<strong>Burkina : 13 ans, élève en classe de 5<sup>e</sup> et chef de village</strong>

Burkina : 13 ans, élève en classe de 5e et chef de village

A Tambogo, localité située dans la commune de Andemtenga à environ sept kilomètres de la ville de Pouytenga, règne un jeune chef. Naba Sigri, âgé de 13 ans. Malgré sa jeunesse, le village fonde beaucoup d’espoir sur lui.

De la ferveur à Tambogo, village d’environ 2500 âmes ce jour du mois de novembre. Ce jour-là, le chef de village Naba Sigri est de retour. Une cérémonie est organisée pour son retour et sa rencontre avec ses sujets. Sous un grand hangar, des griots, une demi-douzaine, tous âgés, chantent les louanges du jeune.

Puis, aux environs de 10 heures, Naba Sigri sort de son palais, vêtu d’une luxueuse tenue traditionnelle richement brodée, d’un bonnet multicolore, tenant une lourde canne, il s’installe sous le hangar. Le regard est innocent mais imperturbable. Ses sujets, jeunes comme vieux viennent se prosterner. Puis, le chef prend le temps de recevoir ses invités.

Les origines de la nomination

Il y a un an environ, son statut de jeune prince n’empêchait pas Naba Sigri, 12 ans, de jouer avec les camarades de son âge. Mais, tout à changer au décès de son père. Pour sa succession, c’est sur lui que le choix est porté. L’intronisation se tient à Andemtenga, d’où relève le village situé à sept kilomètres de Pouytenga, cette commune réputée pour son commerce.

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A 12 ans, il porte le bonnet de chef et devient le 14e chef traditionnel du canton de Tambogo. « J’ai accepté de diriger le village pour montrer que même en tant qu’enfant ou jeune, nous ne devons pas nous mettre en marge de la tradition », avance Naba Sigri. La coutume interdit de prononcer le nom à l’état civil du chef. Il s’appelle désormais Naba sigr guind bonna minga qui signifie en langue française : « point de moisson pour le paresseux ». Tout le monde l’appelle désormais Naba par respect pour son statut.

Le nom de règne, est un symbole. Il est, en quelque sorte, la boussole de sa gouvernance. « Mon objectif, en tant que chef de village de Tambogo, c’est de faire régner la paix dans le canton. Je souhaite que les femmes, les hommes,  jeunes comme vieux puissent vivre aussi dans la prospérité. C’est pourquoi, j’ai choisi le nom de Naba sigr guind bonna minga », explique le chef aujourd’hui âgé de 13 ans. Pour éviter de se tromper, il consulte de temps en temps l’un de ses conseillers Moumini Aimé Kaboré, également son oncle. Ceux-ci l’aident à prendre les bonnes décisions.

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Malgré ces nouvelles responsabilités, Naba Sigri continue ses études. Elève en classe de 5e, il est inscrit dans un établissement de Ouagadougou. Un choix stratégique. D’une part, permettre au Naba de vivre son enfance et d’autre part acquérir de la connaissance à mettre au service du village. Naba Sigri fait la distinction : « A l’école, je suis un élève comme les autres. Si je veux me considérer comme chef, je risque d’échouer. Mais une fois que je rentre, je retrouve mon statut de chef et là, je commande », distingue Naba Sigri.

Les anciens du village fondent de grands espoirs sur Naba Sigri. « Nous espérons qu’il va apporter la prospérité dans notre village à travers l’enseignement, l’agriculture, la culture », précise Moumini Aimé Kaboré. En effet, Tambogo manque de presque tout. Route. Eau potable. Electricité etc. La population, à majorité pauvre, vit de l’agriculture, de l’élevage. Elle est donc tributaire des caprices météorologiques. L’exode rurale s’apparente comme une solution pour certains jeunes pour trouver des revenus pour leurs familles.

Une fierté locale

A Tambogo, c’est avec fierté que certains parlent de leur chef. « Nous avons constaté qu’on a confié à un jeune. C’est vraiment une considération pour la jeunesse. C’est une fierté pour nous, car à nous tous jeunes que cette responsabilité a été confié », estime Aziz Kaboré.

Pour lui permettre de réussir sa mission, aucune pression n’est mise sur le chef du village. Il doit prendre le temps d’apprendre. Ses conseillers et les sages du palais l’aident à assurer certaines pratiques coutumières en attendant qu’il gagne plus en maturité.

Boukari OUEDRAOGO