A Sabou, dans la région du Nando, un centre œuvre pour la récupération des enfants malnutris. Il organise régulièrement des séances de démonstration de préparation de bouillie améliorée à base de céréales locales. Dans ce milieu rural où la malnutrition rime généralement avec pauvreté, les enfants retrouvent la vigueur grâce à des solutions simples, endogènes, mais d’une efficacité à redonner le sourire aux nourrissons et à leurs parents qui, pour certains, avaient perdu espoir.
Martine Nébié a 13 mois, est orpheline. Sa mère est décédée peu après sa naissance, dans un pays voisin. La petite a été confiée à sa tante, Alizèta Nébié, qui vit dans un village proche de Sabou. Martine Souffre de malnutrition sévère. Elle bénéficie d’un accompagnement à la pédiatrie du district sanitaire Saint-Maximilien-Kolbe de Sabou. « Elle a souffert. Comme sa maman est décédée, elle n’a pas tété. Quand je l’ai amenée ici, je ne savais pas qu’elle survivrait. On a passé huit jours en hospitalisation », confie sa tante, le regard désormais apaisé.

Nous sommes jeudi, jour de préparation et de dégustation au district sanitaire Saint-Maximilien-Kolbe de Sabou. Sous un grand hall, Martine Nébié est blottie dans les bras de sa tante. D’autres femmes sont assises sur des nattes ou des bancs. Elles tiennent leurs nourrissons. Certains sont amaigris, d’autres pleurent sans s’arrêter malgré les câlins maternels.
La bouillie qui redonne vie
C’est Claire Dakyo, éducatrice depuis cinq ans dans ce centre, qui anime la démonstration. « Ça aide les enfants. La bouillie est très riche. Nous leur apprenons comment tenir l’enfant, comment préparer la bouillie », explique-t-elle après la séance. Claire a vu passer des enfants pour qui tout semblait perdu, Mais en bonne éducatrice, elle a toujours le mot qu’il faut. « Nous sommes souvent touchées par ces situations. Nous encourageons les femmes, même si parfois c’est difficile. Quand l’enfant prend bien la bouillie, dès le lendemain on sent déjà une amélioration », poursuit l’éducatrice.

« La bouillie a sauvé mon enfant. Il mange bien. Son poids s’est nettement amélioré. Il a 6 kg maintenant, alors qu’il en avait 2 », témoigne Ruth Nikiéma, mère de Zongo Élisabeth, 9 mois. Ruth qui est originaire d’un village situé à 6 km de Sabou ne manque aucune séance du jeudi depuis six moi. C’est lors d’une pesée de routine que la malnutrition de sa fille a été découverte.
« A la pesée, on a trouvé que le poids de l’enfant était trop faible. On nous a hospitalisés, donné du lait. Elle a même été transfusée. Fréquemment, nous venons et on nous donne du chocolat. Ça s’améliore beaucoup., », dit-elle, en regardant son enfant avec satisfaction.
Même constat pour Wendyam Cheick Abdoul Mohamine Zongo, 7 mois. « Il ne buvait même plus la bouillie. On l’a hospitalisé une semaine », se souvient sa mère, Balkissa Sedogo. De 5 kg, il est passé à 7,4 kg. Le but des démonstrations est que les mamans puissent, une fois rentrées chez elles, préparer elles-mêmes la bouillie. « On dit de griller le mil, le haricot, l’arachide. Ensuite on doit tout moudre et faire la bouillie », résume Ruth Nikiéma, fière d’avoir appris la recette.
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Véronique Kaboré, attachée de santé et surveillante de l’unité de pédiatrie, supervise le programme. Le centre prend en charge aussi bien les malnutritions aiguës modérées que sévères, selon des rendez-vous réguliers. « Nous privilégions les aliments locaux faciles d’accès. Si on utilise le maïs, on y ajoute du soja ou du haricot plus de l’arachide. On peut aussi enrichir avec de la farine de poisson sec, du tourteau d’arachide ou de la spiruline », explique-t-elle.

L’assaisonnement peut être complété par un peu d’huile, de sel ou de poudre de pain de singe. « Ces compléments aident les enfants à récupérer. Parce qu’une fois malnutri, l’enfant perd son immunité », poursuit-elle.
La solution localement
Les ingrédients sont choisis selon leur disponibilité et leur coût abordable. « On peut trouver ces céréales dans ce milieu, c’est accessible. Sinon, le fonio aussi est très nutritif, mais dans notre localité, c’est difficile de trouver du fonio » explique l’attachée de santé. « Ce sont des choses qui ne sont pas chères. J’ai ça à la maison », confirme la mère de Wendyam Cheick Abdoul Mohamine Zongo, comme pour confirmer l’accessibilité de ces aliments.

« Ce sont des choses qu’on trouve facilement ici. J’ai tout ça à la maison », confirme Balkissa Sedogo. Patate douce, purée d’igname, soupe de feuilles d’épinards… Autant d’aliments nutritifs que le centre pourrait conseiller, mais souvent inaccessibles pour des familles précaires.
En attendant le prochain rendez-vous
La séance de sensibilisation de ce jeudi est terminée. Place à la dégustation. Certains enfant se font prier pour avaler des bouchées. Latifatou Zongo, 7 mois, elle, a visiblement l’appétit. Elle enchaîne les cuillerées de bouillie, sous le regard satisfait de sa mère, Zalissa Bonkoungou. « Quand j’ai appris que mon enfant avait la malnutrition, j’étais déçue. Ses pieds étaient devenus tout petits. Il était flasque. J’ai eu peur. Il ne pouvait même pas s’arrêter », disait-elle quelques temps avant. Avec cet appétit, elle a espoir, comme la tante de Martine Nébié que son enfant retrouvera la plénitude de sa forme.
La malnutrition non ou mal soignée peut entraîner la mort, préviennent les spécialistes de la santé. Les survivants, eux, ont des retards de croissance et réussissent très peu à l’école. « Physiquement malnutris, mentalement malnutris », résume Véronique Kaboré.
Tiga Cheick Sawadogo
