Naba Kango n’est pas le premier roi de Ouahigouya, mais son histoire se confond à celle de la ville. Chef intrépide et conquérant, il repose dans la ville qu’il a baptisée Ouahigouya (venez vous prosterner, vous soumettre ), au secteur 7. La tombe de celui qui a régné deux fois est un lieu de tourisme, de pèlerinage et de sacrifice. Mais attention aux interdits!
Quand le guide, Gabriel Ouédraogo dit Siigyo conduit les visiteurs à la place Naba Kango, il rappelle les règles qui sonnent comme des mises en garde. « Il y a des endroits qui sont interdits aux femmes (…) une femme qui accouche ne doit pas mettre les pieds à certains endroits. Une jeune fille qui voit déjà ses règles ne doit pas s’hasarder dans certaines parties ». De quoi faire peur à deux femmes de notre équipe. Elles décident finalement de rester bien à l’écart.

C’est une sorte de jardin circulaire, bordé d’un muret et de quelques arbres sous lesquels on peut voir des bancs de soupir. Au milieu, un monument se dresse, en forme élancée et d’un blanc éclatant. Il repose sur une base encore partiellement dissimulée sous des bâches noires, signe d’un dévoilement à venir. Contrairement à ce que le commun des passants pourrait penser, le monument d’environ 2 m n’abrite pas la tombe de Naba Kango.
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La tombe est juste à côté, à gauche. Non loin du monticule de terre, on peut voir ce qui ressemble à un autel sacrificiel. Sur celui-ci, il y a des traces de sang, et de plumes de poulets. « Si tu arrives ici avec des mauvaises intentions ou un esprit maléfique, la suite ne sera pas bien avec toi », prévient Siigyo qui ajoute que régulièrement des personnes viennent demander des faveurs : maternité, protection, promotion professionnelle. Et si leur vœu se réalise, ils reviennent dire merci, avec un sacrifice.

Il n’est pas seul à y reposer. Deux chefs y sont également enterrés. Les trois ont la particularité de n’avoir pas fait le ringou (pèlerinage que doivent faire les différents rois dans différentes contrées du royaume). Ceux qui ont fait le ringou sont enterrés dans le cimetière royal de Somyaga, à environ 10 km de Ouahigouya.
La tombe de Naba Kango et ses mystères
Le Rassam Naba Yemdé, 4ᵉ ministre du roi du Yatenga, est le garant des coutumes du royaume. Bien au-delà, c’est une bibliothèque de l’histoire du Yatenga. Assis devant sa cour, il explique que Naba Kango fut un chef hors norme. Voilà pourquoi le lieu où il repose est plein de mystères.

« Il a bataillé pour avoir la chefferie. En 1854, il a pris le pouvoir. Ses frères se sont farouchement opposés, il a dû quitter le Yatenga pour aller vers le Mali. Il s’est préparé mystiquement pendant 3 ans. En 1857, il est revenu pour s’emparer du pouvoir, accompagné par plusieurs peuples du Mali », résume le ministre le Rassam Naba Yemdé.
Ainsi, un détenteur de pouvoir ne doit pas contourner le rond-point abritant la tombe. Ceux qui ont transgressé cet interdit en ont payé le prix, croit fermement le Rassam Naba. Il cite, entre autres, le premier président du Burkina, Maurice Yaméogo, du Mali, Modibo Kéita et du Ghana, Kwame Nkrumah qui, en séjour à Ouahigouya, auraient contourné le rond-point et ont perdu le pouvoir quelque temps après.
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« Même pendant la guerre de Noël (Ndlr. Conflit frontalier entre le Burkina et le Mali qui a éclaté le 25 décembre 1985 et a duré cinq jours, impliquant des combats terrestres et aériens), des grenades sont tombées là-bas, mais n’ont pas explosé », ajoute-t-il. « C’est comme s’il voulait toujours prouver qu’il est le chef », résume Naba.
Selon le gardien des coutumes du royaume, un projet de valorisation du site est en cours. Il est prévu différents aménagements pour le rendre plus attractif. Pour que la place Naba Kango continue d’être un lieu de recueillement chargé d’histoire et de mystères augmentant aussi l’offre touristique de la ville.
Tiga Cheick Sawadogo