« Les maths ne sont pas difficiles », assure Géneviève Barro, mathématicienne burkinabè

« Les maths ne sont pas difficiles », assure Géneviève Barro, mathématicienne burkinabè

Première femme professeure titulaire de mathématiques au Burkina Faso, Géneviève Barro transmet sa passion pour cette discipline aux étudiants, en particulier les jeunes filles. Selon cette enseignante, il est nécessaire d’appliquer une bonne pédagogie pour enseigner les matchs aux élèves et étudiants.

Qu’est-ce qui vous a motivé à faire les mathématiques ?

Au début, je n’avais pas envisagé faire les mathématiques. D’ailleurs au lycée, j’étais aussi bonne dans les matières scientifiques que dans les matières littéraires. Je me rappelle qu’après le BEPC, il y avait des discussions houleuses entre le professeur de Français et de mathématiques pour m’orienter soit en A (ndlr. série littéraire) ou en C (ndlr. Série scientifique). Finalement, le prof de math l’a remporté. Il m’a fait orienter en C. A l’école primaire, j’admirais mon institutrice qui travaillait beaucoup, qui nous a fait passer le CEP (ndlr Certificat d’étude primaire) au CM1 (ndlr. Cours moyen) plutôt qu’au CM2. C’est elle qui m’a ensuite inscrite en 6e. Au départ, naïvement, je voulais être institutrice comme elle. Après, je voulais être pilote ou médecin. Après le BAC, lorsque j’ai été orientée pour faire les mathématiques à l’Université, j’ai beaucoup pleuré pendant toute une année avec une collègue. Elle a préféré faire la physique chimie. J’ai dit que je ne voulais pas faire les maths et, qu’à la limite, on m’amène en médecine. A l’époque, la direction des orientations a totalement refusé. La raison principale était que je suis bonne en mathématique. Ils avaient besoin de mathématiciens. Ils m’ont obligé à faire les maths mais après j’ai aimé. Je ne regrette pas du tout.

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Est-ce que parce que vous devriez être la seule femme parmi les hommes que vous ne souhaitiez pas faire les mathématiques ?

Non. Pas du tout. J’avais simplement envie d’être médecin ou pilote. C’est juste une envie. A l’époque, je ne savais ce qu’était être un professeur de mathématiques. Je n’avais pas du tout peur parce que j’ai fait la série C au lycée. Je m’en sortais bien. Je me rappelle que j’aimais beaucoup travailler, faire beaucoup d’exercices. Je me rappelle qu’il y a des garçons particulièrement qui venaient me provoquer quand ils me voyaient tout le temps bien habillée, assise en train de travailler. Ils ne pensaient pas avoir à faire à une fille qui était dans une série scientifique. Un jour, il y a un qui a eu le courage de venir me demander, j’ai dit que je faisais la terminale C, il ne croyait pas. Il est venu vérifier.

Est-ce qu’on a essayé de vous décourager?

Non. Mais c’était un parcours de combattant parce qu’au niveau des enseignants, il y en a qui n’arrivaient pas à comprendre qu’en tant que femme, on pouvait être bien habillée, bien propre et bosser. Alors, je me rappelle qu’en classe de licence de mathématique, il y a un professeur, un ancien ministre d’ailleurs, le professeur Ouattara. Pendant son cours, il se retournait à chaque fois, il me regardait. C’est après que j’ai compris que j’étais comme extraordinaire parce que j’étais très bien maquillée, très bien habillée. C’est là qu’il a dit : « Vous là-bas, si vous voulez faire défiler de mode, c’est ici », en indiquant la faculté des langues. Naturellement, je n’ai pas répondu. Après, il a posé une question, j’ai levé le doigt et je suis allé traiter. Après le cours, il m’a appelé. Il m’a félicité. Il m’a présenté ses excuses. Mais personne n’a jamais pu me décourager.

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Qu’avez-vous ressenti lorsque vous êtes devenue la première femme professeure titulaire de mathématiques au Burkina Faso ?

C’est une fierté pour moi. En même temps, c’est un devoir d’aider beaucoup plus mes étudiants. Au début de chaque cours, j’encourage surtout les filles à beaucoup travailler. Je leur dis qu’en réalité, il n’y a pas de disciplines qui soient plus difficiles que d’autres. Contrairement à ce que les gens pensent, quand vous prenez ceux qui font les lettres modernes ou le Droit, il faut beaucoup lire. Il faut être cultivé. Ce n’est pas donner à n’importe qui de pouvoir le faire. Il n’y a que le travail qui paye. C’est vrai que les étudiants ont, d’office, peur des matières scientifiques. Mais avec un recul, je pense que c’est la manière d’enseigner qui pose problème. Si c’est bien enseigner avec une bonne pédagogie, il n’y a pas de raison que les élèves et étudiants repoussent les mathématiques ou les disciplines scientifiques en général.

Que répondez-vous à ceux qui pensent que les matières scientifiques ne sont pas faites pour les femmes ?

Le cerveau humain, comme l’a dit une fois une étudiante en médecine, qu’on avait interrogé à mon sujet, est identique qu’on soit homme ou femme. Il n’y a pas de disciplines qui soit faite pour les hommes et d’autres pour les femmes. Que l’on soit femme ou homme, on peut faire les mathématiques sans problème.