Faso-Danfani : Mamoudou Pouye, le Sénégalais éperdument amoureux du pagne burkinabè

Faso-Danfani : Mamoudou Pouye, le Sénégalais éperdument amoureux du pagne burkinabè

Il est professeur bilingue en Californie. Sénégalais résidant aux Etats-Unis depuis plus de 19 ans, il a un style atypique qui ne laisse personne indifférent autour de lui. Des boubous faits en pagnes tissés. Plus précisément en Faso-Danfani, le pagne tissé burkinabè. La petite histoire d’un ambassadeur du Faso-Danfani qui n’a jamais foulé  le sol burkinabè.

Assis sur son fauteuil derrière un bureau chez lui à la maison, Mamoudou Pouye arbore un grand boubou fait en pagne tissé burkinabè. Avec son port et sa chaire, il a tout de l’allure d’un chef Mossi sur son trône. Il ne lui manque que le célèbre chapeau rouge porté exclusivement par les chefs traditionnels Mossi pour le confondre à un Naaba.

Il est 10h du  matin au Burkina et 6h aux Etat Unis lorsque nous  échangeons avec Mamoudou Pouye par visio-conférence sur Zoom. L’homme d’environ 40 ans nous explique que son amour pour le pagne tissé date de son plus jeune âge. « Quand j’étais petit, l’école nous formait d’une manière où on avait presque honte de notre culture, moi j’étais vraiment différent des autres. Je m’intéressais beaucoup plus à la culture traditionnelle, à l’habillement traditionnel», dit-il.

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Mais le déclic est  parti du besoin pour lui de se sentir africain en portant des pagnes propres à la culture africaine. Une revendication culturelle fortement influencée par des idéaux panafricanistes. Mais  pourquoi un Sénégalais qui n’a jamais été au Burkina Faso choisit de s’habiller burkinabè ? 

« Quand on achète le getzner, on enrichit l’Européen donc je me suis dit qu’il fallait que je m’oriente  sur la culture africaine qui est le pagne tissé. J’ai vu que le Burkina a beaucoup plus de variétés en ce qui concerne  les pagnes tissés et en plus on était influencé par les idées panafricanistes de Thomas Sankara… » a-t-il indiqué.

Un tissu qui s’exporte grâce aux réseaux sociaux

Porter du pagne tissé au quotidien a un coût et pour cela Mamoudou Pouye est prêt à tous les sacrifices. Grâce à la magie des réseaux sociaux, il a réussi à entrer en contact avec plusieurs fournisseurs au Burkina Faso et se ravitaille facilement.

Assanatou Bado a une boutique dans le quartier Gounghin de Ouagadougou. La jeune femme, environ la trentaine, le visage tout sourire nous explique comment Mamoudou l’a contacté sur Facebook pour commander des pagnes « il a juste vu mes pagnes sur Facebook et il m’a contacté qu’il voulait des pagnes et ce jour-là je pense que je ne le connaissais pas. Il m’a dit tu peux envoyer les pagnes sur Dakar ou bien si tu as un couturier qui peut confectionner des tenues que j’ai l’habitude de porter, il n’y’a pas de problème. On l’a fait et il était satisfait », se rappelle Assanatou.

Mamadou  Pouye, après cette première commande jugée satisfaisante, est devenu l’un de ses meilleurs clients. « C’est un bon client, ça fait qu’il a intégré toute sa famille, il peut commander pour sa famille, pour ses amis et j’envoie sans soucis. Généralement pour lui seul il commande quatre complets. Pour sa famille ça peut atteindre dix complets », ajoute la vendeuse, toute heureuse. Elle confie qu’en plus de Mamadou, des Togolais, des Béninois, des Sénégalais, des Maliens, s’intéressent au Faso-Danfani.

Un Sénégalais plus Burkinabè que les Burkinabè ? 

A l’évocation d’anecdotes sur son style vestimentaire Mamadou Pouye rit aux éclats. Il avoue  être très souvent accosté dans la rue parce qu’il porte le pagne tissé burkinabè. Notre ‘’Naaba’’ du Sénégal a en réalité beaucoup d’anecdotes dans son boubou. « Dans la rue on me confond à un yoruba ou Haoussa mais les connaisseurs disent ah ça, ça vient du Burkina Faso, c’est le Faso-Danfani. Tu le valorises mieux que nous » a-t-il confié.

Une autre anecdote dont il se rappelle, c’était lors d’une conférence internationale. « Je suis allé à une conférence il y’avais une Burkinabè et  dès qu’elle m’a vu, elle est venue immédiatement me parler (rires)… elle m’a dit, tu me donnes le courage de porter beaucoup plus le Faso-danfani. Après on a eu une longue conversation sur ce sujet. Elle m’a même donné le numéro d’une de ses tantes qui faisait des accessoires en Faso Danfani », poursuit notre ambassadeur.

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Si aujourd’hui Mamadou Pouye est félicité et encouragé par des africains dans la rue ce n’était pas le cas quand à ses débuts il a décidé de porter exclusivement des boubous africains confectionnés en pagne tissé. Il a subi des railleries et moqueries de la part de ses camarade et de son entourage. « les gens nous prenaient pour des fous parce qu’ils disaient  ces intellectuels qui s’habillent comme des villageois… », se rappelle-t-il.

Toutefois il avoue que les africains sont de  plus en plus orientés vers le pagne tissé et de nombreuses institutions encouragent ce retour à la culture africaine. « Beaucoup de gens me suivent ou m’appellent pour me demander comment j’ai fait pour avoir ce tissu, qu’ils veulent le même vêtement et je les mets en contact avec mes fournisseurs au Burkina », explique Mamadou, l’air fier.

Dans la dynamique de promotion des étoffes locales, le gouvernement de la transition a adopté le 02 juin dernier un décret qui encourage le port du tissu traditionnel burkinabè dans certaines structures et par des catégories socio-professionnelles. Une mesure qui vise à encourager les Burkinabè à porter en eux, une partie de leur culture.                                       

Awa Mouniratou TANKOANO