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« Thomas Sankara, le retour », au Musée national, une exposition pour redécouvrir l’homme derrière le mythe
« Thomas Sankara, le retour ». C’est le thème de l’exposition proposée par le Musée national du Burkina Faso. Loin des clichés et des slogans, l’exposition iconographique invite les visiteurs à explorer Sankara autrement. Un Sankara humain, enfant curieux, patriote précoce. Bien avant d’être le chef d’État charismatique qui continue d’impacter, 38 ans après sa mort.
Dès l’entrée, le ton est donné. La scénographie débute symboliquement depuis la porte principale du Musée national, qui fait face au boulevard Thomas Sankara. Le visiteur est accueilli par la voix du président, diffusée en boucle à travers ses discours les plus marquants.
Une fois à l’intérieur, des fûts vides recouverts de pagnes koko dunda et Faso danfani forment une haie d’honneur pour le visiteur. Ces fûts représentent aussi des outils de médiation jalonnant le parcours du Président-capitaine. Douze au total, comme le nombre de ses compagnons tombés avec lui au Conseil de l’Entente, le 15 octobre 1987.
Chaque étape de la vie de Thomas Sankara est résumée par ces outils de médiation, 16 octobre 2025, Studio Yafa
Dans la salle d’exposition, le visiteur est accueilli par des photos regroupées par thématiques. Enfance, vie familiale, formation militaire, carrière professionnelle, engagement politique, libération de la femme, émancipation de l’Afrique… Des documents, certains manuscrits et signés de la main du capitaine, sont également exposés. Et au milieu de la salle, la fameuse guitare rouge et le pistolet automatique du président révolutionnaire s’offrent à la vue des visiteurs, qui entrent alors dans son intimité.
Sankara raconté autrement
Dans cette atmosphère à la fois solennelle et intime, les visiteurs découvrent un Sankara plus personnel, plus accessible. Déo Gracias Gaëlle Kaboré vient de finir la visite. Bien qu’elle ait lu des livres et vu des documentaires sur Sankara, elle dit ressortir de cette exposition avec un regard neuf sur l’homme.
« L’exposition aborde une partie moins médiatisée de Sankara. On a plongé dans son enfance, on a refait le parcours avec plus de détails. Par exemple, on sait qu’il portait le nom Ouédraogo entre temps », confie-t-elle, l’air enthousiaste. Sur les murs, des images d’un Sankara enfant habillé en Faso danfani attirent particulièrement son attention.
La guitare et le pistolet de Thomas Sankara sont exposés, 16 octobre 2025, Studio Yafa
« Depuis l’enfance, il avait cette fibre patriotique. On le voyait déjà en Faso danfani. On sent une cohérence entre l’enfant qu’il était et l’homme qu’il est devenu. Ce qui m’a le plus touchée, c’est l’authenticité de l’être humain. Il ne s’est pas donné un rôle, c’était une suite logique », poursuit-elle. Lorsqu’elle apprend que Sankara avait voulu devenir chirurgien et qu’il s’interdisait de fumer, de boire ou même de consommer du café pour éviter les mains tremblantes en cas d’opération, elle sursaute de surprise. Médecin de formation, elle en tire une promesse : « La partie de Sankara qui voulait être médecin, on va essayer de la réaliser finalement ».
Depuis le vernissage, le Musée national est devenu un carrefour où se croisent plusieurs nationalités, toutes venues redécouvrir Sankara autrement. C’est le cas de Fabrice, visiteur nigérien. « On entend souvent parler de Sankara de façon générale, mais ici j’ai découvert l’homme dans toute sa dimension humanitaire. Le guide nous a expliqué les étapes de sa vie, depuis le primaire jusqu’à sa formation militaire », se réjouit le jeune visiteur.
Fabrice, en lunettes, attentif aux explications du guide en jaune, 16 octobre 2025, Studio Yafa
Ce qu’il retient surtout, c’est la cohérence entre les idées et les actes. « On pensait que le Faso danfani, c’était juste un symbole du pouvoir. Mais non, c’était une idéologie qu’il portait depuis l’enfance ».
Au cœur de cette effervescence, Ouattara Oumar, guide au musée, ne cache pas sa satisfaction malgré le rythme soutenu. « Nous enchaînons les visites depuis l’ouverture. Il faut aller au-delà du simple discours, rendre la visite interactive. Les gens posent beaucoup de questions », explique-t-il, sans la moindre plainte. Mieux, cela le motive. « Depuis la conception de l’exposition, nous sentons une véritable attente. Ses idées continuent d’inspirer, d’impacter positivement les gens », remarque le guide.
Selon Lompo Boun-djoa Mickaël, directeur des expositions et de la médiation du Musée national, il s’agit d’une première dans l’histoire du musée qu’une exposition soit exclusivement consacrée à Thomas Sankara. « Il faut l’humaniser. C’est d’abord un être humain. Au-delà des actions politiques, il faut montrer sa face humaine, à travers des anecdotes et des fragments de vie », insiste le Directeur qui précise que cette exposition est le fruit d’un travail d’un an, combinant recherches documentaires et témoignages de proches du président.
Lompo Boun-djoa Mickaël, directeur des expositions et de la médiation du Musée national, 16 octobre 2025, Studio Yafa
Au-delà de Thomas Sankara, le parcours rend aussi hommage à des figures contemporaines du Burkina. Des hommes et des femmes qui ont prolongé ou qui prolongent, à leur manière, l’esprit sankariste à travers leurs actions. Norbert Zongo, le journaliste assassiné ; Béatrice Sanon, la policière intègre qui refusa des millions proposés par un braqueur ; ou encore Yôrô, le volontaire pour la défense de la patrie tombé sur le champ d’honneur. « Le retour, c’est toutes les actions inspirées du vécu de Sankara ou la prolongation de ses idéaux. Ce sont ces personnes qui se battent nuit et jour et rappellent son combat », explique le directeur.
Prévue pour durer un mois, l’exposition pourrait être prolongée jusqu’en décembre 2025.
Tiga Cheick Sawadogo
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