notamment commerciales, sont pratiquées. Roukiéta Sawadogo, installée plus loin, ne creuse pas. Elle vend du riz. « J’ai décidé de m’installer ici parce que ça marche mieux. Je peux épuiser un sac de 50 kg par jour », fait-elle savoir. Ailleurs, ce ne serait pas possible bien qu’elle fasse souvent dans du social.

Une bonne collaboration avec les hommes
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces femmes brassent des millions. Mais à la question de savoir si elles sont riches, Azara, avec sourire, glisse : « Je ne peux pas dire que je suis riche. Mais je m’en sors quand même. » Brasser autant d’argent peut créer de la jalousie. Mais, elles assurent être en sécurité. Le site est géré par des volontaires qui veillent à la sécurité de tous ceux qui travaillent.
Issaka Tami fait partie des gestionnaires du site. Il salue la détermination de ces femmes qui évoluent dans des activités diverses dans une sorte de complémentarité. « Sur le site ici, nous sommes comme une famille. S’il y a un problème, lorsque les femmes nous interpellent, nous intervenons », assure-t-il. L’orpaillage à Boni a permis à ces femmes d’avoir une nouvelle chance en devenant indépendantes financièrement.
Boukari Ouédraogo