A Bobo-Dioulasso, Daouda Sanou transforme le métier de fossoyeur en mission humanitaire
Daouda Sanou pratique son métier de fossoyeur avec passion. Photo: Studio Yafa.

A Bobo-Dioulasso, Daouda Sanou transforme le métier de fossoyeur en mission humanitaire

Longtemps relégué dans l’ombre et souvent entouré de tabous, le métier de fossoyeur se transforme sous l’impulsion d’un homme. Daouda Sanou, surnommé avec affection l’homme du cimetière. Depuis huit ans, ce jeune Bobolais insuffle une nouvelle dimension à cette profession méconnue, la faisant passer du simple creusement de tombes à une véritable mission sociale et humanitaire.

Cimetière municipal, route de Banakeledaga. Nous sommes à Bobo Dioulasso, la 2ᵉ ville du Burkina. Dans cet endroit chargé de gravité, Daouda Sanou et quelques jeunes s’attellent à creuser une tombe. Les coups de pioche et des pelles retentissent. Dans peu de temps, la dernière demeure sera prête pour accueillir un défunt. Depuis maintenant 8 ans, creuser des tombes est le quotidien de Daouda Sanou.

Dans ce cimetière comme dans d’autres, Daouda et ses camarades aident les familles éplorées en période difficile, Ph : Studio Yafa

Tout a commencé un jour d’enterrement. Daouda se souvient : « C’est lors d’un enterrement que j’ai vu qu’il y avait des étrangers qui étaient dans des difficultés … ils n’avaient personne à Bobo pour les aider à enterrer leur corps. Je les ai aidés avec les amis du quartier. Le lendemain, je me suis dit : pourquoi ne pas consacrer mon temps à cette tâche, puisque c’est une bénédiction ? ».

C’est ainsi qu’il a trouvé sa vocation. Aujourd’hui, armé de pioches, de pelles et parfois de machettes, Daouda arpente les cimetières de Bobo-Dioulasso pour offrir plus qu’un service.

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Pour beaucoup, le fossoyeur reste associé à l’argent ou au travail physique. Pour Daouda, c’est tout autre chose. « Certains sont là pour l’amour de Dieu, d’autres pour l’argent, mais le vrai fondement de ce travail, c’est de s’occuper du cimetière avant de penser à soi », explique-t-il. Sa mission dépasse largement la rémunération. C’est un engagement citoyen, un acte d’humanité.

L’action de Daouda ne se limite pas au creusement des tombes. Il intervient également pour accompagner ceux qui n’ont pas de famille à Bobo, aider à laver le corps des défunts ou organiser rapidement des inhumations pour les familles dans l’urgence.

L’impact de Daouda Sanou va bien au-delà de son travail individuel. Grâce à un simple groupe WhatsApp, il a réussi à fédérer 27 personnes, parmi ses amis, voisins et collègues, autour de cette mission unique. Ensemble, ils partagent l’effort et la responsabilité de préserver la dignité des défunts.

Sayouba Tiemtoré est conducteur de corbillard et membre de cette équipe. Pour lui, Daouda est bien plus qu’un collègue.  « C’est l’incarnation du bon samaritain. Il montre l’exemple de solidarité et d’humanité que beaucoup devraient suivre », apprécie-t-il. Cette chaîne de solidarité transforme le cimetière en un espace où l’humain prime sur le reste.

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Le travail de Daouda n’a pas échappé aux responsables locaux. Laurent Kontogom, président de la délégation spéciale de Bobo-Dioulasso, salue son courage et son dynamisme.  « L’œuvre qu’il fait est véritablement à saluer. Il nous a alertés sur l’état des infrastructures, le mur défectueux du cimetière et les risques d’un site non balisé. C’est un engagement unique, une contribution exceptionnelle à la vie citoyenne de notre ville », apprécie le premier citoyen de la ville de Bobo.

Toujours soucieux du bien-être des visiteurs et des familles, Daouda a financé l’achat de quatre bâches pour offrir de l’ombre et une protection contre la pluie lors des inhumations. Un geste symbolique, mais qui traduit parfaitement son engagement envers l’humain et la dignité des défunts.

D’ailleurs, il invite la population à participer activement à l’entretien des cimetières et à respecter ces lieux sacrés que sont les cimetières. Pour lui, la gestion d’un cimetière est une responsabilité collective. Aujourd’hui, l’homme du cimetière n’est plus seulement un fossoyeur. C’est un héros discret mais indispensable.

Studio Yafa