Cendrine Nama et Oumar Ouarma, deux anges gardiens pour les enfants en situation de rue à Ouaga et à Bobo

Cendrine Nama et Oumar Ouarma, deux anges gardiens pour les enfants en situation de rue à Ouaga et à Bobo

Dans les rues de Ouagadougou comme dans celles de Bobo-Dioulasso, des enfants grandissent loin de la chaleur d’un foyer, exposés à la mendicité, à l’errance et à l’indifférence. Une dame et un homme agissent, chacun à sa manière, mais avec la  même conviction. Cendrine Nama et Oumar Ouarma ont fait de la solidarité un engagement quotidien. Les enfants en situation de rue trouvent en eux une oreille attentive, un repas chaud et, surtout, une chance d’avenir.

Tout commence par une nuit tardive à Ouagadougou. En sortant d’un restaurant, aux environs de 23 heures, Cendrine Nama est interpellée par de très jeunes enfants venus mendier. Une image qui la bouleverse.  « Ce qui m’a choquée, c’est qu’ils étaient trop petits pour être dehors », se souvient la musicienne et entrepreneure.

Plutôt que de donner une aumône et de s’en aller, elle s’arrête, questionne, écoute. Les enfants racontent leurs histoires, leurs nuits passées dehors, leur quotidien d’abandon. Cette rencontre devient un déclic. Très vite, Cendrine Nama commence à revenir régulièrement vers eux. Trois jours par semaine, elle prépare des repas qu’elle distribue à plusieurs dizaines d’enfants, parfois une centaine.

Mais pour elle, l’essentiel n’est pas seulement dans l’assiette. « L’idée, c’est d’abord de leur offrir ce dont tous les enfants ont besoin : une oreille attentive », explique-t-elle.

À plusieurs centaines de kilomètres de là, à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays, Oumar Ouarma pose pratiquement les mêmes gestes. Artiste peintre, il partage depuis des années des repas avec les enfants mendiants, souvent appelés garibous. Chez lui, la solidarité est presque une seconde nature.

« Depuis que je suis petit, les mendiants venaient à la maison. Au lieu de leur donner la nourriture, je les invitais à manger avec moi. J’ai toujours pensé que ce sont des enfants comme les autres », confie-t-il.

Penser solutions durables

Entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, les contextes diffèrent, mais les réalités se rejoignent. Rejet social, précarité, manque de perspectives. Et face à cela, Cendrine Nama et Oumar Ouarma partagent la même approche humaine.

Au fil du temps, leur engagement a dépassé le simple partage de repas. À Ouagadougou, Cendrine Nama s’implique, en collaboration avec les services sociaux, pour retirer durablement les enfants de la rue. Mais elle reconnaît que ce n’est pas toujours évident. Surtout quand il s’agit de les envoyer apprendre un métier dans un centre de formation.

« Les centres d’accompagnement suivent les enfants pendant un, deux, parfois quatre ans. Mais après, il faut penser à l’après. On ne peut pas les renvoyer à la rue », souligne-t-elle.

Elle raconte avoir hébergé certains enfants pendant plusieurs mois, financé leur placement en centre, aidé à la reconstruction de la maison d’un parent afin de permettre une réinsertion familiale. Un engagement total, parfois lourd émotionnellement. Elle se souvient notamment de ce père qui, une semaine avant son décès, lui confia son enfant en lui disant simplement : « Ah, tu sais, cet enfant, c’est nous qui l’avons mis au monde, mais c’est ton enfant ».

Un avenir hors des rues

A Bobo-Dioulasso, Oumar Ouarma agit, lui, sur un autre levier. L’autonomie par le travail manuel et la créativité. Convaincu que l’avenir passe aussi par l’apprentissage, il initie les enfants à la peinture à travers des ateliers réguliers.

« Ça fait bientôt quatre ans que je leur apprends la peinture. Mon objectif, c’est de créer un centre où ils pourront aussi apprendre la poterie, le bronze, pour qu’ils sachent faire quelque chose de leurs dix doigts », explique l’artiste. Pour lui, l’art devient un outil d’émancipation, un moyen de redonner confiance à ces enfants.

Aujourd’hui, les résultats de ces engagements se lisent dans les parcours de vie. Plusieurs des enfants accompagnés par Cendrine Nama ont quitté la rue. Certains sont devenus entrepreneurs, d’autres sont mariés, pères de famille ou diplômés. « Ils m’ont promis qu’un jour, ils m’inviteraient au restaurant où je les ai rencontrés. Cette fois-là, ce sont eux qui paieront la note », raconte-t-elle avec émotion.

Bien que séparés géographiquement, Cendrine Nama et Oumar Ouarma avancent sur le même chemin. Parfois, il suffit d’un repas partagé, d’une écoute sincère ou d’un pinceau tendu pour ouvrir la voie vers un avenir loin de la rue.

Studio Yafa