Djongo: Puissance et assurance cherchent désespérément jeunes danseurs
Une pleine séance de djongo

Djongo: Puissance et assurance cherchent désespérément jeunes danseurs

Danse guerrière, de démonstration de la puissance et de vivacité, le Djongo a mal à sa relève. Chez les Kasséna, peuple du Centre-Sud burkinabè, les pas exécutés entretiennent et font vivre une identité culturelle séculaire. Mais de plus en plus, les praticiens remarquent avec regret le peu d’intérêt que les jeunes accordent à cette danse qui fait suer.

Sur le terrain de football de Tiébélé, commune située à environ 25 km de Pô, chef-lieu de la province du Nahouri, le son des tam-tams et des flûtes noie le vacarme de milliers de spectateurs réunis pour un match de football. Les pas de danse en parfaite synchronisation des chorégraphes sont scrutés par un public visiblement conquis. Des danseurs rivalisent de vivacité, de puissance tout en sueur. Dans la foule, Frédéric Atiana, élève en classe de Tle A est admiratif. « Ça me plait bien de les voir danser. C’est une source de fierté pour nous. Je me reconnais en eux quand ils dansent», exprime le jeune élève de 18 ans. « Malheureusement je ne sais pas danser. En tant que kasséna je devrais connaitre cette danse, si je savais danser, j’allais faire une démonstration vous allez voir », poursuit-il avec un brin de regret.

La troupe en prestation s’appelle « Kora » (Ndlr. Le fétiche qui protège tout le village) de Tiébélé. Pour le responsable, Michel Dassongo, le djongo et les autres danses kasséna comme le Nagla et le Pézara exigent beaucoup d’engagement physique, alors que les jeunes ne sont plus prêts à suer. « Vous constatez que quand on danse, la terre remue, tremble. Il faut effectivement être costaud et avoir un physique pour danser. Dans le temps, c’était la force (…) c’est en train de changer. Avec la génération actuelle, les jeunes sont paresseux, fainéants, ils ne veulent pas utiliser leurs forces pour couler la sueur et ça fait baisser le niveau. C’est une génération qui aime la facilité», accuse-t-il.

Pas vraiment de paresse, semble lui répondre le jeune Frédéric. Il aurait bien voulu apprendre, mais ayant grandi dans une région loin des siens, le dépaysement culturel a eu raison de sa volonté. Antoine Oussalé batteur de tam-tam n’écarte pas le risque d’une perte progressive de cette identité culturelle kasséna si rien n’est fait. « Quand les jeunes dansent, on ne sent pas beaucoup la chose. Si on ne fait rien, on va perdre ces valeurs. Si j’avais la force et les moyens, j’allais inculquer tout cela aux jeunes, sinon on risque la perte de nos valeurs culturelles », présage-t-il. Mais Antoine dit s’investir pour que la chaine de transmission ne soit pas rompue dans sa famille. « J’ai deux enfants, ils n’ont pas besoin d’apprendre. Quand ils prennent l’instrument seulement, c’est parti ».

La modernisation ou les religions ?

Le danseur Sampana Apouri accuse la modernité d’influer négativement sur les cultures locales. Son avis est partagé par Oussalé Antoine. Par contre pour le responsable de la troupe Michel Dassongo, il y a un autre accusé et pas des moindres : la religion. Il dit avoir constaté que quand les jeunes commencent à fréquenter les églises et les mosquées, ils estiment que les danseurs djongo portent des fétiches. « Le gros problème ce sont les religions », se convainc-t-il.

Il faut dire que le danseur djongo a un accoutrement qui ne passe pas inaperçu. Une sorte de casque avec une corne au somment, parsemé de cauris, un carquois porté en bandoulière, une ceinture en cuire…Mais cela n’a rien à voir avec des fétiches, rassure le responsable de la troupe Kora de Tiébélé. « Dans le temps quand nos parents partaient à la chasse, ils mettaient le casque avec les cornes pour se protéger. Quand tu mets ça tu deviens comme un guerrier, la puissance. Ça ne veut pas dire que ce sont des fétiches. C’est pratiqué depuis longtemps par nos parents…C’est une danse guerrière », explique-t-il.