Le marché central de Koudougou, construit au début des années 2000 grâce à la coopération suisse, a une architecture originale. L’infrastructure a été bâtie avec des matériaux locaux, des briques en terre comprimée. En 2007, elle a même décroché le prestigieux prix Aga Khan à Kuala Lumpur en Malaisie. Symbole de fierté au début, en termes esthétiques et écologiques, le marché suscite maintenant des débats sur la durabilité. Des acteurs plaident pour un autre marché, cette fois en matériel dit définitif.
De tous les côtés du marché central de Koudougou, un rouge terreux typique de la latérite qui attire l’attention. Avec une infrastructure innovante, faite de blocs de terre comprimée et des techniques de la voûte nubienne, il trône au secteur nᵒ 1 de la ville.
Entre les étals et à l’heure où les clients se bousculent entre les étroites allées, Ousmane Semdé, président du syndicat des commerçants de la ville de Koudougou ne cache pas sa fierté. « Les briques sont construites à partir de la terre de Koudougou. C’est comme si la richesse restait ici au plan local », dit-il, tout en répondant aux salutations des commerçants qui le reconnaissent.

C’est une grande bâtisse qui s’étend sur 2,5 hectares, inaugurée en 2005 après trois années de travaux. Il a été pensé comme un espace commercial, écologique. « Pendant la canicule, c’est comme si c’était climatisé à l’intérieur », poursuit le président du syndicat des commerçants de la ville de Koudougou. Outre l’aspect esthétique, le constat du microclimat à l’intérieur des boutiques est partagé par les occupants des lieux.
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Kinda Issaka occupe une boutique depuis l’ouverture. « Je suis là depuis 2005. Il fait frais à l’intérieur, même pendant la chaleur. Il y a une grande différence. Déjà, il fait frais à l’intérieur. Souvent pendant la chaleur, on n’a même pas envie de pointer le nez dehors. Dès que tu sors, tu es pressé de revenir dans ta boutique. Ce n’est pas comme les autres marchés », lance-t-il, avant que Korotimi Sawadogo abonde dans le même sens : «Il fait bon vivre. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est frais. Peut-être parce que c’est construit avec la terre ».
Grâce à des aérations naturelles, la température y reste douce toute l’année. Un aspect important sous le soleil de la région du Nando, où les vagues de chaleur sont fréquentes, comme un peu partout au Burkina Faso. Mais le joli tableau s’arrête là.
L’usure du temps
Le marché a un délai d’amortissement initialement fixé à 20 ans. Nous ne sommes pas encore en 2030, mais des signes de vieillissement prématuré se font voir. Par endroit, les voûtes en briques comprimées sont rongées par l’humidité. Les commerçants pointent du doigt le manque de vernis sur les murs, qui devrait assurer une certaine viabilité à l’infrastructure. « S’ils avaient mis du vernis, ça allait durer. L’eau de pluie même avait descendu facilement. Comme il n’y a pas eu ça, il y a certaines retouches qui sont faites », commente Ousmane Semdé.

Drissa Diakité, gérant des marchés à la Régie autonome de gestion des infrastructures marchandes (RAGIM) de la municipalité, lui, estime qu’il faut plus que du vernis. « La durée de vie du marché est de 25 ans. Il reste cinq ans. Le coût du vernissage nécessaire pour le protéger ne suffirait plus à garantir sa viabilité ». Pas de vernis depuis 20 ans, résultat, par endroit l’eau de pluie s’infiltre, les façades reçoivent les fouets des averses pendant que le toit souffre. « Chaque année, la RAGIM dépense des millions pour l’entretien », confirme Souili Antoine, directeur des services techniques municipaux. Cette année par exemple, poursuit-il, la délégation spéciale de Koudougou a dépensé plus de 4 millions pour réparer les enduits et les toitures.
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Malgré la beauté et l’originalité du site, Ousmane Semdé et Drissa Diakité se projettent déjà pour l’avenir. « Notre souhait est d’avoir un autre site pour un nouveau marché, cette fois en matériel définitif. Je préfère le matériel définitif parce que nous sommes de plus en plus face à des saisons pluvieuses que nous n’arrivons pas à canaliser. Vous voyez comment la pluviométrie a été cette année. Si on a ce rythme pendant trois ans, avec des marchés en matériaux locaux, ça ne sera pas simple », précise Drissa Diakité.

Entre ses murs rouges, des commerçants s’inquiètent des fissures, surtout en saison pluvieuse. « On n’est plus fiers de notre marché. Depuis l’an dernier, c’est comme ça. Les chefs viennent prendre des photos, mais on ne voit rien changer », tranche Martine Yaméogo, commerçante. Faut-il engager des travaux de rénovation avant la fin de la période d’amortissement, ou repenser le marché en béton et en acier ? Au cœur des affaires de Koudougou, l’avenir du marché s’invite désormais dans les conversations.
Le marché central de Koudougou a été inauguré le 28 novembre 2024 par Joseph Deiss, alors président de la Confédération helvétique. L’infrastructure a reçu le prix Aga Khan d’architecture 2027. Prix reçu à Kuala Lumpur le 4 septembre 2007.
Tiga Cheick Sawadogo