Burkina: A Fada, le marché à bétail à l’épreuve des bruits de canons©Studio Yafa
Le marché à bétail est impacté par l'insécurité

Burkina: A Fada, le marché à bétail à l’épreuve des bruits de canons

Il était le point d’attraction de plusieurs pays de la sous-région. Ghanéens, nigérians et bien d’autres nationalités ne rataient pas les rendez-vous hebdomadaires du marché à bétail de Fada dans la région de l’Est du Burkina. Chaque dimanche, c’était l’Afrique de l’Ouest en miniature sur cet espace de près de cinq hectares. Mais le terrorisme porte un grand coup au marché à bétail de Fada N’gourma. Malgré tout, les acteurs font preuve de résilience dans l’espoir d’un retour définitif à la situation d’avant.

C’est un capharnaüm qui déboussole tout nouveau visiteur. La capitale de la région de l’Est qui suffoque sous le coup du couvre-feu depuis plus de trois ans. Fada N’gourma qui croule sous le poids des milliers de déplacés internes. La cité de Yendabili qui vit pratiquement en vase clos à cause de la presqu’impossibilité de rallier certaines villes de la région. Cette ville-là, a un endroit qui attire de milliers de personnes et donne de la couleur à la ville chaque dimanche : le marché à bétail.

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Entre les bœufs turbulents que marchands et courtiers ont du mal à maitriser, il faut se frayer prudemment, mais difficilement un passage, tant la foule des bêtes et des hommes est compacte. Le marché peu avant 11h ce dimanche, un jour d’octobre, semble bien animé. Mais pas tant que ça, diront les habitués des lieux. «Si c’était avant, je n’aurais pas eu le temps de causer avec vous », nous résume Abdourahmane Nassouri, courtier depuis plus de 30 ans dans ce marché.

Un maillon économique en souffrance

La raison de cette morosité, l’insécurité qui sévit dans la région depuis plus de trois ans. « C’est à cause de l’insécurité qu’il n’y a plus de bétail. Avant on venait avec 200 voire 250 têtes chaque dimanche de marché. Maintenant, on fait plus de trois mois sans avoir 100 têtes. Et même avant, on partait à Lagos (Nigéria), à Lomé (Togo) et en Côte d’ivoire. Mais aujourd’hui, c’est seulement à Fada et là-même ce n’est pas tout temps que nous venons », soupire Issa Tambaga, revendeur de bétail.

Une vue du marché à bétail

La région de l’Est, grâce à sa faune et à sa position géographique (frontière avec le Niger, le Togo et le Bénin) est une grande zone d’élevage et une position stratégique pour les échanges économiques. Le marché de bétail bâti sur une superficie de près de cinq hectares est l’un des plus importants de la sous-région. Mais l’accès au marché est devenu problématique de l’avis d’El Hadji Ali Tandamba, président du comité de gestion du marché de bétail.

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« Les accès au marché de bétail sont devenus très difficiles pour les pasteurs. L’insécurité, est une vraie plaie. Les éleveurs sont obligés de passer par le goudron pour arriver au marché de bétail. Avec l’insécurité, les FDS ne veulent pas que les animaux passent devant leurs camps », explique le vieil homme. Il précise que ce sont les villages et communes autour de Fada comme Tanwalbougou, Kantchari, Namoungou, Nagré, Gayéri, Bogandé, Matiakoali qui ravitaillaient le marché de bétail. Toutes ces localités sont minées par les terroristes.
Amadou Maïga, président de la fédération régionale des marchands à bétail précise que des pasteurs ont été abattus, leur bétail et argent emportés par des groupes armés, alors qu’ils tentaient de rallier le marché.

Des pasteurs vers de meilleurs pâturages
Du coup, beaucoup ont préféré migré vers d’autres pays. « On pouvait liquider 1000 à 1500, voire 2000 têtes. Maintenant, vendre 500 à 600 têtes même ce n’est pas évident », ajoute Amadou Maïga.
Pourtant comme le reconnait Koudréma Birba, gestionnaire du marché de bétail, c’est un poumon économique de la région et du pays qui suffoque.

Lui, les autres responsables du marché et les usagers saluent néanmoins la résilience des acteurs qui malgré tout, arrivent à faire fonctionner le marché.

C’est pratiquement le dernier rempart pour les acteurs du domaine. Sur plus de 50 marchés de bétail qui fonctionnaient dans la région, il n’y a pas plus de cinq qui fonctionnent actuellement dont celui de Fada.

Un renchérissement des prix

Les routes n’étant plus sures, les commerçants qui venaient d’autres pays pour acheter du bétail se ravisent. Diallo Ali est collecteur des exportateurs du bétail. Pour lui qui exerce ce métier depuis plusieurs décennies, c’est avec amertume qu’il constate que les camions exportateurs qui vrombissaient les jours de marché ne sont plus aussi nombreux. « Rien que pour les camions nigérians, on chargeait 10 à 15 souvent 20. Présentement nous sommes à 5 ou tout au plus 6 par marché ».

Selon lui, à cause de la rareté des animaux, les prix ont connu une hausse. « Un taureau qu’on vendait à 400 000 F CFA, on le vend actuellement à 500 voire 600 000 », remarque-t-il.
Quoi qu’il en soit, le marché à bétails de Fada N’Gourma maintient la flamme de l’espoir dans une zone où l’activité économique est à genou. Chaque année, il renfloue les caisses de la commune à hauteur de plusieurs millions de F cfa.

Tiga Cheick Sawadogo