A Ouagadougou, contrairement à ce que le commun des mortels pourrait penser, les maquis sont sous la coupe de certaines personnes chargées de faire régner l’ordre. Ce ne sont pas forcément les propriétaires, mais le succès et la renommée de ces maquis dépendent en grande partie d’eux, les managers. Ces hommes ou femmes donnent la direction, gèrent les disputent et accueillent les clients.
Les nuits sont chaudes par endroits à Ouagadougou ! Chaque soir la température prend l’ascenseur pour certains. Et c’est une habitude pour les initiés et pour les amateurs de maquis, bars et dancings. Au bord des voies, petites ou grandes, des enseignes lumineuses scintillant donnent l’indication. Le signal pour un rendez-vous immanquable. En général, il grouille de monde en ces endroits. Les tâches du personnel sont bien reparties.
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Parmi, il y a une figure méconnue, qui organise l’ambiance, recrute les hôtesses, et assure la bonne marche de la soirée. Il est le chef d’orchestre. Ce sont des manageurs de maquis. Dans ces endroits semblables à une foire d’empoigne, tout est organisé par le manager. Pour Prince Allavou surnommé Yung Naaba, c’est un métier qui le passionne. Au-delà d’être un organisateur, il est médiateur et parfois même un soldat.
Un métier de l’ombre mais vital
« La nuit, on m’appelle Yung Naaba, le roi de la nuit », se présente fièrement Prince Allavou. Son surnom en dit long : il règne sur un territoire où tout peut basculer en quelques secondes. Son rôle, c’est d’accueillir les clients, organiser les serveuses, veiller à la propreté du maquis. Mais surtout, gérer les imprévus. « Un manager, c’est comme une poubelle. Tout le monde jette sur lui. Mais il doit rester calme, absorber les chocs », explique-t-il.
Dans le maquis où il travaille, il a plus de 100 serveuses sous sa coupe. Ces serveuses dépendent de ses consignes. Chaque soir, il doit s’assurer qu’elles sont bien en place, que les clients sont à l’aise. « On est comme des soldats. S’il y a bagarre, bouteille cassée ou dispute entre supporteurs pendant un match, c’est nous qui intervenons en premier. Parfois, tu risques ta vie. »
Entre fierté et difficultés permanents
Pour Prince Allavou, ce métier est une vocation. « C’est ma vie. Grâce à ça, j’ai trois femmes et je vis mieux que certains fonctionnaires », dit-il sans détour. Mais derrière la réussite apparente, il y a les risques. Une bagarre peut éclater à tout moment, un client ivre peut provoquer un scandale. Le manager doit savoir garder son sang-froid.
Ce sont des endroits avec des écrans où les amoureux du foot suivent les différentes compétitions. Même quand son équipe de football perd, le manager n’a pas le droit de montrer sa colère. « Pendant les grands matchs, c’est là qu’on souffre le plus. Il faut être vigilant, contrôler la foule. Sinon, ça peut dégénérer. »
Les serveuses, entre rigueur et reconnaissance
Jessica nom d’emprut, 20 ans, est serveuse depuis un mois. Elle découvre un métier difficile. « Ici, si tu viens avec une minute de retard, on te retire 2000 F CFA. À la fin du mois, il ne reste presque plus rien ».
Aïcha, plus expérimentée, reconnaît la sévérité de certains managers, mais souligne aussi leur rôle protecteur. « Nous n’avons pas de famille ici. Certains managers sont comme nos papas. Quand on est malades, ce sont eux qui nous amènent à l’hôpital». Au moment que nous discutons, le manager reçoit un appel d’une serveuse qui ne se sent pas. « Vous voyez, je dois aller pour l’emmener à l’hôpital ».
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Mais toutes ne partagent pas ce regard conciliant. Anifa (nom d’emprunt), est d’origine étrangère et travaille en tant qu’hôtesse dans un maquis depuis plus d’un an. Elle nous laisse entendre un cri du cœur. « Nous-mêmes on cherche des occasions comme ça pour parler ». Pour elle, certains managers ne les honorent pas. « Certains managers veulent que tu t’asseyes avec les clients à chaque fois, et ça ne me plaît pas », dénonce-t-elle avec une mine pas souriante. Ces témoignages révèlent que le manager est à la fois celui qui sanctionne et celui qui soutient. Un équilibre fragile, qui reflète la complexité de ce métier.
Un manager n’est pas un gérant
Le fonctionnement d’un maquis repose sur un mécanisme bien huilé, où chaque acteur joue un rôle précis. Pour beaucoup de clients, la différence entre un manager et un gérant reste floue. Pourtant, sur le terrain, leurs missions sont distinctes, même si elles se complètent pour assurer la bonne marche du maquis. Pour Stéphane Kouamé, « Le gérant, c’est un peu le deuxième boss. On lui dit tout ce dont on a besoin et lui, il transmet au patron ». Le gérant veille à ce que les boissons ne manquent jamais et s’occupe de la caisse, tandis que le manager est au contact direct des serveuses et de la clientèle, garant de l’ambiance et de la sécurité.
Dans ces maquis, il ne manque pas de clients difficiles à gérer. Certains se plaignent de la lumière, des toilettes, d’autres trouvent que les musiques jouées ne sont pas à la mode… Les responsables des maquis aussi s’inquiètent des ventes car malgré la foule, les chiffres ne sont toujours pas comme souhaités.
Yieniyaba TINDANO (Stagiaire)