L’Université Joseph Ki-Zerbo célèbre son jubilé d’or du 4 au 10 décembre 2025 au sein de la structure. C’est l’occasion pour les acteurs du monde universitaire de rendre hommage à Joseph Ki-Zerbo qui a marqué l’histoire de l’Afrique à travers ses recherches et une manière de revisiter ses œuvres.
Entourée de quelques amis, Geneviève Damiba fait des selfies et des photos devant la statuette érigée en hommage à Joseph Ki-Zerbo. La statuette inaugurée en 2020 se tient à l’entrée Sud. D’autres étudiantes comme elles font également des souvenirs.
A une dizaine de mètres de là, un colloque se tient en mémoire de l’historien burkinabè. Une grande bâche, solidement accrochée sur le mur, rappelle l’importance de l’évènement. Pour Geneviève, Joseph Ki-Zerbo n’est pas un inconnu. Elle a appris à connaître l’histoirien dans ses manuels scolaires et lors de cours en classe au Lycée. « On a eu l’occasion de faire des exposés sur Joseph Ki-Zerbo quand on était au lycée », se souvient la jeune étudiante.

Joseph Ki-Zerbo, historien burkinabè est l’un des grands artisans de l’écriture de l’Histoire générale de l’Afrique. C’est en hommage à cet homme, historien, penseur et homme politique, que l’Université de Ouagadougou a été rebaptisée Université Joseph Ki-Zerbo. Cette université créée en 1974, célèbre son jubilé d’or. A cette occasion, les autorités universités ont souhaité revisiter l’héritage de cette figure de l’histoire de l’Afrique.
La décolonisation de la pensée
A fin du panel présenté par Mahamadé Sawadogo, Hermine Segda quitte la salle, son maillot rouge, vert avec l’étoile dorée. Ce sont les couleurs du Burkina Faso mais le design est celui de la première promotion de l’immersion patriotique, une initiative organisée par le gouvernement pour inculquer le civisme aux nouveaux bacheliers du Burkina Faso. La jeune fille vient de suivre la conférence. Bien qu’elle ait étudié Joseph Ki-Zerbo durant ses années de lycée, ce panel lui a permis de mieux connaitre l’homme.
« Cette fois, le paneliste a donné des exemples de la vision de Joseph Ki-Zerbo et il a utilisé des extraits de son livre pour mieux illustrer ça. Donc, j’ai mieux compris certaines de ses pensées », explique-t-elle, encore émue. Elle dit avoir encore compris plus en profondeur la pensée du chercheur notamment grâce à l’explication de certains extraits de ses ouvrages.
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Non loin d’elle, Boureima Sawadogo, doctorant au laboratoire de philosophie, partage la même admiration. Pour lui, la pensée de Joseph Ki-Zerbo s’ancre dans le contexte actuel du Burkina Faso marqué par la volonté de déconstruire les héritages coloniaux dans les savoirs. « C’est important de rendre hommage à Joseph Ki-Zerbo parce que ça montre que certaines choses ne sont pas une trouvaille de notre génération. On dit que pour aller plus loin, il faut s’appuyer sur les épaules des géants. Et Ki Zerbo est un géant », estime Boureima Sawadogo.

Le professeur Jacques Nanema, qui a connu personnellement Joseph Ki-Zerbo, ne cache pas sa satisfaction de voir la figure de l’historien honorée dans son pays. « C’est très heureux que Joseph Ki Zerbo soit la figure emblématique de l’Université Joseph Ki Zerbo », salue-t-il. Pour lui, rendre hommage à ce penseur, c’est défendre « une science à la fois ouverte sur le monde et solidement ancrée dans les réalités locales ». Il rappelle aussi les difficultés qu’a traversées l’historien, notamment son exil forcé en 1983. « Joseph Ki-Zerbo symbolise pour nous la possibilité du progrès, sans la violence, sans le totalitarisme, sans la dictature », insiste-t-il.
Georges Alfred Ki-Zerbo, le fils n’a pas manqué cet hommage à son géniteur. Pour lui également, lorsque son père disait « A quand l’Afrique » répond à l’esprit de développement actuel du Burkina Faso.
Les défis de l’université
La célébration du jubilé d’or est aussi un moment de faire face aux défis que rencontre cette université. Hermine, fraîchement arrivée en première année, a déjà éprouvé les réalités de l’amphithéâtre. « Lorsqu’on est arrivé la première fois, je me suis arrêtée pour suivre le cours. J’étais tellement fatiguée que je suis allée m’asseoir par terre. Avec un nombre de 2000, ce n’est pas simple », explique-t-elle avec un sourire moqueur. Désormais, Hermine a pris l’habitude de se lever plus tôt pour être à l’heure et avoir de la place.

Issouf Nacoulma, étudiant en Licence 1 en Sciences de la vie et de la terre (SVT), pointe quant à lui, les difficultés liées à la qualité de la connexion internet, mais aussi le contexte économique et sécuritaire qui rend difficile les conditions d’études. Malgré cela, Boureima Sawadogo reconnaît les progrès réalisés ces dernières années. Lors de ses premières années, il n’y avait pas de connexion gratuite sur le campus. Il cite également la création de nouveaux amphithéâtres, des routes mieux aménagées, une crèche pour les étudiantes mères, etc.
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Pour le professeur Jacques Nanema, un défi demeure central. Celui du renforcement de la formation et des capacités des chercheurs afin « que l’université se connecte avec le terrain (..) pour que le développement de ce pays soit porté par les acteurs eux-mêmes ». Pour lui, l’enseignement désormais doit encore mettre l’accent sur les savoirs locaux sans se fermer conformément à la pensée de Joseph Ki-Zerbo.
Boukari Ouédraogo
