Le henné, un art de beauté qui peut coûter cher
Avec des banderoles de colle, Latifatou dessine les motifs qui seront visibles après l’application du henné , Ph : Studio Yafa

Le henné, un art de beauté qui peut coûter cher

Localement appelé djabi, le henné est profondément enraciné dans les habitudes de nombreuses femmes burkinabè. Que ce soit pour des occasions festives ou dans la routine quotidienne, il sublime les mains et les pieds de ses adeptes. Dans les marchés, les ateliers ou à domicile, des artisanes font valoir leur talent à travers cette pratique ancestrale. Mais derrière l’esthétique, l’usage de produits chimiques associés au henné peut parfois avoir de graves conséquences.

Dans le quartier Kalgodin  de Ouagadougou, l’atelier d’application de henné de Latifatou Ilboudo grouille de monde. Avec délicatesse, cette artisane du henné trace des motifs sur les mains de sa cliente à l’aide de banderoles de colle. Ensuite, elle applique la pâte verdâtre et couvre le tout d’un sachet noir pour révéler, après quelques heures, une teinte rouge-brun.

Latifatou Ilboudo, artisane du henné depuis 4 ans a des retours positifs de ses clientes, Ph : Studio Yafa

Ce métier, elle l’exerce depuis 4 ans. « J’ai commencé l’application du henné petit-à-petit et maintenant je m’y connais très bien. Certaines clientes viennent avec leurs motifs, et pour d’autres aussi c’est moi qui les leur propose. En tout cas, le métier nourrit son homme », explique Latifatou, l’air concentré. Elle ajoute que ses clientes la recommandent à leurs connaissances après ses services. Une façon de dire que la qualité de son travail est bien appréciée.

Latifatou ne se contente pas de pratiquer. Elle transmet aussi son savoir à des jeunes filles venues se former dans son atelier. Asmao Koala, apprenante d’une vingtaine d’années, s’entraîne depuis un mois sous son aile. « Souvent elle dessine sur des feuilles et on apprend avec. On s’entraîne aussi en dessinant sur nos pieds », explique Asmao, qui envisage d’ouvrir son propre atelier d’ici à un an.

Le henné comme symbole d’esthétique

Des femmes venues appliquer le henné montrent leur satisfaction. Parmi elles, Salamata Ouédraogo qui s’est nouvellement fait appliquer le henné et patiente le temps que le produit fasse son effet. « C’est joli, et en plus ça ne se déteint pas vite », s’enthousiasme-t-elle. Elle apprécie également les motifs personnalisés que Latifatou crée pour chaque cliente.

Une fidèle cliente se fait régulièrement appliquer le henné chez Latifatou, Ph : Studio Yafa

Également une cliente fidèle, dame Sanfo, elle, est en train de se faire appliquer le henné par Asmao. Elle vante la qualité du travail tout en précisant qu’elle n’a jamais eu de problème dermatologique à cause du henné. « Chaque fois que je mets, c’est très bien fait, c’est joli. Je n’ai jamais eu de problème comme des démangeaisons ni rien », affirme-t-elle.

Le henné ne séduit pas que les femmes.  Un homme d’une quarantaine d’années, fervent adepte du henné, y voit un atout pour l’élégance féminine. « Un peu comme le style vestimentaire, le henné est un accessoire qui ajoute de la splendeur à une femme pour son époux. Présentement, ma femme en a mis. Je lui donne l’argent pour ça, parce que ça me fait vraiment plaisir », affirme-t-il, convaincu que le henné renforce l’attirance de sa femme.

Un danger méconnu : les mélanges chimiques

Le henné, extrait des feuilles séchées de la plante Lawsonia inermis, est un produit naturel riche en Lawson, qui donne sa teinte rouge-brun à la peau. Les composantes qui lui sont associées sont entre autres les huiles essentielles, les tanins, les flavonoïdes, les quinones et les coumarines. Pour des motifs plus sombres et éclatants, la paraphénylènediamine qui est une substance de couleur blanche appelée « apollo » dans le jargon est souvent ajoutée. Par contre, ce produit chimique utilisé dans la cosmétique n’est pas sans conséquence, prévient la dermatologue Hadiaratou Gadiaga. Les effets peuvent être immédiats, juste après l’application du produit. Une rougeur, une brulure, des cloques.

Hadiaratou Gadiaga précise que le henné lui-même est naturel. Ce sont les produits chimiques qui lui sont associés qui peuvent avoir des effets secondaires, Ph : Studio Yafa

Les conséquences peuvent aussi être perceptibles plus tard. « On va avoir un eczéma de contact. Ça va se manifester aussi par une rougeur, une douleur, avec des sensations de grattage, avec des cloques qui vont après se flétrir et laisser une desquamation. On peut avoir également une irritation. Là, elle s’étend plus qu’à la zone d’application de l’aîné. Ça va s’élargir plus. Et le problème ici, on peut avoir le choc, un choc anaphylactique (Ndlr. Réaction allergique exacerbée, entraînant dans la plupart des cas de graves conséquences et pouvant engager le pronostic vital)», poursuit la dermatologue.

Se sublimer sans se mettre en danger

Selon elle donc, le choc anaphylactique peut conduire au décès pour les personnes ayant une sensibilité très accrue à cette substance. Pour minimiser les risques en cas de réaction allergique, la dermatologue recommande de laver le site d’application et d’aller voir un dermatologue qui va prescrire des crèmes à base de corticoïdes pour la cicatrisation.

Orner les pieds et les mains pour se rendre belle. Quoi de plus normal pour certaines femmes qui ne se passent pas du henné. Mais les spécialistes de la santé, surtout les dermatologues, conseillent de se garder des mélanges chimiques qui peuvent altérer la peau et causer d’autres problèmes de santé.

Amdiatou Zoma (stagiaire)