Centre agricole Sainte famille de Goundi, l’école de la seconde chance pour des jeunes

Centre agricole Sainte famille de Goundi, l’école de la seconde chance pour des jeunes

A sept kilomètres de Koudougou, sur la route qui mène à Dédougou, se niche un centre pas comme les autres. Ici, dans le calme de Goundi, des adolescents venus de tous horizons reprennent confiance en eux en apprenant un métier. Agriculture, élevage, menuiserie, soudure… le Centre agricole de la Sainte-Famille offre une seconde chance à ceux que la vie semblait avoir laissés au bord du chemin.

Ambiance studieuse dans un champ de haricots. Avec trois autres camarades, Kader Porgo est aux prises avec les mauvaises herbes. Le soleil ardent ne semble pas entamer leur détermination. Sur la même ligne, dabas en main, ils cultivent en bavardant gaiement. On peut entendre le bruit des labours à une certaine distance.

Kader Porgo, au premier plan, se construit une nouvelle vie au centre, Ph : Studio Yafa

Kader Porgo, 19 ans, est bien loin des champs familiaux de Ouahigouya, dans le nord du Burkina. C’est son père qui l’a envoyé ici, au Centre agricole de la Sainte-Famille. Pour celui qui était commerçant à Ouahigouya, l’adaptation s’est faite sans peine grâce aux pensionnaires avec qui il a vite noué des liens d’amitié. « J’ai trouvé que l’agriculture, c’est plus avantageux. Ici, j’ai appris à faire une planche, à repiquer l’oignon, la tomate, à préparer une pépinière. Côté élevage, on m’a appris à entretenir les poussins, à tenir un poulailler », explique-t-il, le regard concentré sur la terre.

« Mon père a estimé que c’était mieux pour moi. Dès que je finis, avec un peu de moyens, j’aimerais ouvrir mon jardin. Les frères nous parlent souvent des anciens qui ont réussi. Certains reviennent même nous conseiller. Ça donne envie », ajoute Kader, déterminé.

Une terre d’apprentissage

Depuis plus de soixante ans, le Centre agricole de la Sainte-Famille de Goundi accueille des adolescents en difficulté. Créé par les Frères religieux de la Sainte-Famille, il a longtemps servi de refuge aux enfants atteints de poliomyélite.

Le frère Albert Sandwidi devant la porcherie du centre, Ph : Studio Yafa

« Il a été ouvert pour s’occuper des enfants en difficulté. Au début, c’étaient ceux atteints de la poliomyélite. Ils n’étaient pas pris en compte au niveau de l’enseignement ni de l’éducation », raconte le frère Albert Sandwidi, responsable du centre depuis quatre ans. « Mais la maladie a reculé, et notre mission s’est élargie. Aujourd’hui, nous recevons des jeunes déscolarisés, orphelins ou issus de familles précaires », poursuit-il.

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Le centre s’étend sur dix hectares. Les jeunes y apprennent l’agriculture et l’élevage. Sur une extension située à quelques kilomètres, d’autres se forment à la menuiserie, à la soudure ou à l’électricité. La formation dure trois ans, rythmée par les saisons, les récoltes et les ateliers pratiques. En système internat, les frais de formation s’élèvent à 120 000 F CFA par an.

« La première année, c’est l’agriculture et l’élevage. Ensuite, certains partent à Laafi Zinga, notre second centre, pour apprendre la menuiserie ou la soudure », précise le frère Albert. Au bout de ces années, chaque apprenant repart nanti de compétences pour voler de ses propres ailes. Tous reçoivent une attestation et, pour certains, le Certificat de qualification professionnelle (CQP) délivré par l’État.

Former par l’exemple

Béranger Bambara est formateur en agriculture et en élevage au centre. Depuis quinze ans, ce laïc encadre les jeunes avec passion. Ce matin-là, il ne se contente pas de donner des instructions. Binette en main, il redresse les jeunes pousses d’oignons, désherbe et remue la terre.

« Je le fais parce que comme c’est une formation pratique, il faut donner l’exemple. La formation passe mieux par cette méthode-là », confie-t-il avec humilité. Mais derrière le calme du centre, les encadreurs font face à des défis quotidiens. « De temps en temps, on se tiraille, mais à la fin, on arrive à s’entendre. Ce sont des jeunes, souvent distraits. Il y a des cas d’indiscipline », sourit Béranger, avant d’ajouter comme une circontance atténuante, : « ce sont encore des enfants parfois, alors l’amusement prend souvent le dessus ».

Les difficultés n’entachent pas la volonté de Béranger Bambara à partager son savoir aux plus jeunes, Ph : Studio Yafa

Certains pensionnaires n’ont jamais été scolarisés. D’autres ont quitté l’école parce qu’elle ne leur convenait pas. Et quelques-uns arrivent après des expériences plus difficiles. « Il y a des jeunes qui ont touché à la drogue. Quand ils arrivent ici, il faut du temps pour les conscientiser, leur faire comprendre que ce n’est pas la bonne route. D’autres, quand ils voient qu’ils ne peuvent plus se procurer leur dose, finissent par partir. L’an passé, quatre ou cinq sont repartis », regrette le frère Albert.

Souvenir dans un présent plein de reconnaissance

À Koudougou, non loin du centre médical, trois ouvriers soudent bruyamment des portes métalliques. Le patron, un homme trapu, leur demande de baisser le ton. C’est Sidlaboum Vincent Kinda, ancien pensionnaire du Centre agricole de Goundi. Depuis 1995, il dirige l’atelier de soudure Nabonswend, aujourd’hui une référence locale.

Sidlaboum Vincent Kinda, en rouge est reconnaissant au centre pour l’opportunité d’une vie, Ph : Studio Yafa

« Moi, je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école. On est venu directement du village au centre. À l’époque, on disait que le centre était pour les délinquants », se souvient-il, avec un sourire en coin.

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Entre 1990 et 1993, il apprend d’abord la menuiserie, puis la soudure. « J’avais choisi la menuiserie, mais nous étions nombreux. J’ai préféré aller en soudure, que les autres trouvaient trop difficile. Ceux qui venaient de la ville disaient que ça faisait mal aux yeux », raconte-t-il en riant.

Aujourd’hui père de quatre enfants, il dit être reconnaissant aux les Frères pour la chance de sa vie . En retour, il accueille des jeunes dans son atelier et retourne souvent au centre pour encourager les apprenants.

Le jeune Pascal Kévin Kaboré compte travailler à son compte dans quelques années, Ph : Studio Yafa

Retour au centre. Pascal Kévin Kaboré, 14 ans, s’affaire autour des plants de bananiers. Originaire de Léo, il a été conduit à Goundi par sa mère après avoir déclaré qu’il ne voulait plus aller à l’école. « J’ai quitté l’école parce que je ne voulais pas continuer. Je voudrais devenir éleveur pour m’occuper des poulets et des porcs », confie-t-il.

Même si la chaleur familiale lui manque parfois, Kévin peut compter sur le soutien de ses formateurs, de ses camarades et sur les précieux conseils des anciens pensionnaires, comme Sidlaboum Vincent Kinda. À Goundi, il apprend qu’il existe toujours une autre voie et que la terre, parfois, peut-être une école.

Tiga Cheick Sawadogo