<strong>Ouahigouya : la production maraîchage, ciment de la cohésion sociale</strong>

Ouahigouya : la production maraîchage, ciment de la cohésion sociale

Des déplacés internes de Ouahigouya, nord du Burkina Faso, ont presque tout perdu en quittant leurs localités, souvent dans la précipitation. Dans les communes d’accueils, des populations hôtes leur ont offert des périmètres pour pratiquer le maraichage. Cette initiative, en plus d’être un moyen de résilience économique, reste un rempart à la cohésion sociale entre personnes déplacées et populations hôtes à Ouahigouya.

Moumouni Ouedraogo, déplacé interne de Titao produit de la carotte à Ouahigouya

Une plantation de carotte de la dimension d’un terrain de football. Des deux côtés de la largeur du champ, des pieds de maïs qui portent des épis en maturation. C’est la physionomie du site de production de Moumouni Ouédraogo à Baporé, village situé à une dizaine de kilomètre à la périphérie Est de la ville.  Ce déplacé interne de Titao, à 45km au Nord de Ouahigouya, a bénéficié d’un élan de solidarité dans sa ville d’accueil.

« Cet espace, c’est gracieusement qu’un paysan me l’a offert. Il a vu ma souffrance et il a donné cette portion à mon logeur pour que je fasse du jardinage. Au début j’arrosais à la main », explique-t-il. Avec ce premier coup de pouce inespéré, Moumouni Ouédraogo bénéficié de la générosité d’un autre bon samaritain : « L’année passée il y a un monsieur qui voulait aller à l’aventure et qui m’a offert aussi gracieusement ses tuyaux et sa motopompe». Il ne pouvait pas espérer mieux.

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A une distance d’un kilomètre du site de Moumouni, un autre déplacé produit de la tomate, du piment et du poivron. Ce matin, deux enfants déversent de la fumure organique au pied des plants. Nous sommes sur le site de production de Ali Ouédraogo. Ce dernier a quitté le village de Tougou en décembre 2021 suite aux exactions des groupes armés.

Cet espace, un demi hectare, Ali Ouédraogo l’a obtenu en location. Lui qui jadis ne produisait que de l’oignon est devenu producteur de poivron grâce à l’assistance des populations autochtones. « C’est ma première fois de produire du poivron. Quand on est arrivé ici, on a vu que c’est ce que les gens produisent (Ndlr. Poivron). Donc je me suis associé à un monsieur pour apprendre la production. Pendant la saison pluvieuse j’ai demandé cet espace-là. Effectivement après la récolte le propriétaire m’a appelé et j’ai pris l’espace en location en raison de 70 000fcfa pour les 5 mois de production », détaille Ali Ouédraogo.

Une confiance installée

Les femmes également en ont pour leur compte. A environs trois km du barrage de Goinré, un groupement d’une trentaine de femmes produit exclusivement de la pomme de terre. Ce matin-là, à notre arrivée, la motopompe déverse l’eau dans un bassin. Arrosoir en mains chacune des femmes font des allers et retours entre le bassin et sa parcelle. Là aussi, les personnes déplacées et les autochtones travaillent en parfaite symbiose.

« A vrai dire, nous avons une très bonne collaboration. C’est vrai, à leur arrivée, il y avait la méfiance. Elles aussi elles ne se sentaient pas à l’aise. Mais ça fait déjà 3 ans que nous sommes ensemble. Aujourd’hui c’est la joie. Ici par exemple si tu as un empêchement les autres se chargent d’arroser ta parcelle sans problème »,témoigne Mariam Ouédraogo la responsable des femmes sur ce site.

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Pour faire face au défi de la commercialisation, l’Association professionnelle des maraîchers du Yatenga (ASPMY) s’est dotée de magasins de conservation. Ces magasins peuvent aussi servir aux déplacés internes qui travaillent avec l’association : « L’ASPMY peut stocker la pomme de terre et l’oignon. Une fois que le producteur suit les itinéraires techniques de la production, l’ASPMY s’engage à payer pour l’épargner des difficultés d’écoulement », souligne Boukary Savadogo, président de l’association.

Mais la volonté des PDI de renouer avec la production a besoin d’un accompagnement matériel et financier des autorités administratives. Chose qui pourrait combler rapidement le déficit céréalier que connaît la région à cause de l’abandon de plus de 2000ha de superficie attaque terroriste oblige.

Selon la direction provinciale de l’agriculture, environ une centaine d’hectares a pu être mobilisée pour les déplacés. Cette générosité des propriétaires terriens renforce la cohésion sociale dans la localité.

Patrice Kambou

Collaborateur