A Banfora, derrière les barreaux, les détenus reprennent goût à la terre
Des prisonniers en train de cultiver dans un champ à Banfora. Photo Studio Yafa.

A Banfora, derrière les barreaux, les détenus reprennent goût à la terre

A Banfora, dans la région des Tannounyan, les détenus de la maison d’arrêt et de correction participent à un projet agricole inédit. Sur une superficie de 25 hectares, ils cultivent du maïs dans le cadre de travaux d’intérêt général visant à renforcer leur réinsertion sociale et l’autosuffisance alimentaire du centre pénitentiaire.

Il est 10 heures passées. Nous sommes à une dizaine de kilomètres de Banfora, dans la région des Tannounyan. Ici, sur une vaste plaine dorée de 25 hectares, les pensionnaires de la maison d’arrêt et de correction se sont mués en agriculteurs. Pelles, houes et machettes en main, ils participent à une expérience inédite. C’est pour produire du maïs pour nourrir la prison et se reconstruire. Malgré la chaleur qui pèse sur les épaules, les détenus poursuivent le désherbage du champ.

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Entre les rangées bien alignées, Amadou Sirima, accroupi, mains plongées dans la terre noire. Il fait partie des détenus retenus pour cultiver dans ce champ. « Le matin, on se réveille et on s’apprête. Ils viennent nous chercher en véhicule. On boit du café chaud et on mange à midi aussi. Ils nous apportent à manger et on continue le travail », raconte-t-il.

Cinq années derrière les barreaux. Cinq longues années à tuer le temps entre quatre murs. Mais depuis quelques mois, Amadou revit. « Arrivé en prison, on a compris que la terre est riche et que l’agriculture a ses bienfaits », explique-t-il.

Car, quitter un temps la prison pour mener des activités a des bénéficies. Il diminue le stress et l’enferment. « Depuis qu’on a commencé ce travail, le nombre de malades a diminué. On se sent mieux, physiquement et moralement. Et puis, ça nous prépare à la vie dehors », ajoute-t-il.

Un projet pour apprendre, produire et se réinsérer

A Banfora, c’est une première. Les détenus participent à une production agricole à grande échelle. Le champ de maïs, mis à disposition par la Société sucrière de la Comoé (SN-SOSUCO), s’inscrit dans le cadre des travaux d’intérêt général initiés par la direction de la Maison d’arrêt et de correction de Banfora (MACB). Sous les tiges hautes et verdoyantes, la promesse d’une belle récolte se dessine. Pour Dialenli Yoni, directeur de la MACB, le projet répond à un double objectif. Il s’agit de nourrir et former les détenus.

« Les autorités actuelles veulent que les prisons soient des lieux de formation professionnelle. Que le temps passé ici soit utile. Grâce à la SN-SOSUCO, nous avons obtenu ces 25 hectares pour initier nos pensionnaires à l’agriculture. Cela contribue à leur apprentissage, mais aussi à leur bien-être »

Chaque matin, 200 détenus, en majorité des jeunes, quittent les murs du centre pénitentiaire pour rejoindre le champ. Encadrés par des gardes de sécurité pénitentiaire, ils travaillent dans une ambiance d’entraide.

Une collaboration porteuse d’espoir

Pour la SN-SOSUCO, cette initiative dépasse la simple mise à disposition d’un terrain. Elle répond aussi de sa responsabilité sociale. « La terre nourrit son homme », affirme Djakalidja Hema Ouattara, directeur générale de la société. Elle d’ailleurs déjà constaté des effets positifs de cette mesure sur la vie de ces prisonniers. « Ce projet est une première dans la région, et il réussit. Les détenus sont heureux d’être dehors, de se sentir utiles. Sur le plan psychologique et sanitaire, les effets sont visibles. C’est une initiative à encourager partout au Burkina ».

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Parmi les participants, Aziz Kankan. Condamné à 33 mois, il mesure la valeur de cette activité. « Personne ne voudrait revenir en prison, que ce soit dans cette vie ou une autre. Mais au moins ici, on apprend quelque chose. Être au dehors, respirer l’air libre, ça fait du bien. Et même en détention, on apporte une pierre à la construction du Faso que nous aimons tous », dit-il.

Les premiers épis sont presque prêts à être récoltés. Dans quelques semaines, le maïs récolté rejoindra les cuisines de la maison d’arrêt pour nourrir les détenus. Aucune estimation officielle des rendements n’a encore été faite, mais déjà, la satisfaction se lit sur les visages.

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Daboukoye Héma

Correspondant