<strong>Kongoussi : comment l’insécurité affecte l’écoulement de l’or vert</strong>

Kongoussi : comment l’insécurité affecte l’écoulement de l’or vert

L’insécurité qui règne dans une partie du Burkina Faso impacte l’écoulement de la production du haricot vert. A Kongoussi, commune située à environ 115 km de Ouagadougou, certains producteurs, déplacés, n’ont pas récolté.

Les récoltes du haricot vert ont déjà été faites.

Loulouga, Secteur 3 de Kongoussi, commune située à environ 115 km de Ouagadougou. En bordure du Lac Bam, Mahamoudou Kinda a fini depuis quelques semaines les récoltes du haricot vert dans son périmètre de plus de cinq hectares. Bien dans ses bottes, Mahamoudou Kinda est passé superviser des récoltes et surveiller le travail dans son périmètre.

Pour ce maraicher, installé depuis 2013, la moisson du haricot vert a été bonne cette année. Mais, il a eu du mal à écouler sa production. Une partie de la province est sous contrôle des groupes armés. Par prudence, les acheteurs empruntent de moins en moins la route nationale 22 qui mène à la cité du haricot, le surnom de Kongoussi. « Parfois, les acheteuses viennent de Ouagadougou, tu fais sortir ta production pour vendre, mais quand ils entendent qu’il y a attaque, c’est fini. Vous ne pouvez plus vendre », affirme-t-il tout triste comme envahi par des mauvais souvenirs.

Mahamoudou Kinda essai s’adapter au nouveau contexte lié à l’insécurité.

La psychose permanente

Car, il y a une règle non écrite à respecter pour éviter les pertes. La récolte se fait après accord sur le prix de vente avec l’acheteur. « Si elles ne viennent pas pour que nous discutons le prix, ça ne nous arrange pas. Normalement, on devrait discuter avant de faire la récolte. Si vous récoltez sans connaitre le prix du marché, les acheteurs vont ramener ça entre 200 à 250 francs CFA le kilogramme », fait remarquer Kinda. Cette année, il a dû céder parfois pour amoindrir les pertes, faute de débouchés.

La psychose est constante. Depuis les bords du lac, des coups de feu sont souvent entendus à l’autre côté de la rive. Quand c’est ainsi, producteurs et acheteurs fuient le périmètre plusieurs jours durant. « On a parfois passé trois jours sans récolter », soupire-t-il.

Comme si cela ne suffisait pas, les producteurs sont confrontés à la flambée des prix des intrants. La valeur est passée du simple au triple. « Cette année, le NPK [une variété de fertilisants] avoisinait 35 mille francs CFA. D’habitude, on payait cet intrant à 15 mille, 16 milles et quand c’est trop cher à 17 mille. Puis de façon soudaine, ça a commencé à grimper à 25 mille, 30 mille, 32 mille 500, et maintenant 35 mille francs CFA », nous apprend-t-il.

Des producteurs ont tout perdu

L’insécurité dans la province a provoqué un lot important de déplacés estimés à environ 21 mille personnes selon le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR). Parmi eux, des éleveurs qui fournissaient de la fumure organique aux maraichers. Certains éleveurs ont quitté la zone par crainte de la stigmatisation.

« On partait se ravitailler avec les peuhls qui étaient autour. Je pouvais acheter pour 4 mille francs CFA le tricycle chargé. Ce sont eux qui regroupaient les troupeaux. Désormais les peuhls ne sont plus là. Nous avec les petites têtes [ndlr. quelques animaux], on ne peut pas exploiter de grandes superficies », regrette encore le producteur. Selon ses explications l’usage de la fumure organique est importante pour faciliter la régénération des plantes et du sol.

Autre problème, l’approvisionnement en carburant pour alimenter les motopompes pour l’arrosage des plants. L’achat du combustible est soumis à une autorisation à la gendarmerie. Après achat, celle-ci doit vérifier les reçus et la quantité servie.

Lire aussi: Plaine agricole de Goinré : les jeunes tournent le dos au haricot vert

Malgré ces tracas, Mahamoudou Kinda peut s’estimer heureux. D’autres producteurs n’ont pas cette même chance. Alidou Somtoré, originaire de Tanghin à 11 km de Kongoussi a dû abandonner son périmètre d’environ 10 hectares il y a trois mois. « Trois jours avant les récoltes, des hommes armés sont venus nous intimer l’ordre de déguerpir. Nous avons dû partir sans rien prendre. Depuis notre exil, nous repartions travailler. Mais nous avons trouvé un matin qu’ils ont brulé mes motopompes. Alors, j’ai décidé qu’on ne mettre plus pied là-bas », explique avec regret Somtoré.

Ce producteur exportait chaque année, plus de tonnes 60 tonnes de haricot vert au Togo et en Côte d’Ivoire. « J’ai dû renvoyer quatre employés en leur remettant comme dernier salaire 20 mille francs CFA », rappelle-t-il. Alidou Somtoré a tenté de se louer une parcelle cultivable à Kongoussi sans succès. Il n’a pas assez d’argent.

Lire aussi: Burkina Faso, barrage hydroélectrique de Samandéni, l’espoir déchu

Depuis quelques années, cette spéculation est en chute libre. Selon l’Institut national des statistiques et de la démographie (INSD) du Burkina Faso de 2005, le haricot figurait en tête des produits d’exportation dans les années 1980. Le Burkina Faso était le 3e exportateur africain après le Kenya et le Sénégal (INSD) grâce à une production importante depuis les bords du Lac Bam, la plus importante ressource naturelle en eau du pays. Mais les données ont changé depuis.

Le directeur provincial de l’agriculture Yacouba Kaboré reconnait une chute de la production du haricot vert cette année encore. Sa direction a enregistré l’arrivée chaque jour de producteurs qui ont tout perdu. A ce problème d’insécurité, les producteurs du haricot doivent faire face au choc climatique, à l’ensablement du lac Bam et à l’instabilité des prix sur le marché.

 

Boukari OUEDRAOGO