Burkina Faso : le savon, un outil d’émancipation pour les femmes déplacées à Kongoussi
Franceline, est engagée pour l'indépendance économique des femmes déplacées de Kongoussi.

Burkina Faso : le savon, un outil d’émancipation pour les femmes déplacées à Kongoussi

Elle est enseignante, mais pas que. Franceline Nomwendé Sawadogo est aussi une passionnée de saponification. Depuis quelques années, elle forme gratuitement des femmes déplacées internes à cette activité génératrice de revenus. Un geste de solidarité et d’émancipation féminine face à la crise sécuritaire qui frappe la province du Bam.

Du savon pour se laver et se relever. Ce matin-là, dans sa cour qui fait office d’atelier de production au secteur 5 de Kongoussi, Franceline Nomwendé Sawadogo accueille deux femmes venues apprendre à fabriquer du savon. Sur la table, il y a tout le nécessaire : des bidons d’huile, des sachets de soude caustique, des flacons de colorants, de parfums, etc. Elles sont là pour fabriquer du kabakourou, un savon local utilisé principalement pour la vaisselle et la lessive.

Franceline n’est pas novice dans le domaine. Elle pratique la saponification depuis une vingtaine d’années. Elle a déjà formé plus de 200 femmes déplacées internes. Certaines ont même ouvert leur propre boutique ou sont devenues formatrices à leur tour.

Développer le leadership féminin

Pourquoi Franceline fait-elle ça ? Parce qu’elle croit au potentiel des femmes et à leur rôle dans le développement et le changement social. « Je suis pour la promotion de l’entrepreneuriat féminin et pour la promotion du leadership féminin. Je me dis que si toutes les femmes sont épanouies financièrement, nous n’allons pas voir les maux dont souffre notre pays », affirme-t-elle.

Car, certaines Organisations non gouvernementales (ONG) installées dans la ville, viennent en aide à ces femmes. « Ce n’est pas suffisant », estime Franceline. C’est pourquoi, elle s’est personnellement impliquée. Aujourd’hui, elle se réjouit des retours positifs des femmes qu’elle a formées.

Franceline ne fait pas payer ses formations. Elle accueille toutes les femmes qui veulent apprendre à faire du savon, qu’elles aient ou non les moyens de contribuer aux frais. Avant de passer à la phase pratique, l’enseignante et experte en saponification prend le soin de donner des cours théoriques.

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Parmi les bénéficiaires de la formation de Franceline, Wendpouiré Badini, originaire de Bourzanga, une localité située à une cinquantaine de kilomètres de Kongoussi. Cette femme, la quarantaine dépassée, a dû fuir son village avec sa famille à cause des attaques de groupes armés. Elle a trouvé refuge à Kongoussi, où elle a découvert la saponification grâce à Franceline.

La preuve qu’elle a bien assimilé la leçon, tout sourire, elle explique comment elle fabrique le savon kabakourou : « Il nous faut de la potasse, de l’huile, pour commencer à préparer. On ne met pas beaucoup d’huile. On met juste un peu, après, ça devient homogène et consistant. On porte des gants pour commencer à faire des boules. Quand ça ne marche pas, on remet au feu pour bouillir à nouveau ». En tant que déplacée interne, dame Badini n’a souvent pas les moyens de s’acheter du savon. Désormais, tout cela a changé. Elle pourra vendre le savon et se faire un peu d’argent.

Un autre témoignage est celui de Nemata Gansonré, une jeune fille d’une vingtaine d’années qui a arrêté les études en classe de 4e. Elle est aussi déplacée interne et suit la formation en saponification. « Nous sommes ici ce matin pour nous former à la saponification. Vraiment la formation va nous aider. Je veux m’installer seule mais je n’ai pas encore les moyens, le matériel par exemple », dit-elle.

Un besoin de soutien

La formation peut durer un, deux ou trois jours selon le type de savon à réaliser. Par exemple, pour le savon en poudre, il faut produire le savon, l’étaler, le laisser sécher pendant trois jours, puis le tamiser et le conditionner comme l’explique avec dextérité Franceline.

Mais, un problème demeure malgré la démarche de Franceline. Elle n’a pas les moyens d’accompagner les femmes qu’elle forme au-delà de la formation. Elle souhaiterait qu’elles puissent bénéficier d’un appui financier ou matériel pour démarrer leur activité de savonnière.

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« C’est vrai que je peux trouver les matières premières pour former ces femmes, mais il faudrait un accompagnement à long terme pour qu’à l’issue de ces formations, ces femmes puissent avoir le matériel pour entreprendre à leur niveau », plaide-t-elle. Franceline fabrique d’autres types de savon, des produits cosmétiques à base de beurre de karité, etc.

Boukari Ouédraogo