Drissa Konaté, artisan autodidacte, a commencé par fabriquer des dabas qu’il vendait aux agriculteurs. Après trois années d’essais et d’erreurs, il est parvenu à concevoir ses propres machines agricoles. Une prouesse pour cet inventeur qui n’a jamais fréquenté l’école. Sa trouvaille allège considérablement le travail des cultivateurs. Des dabas aux motoculteurs, à Dédougou, c’est une véritable petite révolution industrielle à la sauce burkinabè.
En grande partie, l’agriculture est traditionnelle au Burkina Faso. Elle repose sur la main-d’œuvre familiale dont l’outil principal est la houe ou daba. Cela se solde par une faible productivité, réduisant ce secteur à une agriculture de subsistance. Mais à Dédougou, un artisan vise à transformer la situation. Drissa Konaté n’a pas eu la chance d’aller à l’école. Aussi, il a appris et fabriquait des dabas. Mais aujourd’hui, il passe à la fabrication d’outils de culture motorisés, à partir de fer, et d’un moteur de groupe électrogène.
« On avait commencé à fabriquer des dabas simples pour les labours et autres. Mais au fil du temps nous nous sommes dit : « Est-ce qu’il n’y a pas d’autres solutions qui pourraient révolutionner l’agriculture locale et qui pourraient soulager nos producteurs ? », raconte l’artisan. Une initiative qui, en effet, soulage les producteurs de la région des Bankuy, anciennement région de la Boucle du Mouhoun.
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Installé au secteur 5 de la ville de Dédougou, Drissa est en plein travail. Dans un pantalon noir et une chemise grise, l’outil à souder en main, il s’affaire à la fabrication d’un motoculteur. Dans son atelier de fortune, ce père de famille et ses employés travaillent sur leurs dernières créations de motoculteurs, un outil spécifique pour cultiver. Côtoyant la cinquantaine, cet artisan nous apprend que son invention d’équipements agricoles motorisés et multifonctions vise à moderniser l’agriculture, améliorer les rendements et faciliter le travail des agriculteurs. Toute chose qui va contribuer à la sécurité alimentaire des ménages et des communautés.
« Ici nous fabriquons des motoculteurs qui fonctionnent avec du diesel et de l’essence. Ces machines peuvent être utilisées pour cultiver les champs, pour le labour, les semis, le buttage et le sarclage, grâce à des ajustements », explique-t-il, tout en précisant que les machines peuvent aussi être utilisées aussi bien dans les jardins que dans les champs de maïs. « Sans oublier qu’on a des machines batteuses pour diverses céréales telles que le maïs, le riz, le mil et le sorgho, ainsi que pour des cultures comme le niébé et le soja », ajoute Drissa Konaté.
Trois ans à se tromper et à recommencer
Les résultats auxquels il est parvenu font suite à un vrai parcours du combattant. De fait, à l’en croire, cela fait 3 ans qu’il s’est investi dans la recherche et la conception de matériels et d’équipements agricoles. « Pendant trois années ce n’était pas facile. On fabrique, après on voit que ce n’est pas ce qu’on voulait, on détruit et on refait. Les gens n’arrivaient pas à nous comprendre, mais on savait ce qu’on faisait, jusqu’à ce qu’on arrive à confectionner les modèles qu’on voulait », se rappelle Drissa.

Pour cette campagne agricole, le jeune agriculteur Sylveste Dayo expérimente l’un des motoculteurs locaux, fabriqués dans l’atelier de Drissa. Il atteste que la machine lui permet de travailler de plus grandes surfaces en moins de temps.
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« J’admire beaucoup, parce que ça travaille. Mes six hectares, j’ai fait ça pratiquement au bout d’une semaine. Comme ça prend du gasoil, pas trop cher, ça consomme moins. Donc actuellement même, je suis en train d’enlever les mauvaises herbes. En tout cas, pour les labours, là, j’ai déjà fait ça il y a longtemps », se satisfait l’un des clients de Drissa.
La fabrication locale de motoculteurs est une activité qui contribue à générer des opportunités d’emploi, selon Moussa Séré, directeur provincial de la Jeunesse et de l’Emploi de la Boucle du Mouhoun. Selon lui, le gouvernement a mis en place plusieurs structures pour accompagner les travailleurs de l’économie informelle, notamment des artisans comme Drissa Konaté.
« Il existe aujourd’hui un Conseil national de l’économie informelle, avec des structures dans tout le pays », explique le directeur provincial. Il précise que des programmes comme Faso-Kuna-Wili ou Jeunes entrepreneurs de métiers permettent à ces acteurs d’avoir accès à des financements et de mieux valoriser leurs activités.
Le prix d’un motoculteur conçu dans l’atelier de Drissa varie entre 450 000 et 750 000f CFA l’unité. Les pièces de rechange sont disponibles et le service après-vente est assuré.
Boureima Dembélé