Léo : Ghana yaar, le marché de l’intégration entre Burkinabè et Ghanéens

Léo : Ghana yaar, le marché de l’intégration entre Burkinabè et Ghanéens

Chaque vendredi, des commerçants ghanéens se rendent à Léo, ville burkinabè située à une dizaine de kilomètres de la frontière pour des échanges commerciaux. Le marché dénommé « Ghana yaar » contribue au développement de l’économie locale et offre un cadre d’intégration entre les deux peuples.

L’affluence est bien particulière au marché de Léo, en cette journée du vendredi. Il est 8 heures. Une fine pluie arrose le marché depuis presque la nuit. Même à cette heure-là et malgré la pluie, le marché est bondé de monde. Il faut se faufiler entre les vendeuses installées au bord de la route, les vendeurs ambulants et les clients pour se trouver un passage.

Une grande tortueuse et boueuses, sépare le marché en deux. Le visiteur doit tout de même éviter des jeunes hommes, des enfants parfois tirant des charrettes chargées de divers marchandises. Parfois, un tricycles roulant à vive allure, une manière d’intimider les passants pour se frayer le passage, font sursauter les passants. Certains profèrent même des insanités à leur passage.

Il faut donc tout un gymnastique pour accéder à l’épicentre du marché « Ghana Yaar », situé au côté Est du marché régional de Léo. Là, plus d’une soixantaine de camions sont stationnés, éparpillés un peu partout. Certaines sont vides. Ils viennent apparemment de décharger. D’autres sont en train d’être chargé par des jeunes. Quelques camions bien remplis et couvert par de longues bâches semblent prêts pour prendre la route.

« Ghana yaar », au marché de Léo, est un espace réservé aux échanges commerciaux entre les Ghanéens et les Burkinabè. Tous les vendredis, les deux communautés se retrouvent pour vendre ou acheter d’où le nom « Ghana yaar », le marché du Ghana. Ce vendredi, les commerçants ghanéens ont apporté des ignames, des patates, du gari (farine de manioc) et du savon connu sous le nom de kabakourou, caillou en langue bambara du fait de sa résistance et sa solidité.

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Le marché est reparti en deux partis, explique Mamadi Yago, collecteur dans ce marché. Il sert de guide dans cette visite. « Ici, c’est le marché des ignames alors que tout le reste, c’est le marché normal de Léo», indique Mamadi Yago, présentant la partie situé plus à l’Est.

Assis autour des camions, parfois à côté de tas de maniocs, des commerçants discutent encore des prix, hésitent et concluent parfois des achats. Ce serait ainsi jusqu’aux alentours de 12h quand ils se résoudront à prendre le chemin du retour. Parfois, un traducteur facilite les échanges.

« Sans les Ghanéens, le marché de Léo n’est rien le marché, c’est eux. Igname, savon, c’est eux, gari, c’est eux », admet Mamadi Yago. Difficile d’évaluer le nombre de Ghanéens qui fréquentent ce marché. En fonction, des périodes, la clientèle tourne autour de la cinquantaine et la centaine. Elles sont en majorité des femmes. Cette fois ci, une trentaine de camions a fait le voyage pour Léo.

Mary, la quarantaine, dit fréquenter ce marché depuis une vingtaine d’années. Elle maitrise tous les recoins de « Ghana yaar ». « Au Ghana, nous n’arrivons pas à écouler nos marchandises. Il faut trouver d’autres marchés. C’est pourquoi, nous venons ici à Léo », explique cette dame.

La morosité du marché

Mais aujourd’hui, les vendeurs n’ont pas bonne mine. Le marché est morose. « Vraiment, on est pas content aujourd’hui. En plus de la pluie, il y a trop d’ignames. Quand c’est comme ça, ça ne marche pas », se plaint Mary, une habituée. Alors, pour réduire les pertes, les ignames sont vendues en tas de 100f cfa à des détaillants.

Il n’y a pas que des ghanéens qui font le voyage à « Ghana yaar ». Des Burkinabè arrivent également d’autres localités. Adama Sankara est venue de Bobo Dioulasso à environs 320 kilomètres. Avec d’autres commerçants, il supervise des jeunes qui chargent son camion d’igname. Il a acheté près 1700 tubercules pour 1 million 500 mille francs CFA. Mais, il s’agit d’une équipe. Tout seul, il ne peut remplir camion. Ce qui serait une perte. « Il y a beaucoup de clients. Certains vont descendre à Boromo avec leurs marchandises, d’autres à Houndé, ainsi de suite jusqu’à Bobo », précise Adama. C’est la stratégie trouvé pour réduire les dépenses.

Le choix de Ghana yaar du marché de Léo est stratégique. « Avant, on partait à Gaoua, en Côte d’Ivoire. Mais il y avait trop de taxes. En Côte d’Ivoire, nous devions payer cinq mille francs CFA au niveau de chaque corridor. Ici, c’est beaucoup mieux », salue Mamadou Go.

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Les commerçants des deux communautés ont développé des relations fortes d’amitié. Dans ce lieu qui ressemble à un gros village. Tous semblent se connaître. De part et d’autre, l’on n’hésite pas à se taquiner dans la bonne humeur. « Nous sommes devenus des « mabissi » (même famille). Quand je suis venu, j’étais toute sale et j’ai pu me laver dans une cour ici », raconte en langue mooré, Adissa, une ghanéenne. Et Mary d’approuver : « Il n’y a jamais de problème entre nous et les Burkinabè. Nos relations sont bonnes ».

Toutefois, pour prévenir les conflits, des médiateurs, à l’aise en mooré comme en ashanti, sont présents pour intervenir en cas de mésentente ou d’incompréhension.

L’apport de ce marché de Léo pour la commune est important. Environs un million de francs CFA est collecté comme taxe chaque vendredi. Hamed Napon est l’un des sept collecteurs. Chaque vendredi, ils encaissent 150 francs CFA par sac chez chaque vendeur. « Il y a des semaines tu peux collecter jusqu’à 100 mille francs CFA parfois plus, parfois moins. Ça dépend de l’arrivée des camions », explique Hamed Napon. La somme collectée est reversée à la mairie.

Toutefois, tous sont unanimes, les autorités communales gagneraient à mieux aménager l’espace qui de plus en plus en du mal à contenir le monde. Pourtant, du fait de l’insécurité au Burkina Faso, certains commerçants ont du mal à faire le déplacement. Au-delà, des échanges commerciaux, Ghana yaar permet à des dizaines de personnes de nourrir leurs familles comme les jeunes recrutés pour charger ou décharger les camions et les autres vendeuses aux alentours.

Boukari OUEDRAOGO

 

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