<strong>Burkina : A Kongoussi, la longue attente du convoi de ravitaillement</strong>
Photo d'illustration

Burkina : A Kongoussi, la longue attente du convoi de ravitaillement

Les blocus imposés par les groupes armés aux communes du Burkina Faso comme Bourzanga et Djibo empêchent leur ravitaillement par voie terrestre. Depuis trois mois, un convoi et des voyageurs, parfois affamés et dormant à la belle étoile  attendent, en vain, de retrouver leurs familles qui manquent eux aussi de vivres.

Dès l’entrée de la ville de Kongoussi, commune de la province du Bam, à environ 115 km de Ouagadougou, s’ouvre un vaste garage improvisé. Des deux côtés de la route qui mène à Djibo (95 km environ), des camions chargés de vivres obstruent presque la voie.

Entre plusieurs véhicules, des jeunes, des conducteurs en l’apparence, assis sur des bidons,  préparent du thé pour « tuer le temps ». C’est le quotidien pour garder le moral depuis plusieurs semaines. D’autres, restés dans leurs véhicules dorment ou échangent entre eux, parfois avec des passants.

Même scène dans certains recoins de la ville. Plusieurs autres camions, chargés sont stationnés « C’est un convoi qui doit ravitailler Bourzanga et Djibo. Ils sont là, ça vaut trois mois », explique Zakaria, notre guide du jour.

Trois mois d’attente

Au côté Nord de l’école centre A et B, entre trois camions coincés le long d’un mur, une demi-douzaine de femmes, certaines couchées, d’autres assises échangent alors que des enfants s’amusent.

Aminata et d’autres femmes dorment dans des endroits pareils.

Tout autour, des seaux alignés sous les véhicules ou des ustensiles de cuisine attachés à des pagnes, servent de barricades pour se cacher du regard des passants, se protéger de la poussière que transporte, de temps en temps, le vent d’harmatan. Aminata Sawadogo, la quarantaine, semble être la doyenne de ce groupe de femmes. Elle fait partie des premiers arrivants dans le chef-lieu de la province du Bam.

Cette dame a quitté Djibo, il y a environ quatre mois dans l’espoir de ramener des vivres pour sa famille. Ce qu’elle a réussi à faire. Le plus difficile reste à convoyer ces vivres à Djibo. Elle reste désormais bloquée à Kongoussi, comme les autres femmes. Depuis trois mois maintenant.  « Nous sommes parmi les premiers à arriver à Kongoussi.  Ça fait trois mois que nous sommes bloquées et nous sommes fatiguées », lâche-t-elle la voix tremblotante, par moment.

Exposés à l’harmattan

Aminata et les autres femmes n’ont pas de familles à Kongoussi, ville déjà envahie par plusieurs déplacés internes. Ils sont environs 67 mille selon Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR). Des chiffres qui datent du mois de décembre 2022. « Regardez où nous dormons, lance Aminata tout en indiquant d’un tour de bras la natte qu’elles se partagent, notre souhait, c’est de reprendre la route ».

Ces femmes passent la nuit à la belle étoile, exposées au froid, à la poussière de l’harmattan et aux moustiques. Les températures atteignent parfois 18 degrés ici. Cette nuit est déjà troublée par des coups de feu d’armes lourdes. Une autre habitude depuis un certain temps.

A ces conditions exécrables, elle reste aussi angoissée par la situation de la famille restée sur place à Djibo.  Elle meurt de faim selon son témoignage: « J’ai souvent peur d’appeler. D’ailleurs, j’ai du mal à les joindre. Ce sont eux qui m’appellent souvent. Ils me disent qu’ils ne mangent que des choux et de la salade pour tenir ».

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Il y a quelques jour, un samedi, le convoi a tenté de rejoindre Bourzanga sous escorte d’une unité de l’armée. Après, une dizaine de kilomètres environ, il a dû faire demi-tour, découragé par le nombre important de mines placées par des groupes armés. L’escorte de l’armée ne souhaite pas mettre en danger la vie de ces voyageurs.

Ce jour-là, Sibiri Sawadogo, de retour de Gaoua, à près de 400 kilomètres de là, a espéré enfin retrouver sa famille à Bourzanga. Mais peine perdue. « Qu’est-ce que vous voulez que je dise ? Vous voyez tous la situation dans laquelle nous sommes », répond-t-il visiblement fatigué et dégouté.

« En ce moment, nous mourrons de froid et nous n’avons plus rien à manger. Nous perdons mêmes les vivres que nous transportons à cause de l’effet du soleil », nous apprend le quinquagénaire. Il en a, d’ailleurs, assez de profiter de la charité du voisinage et de certaines connaissances qui leur apportent souvent à manger. Ces voyageurs et transporteurs ne comptent que sur l’armée afin que la zone soit nettoyée et que chacun retrouve sa famille.

Boukari OUEDRAOGO