Burkina : mauvais temps pour les journalistes

Burkina : mauvais temps pour les journalistes

C’est l’hivernage (saison des pluies) au Burkina mais le ciel s’obscurcit pour d’autres raisons pour les journalistes burkinabè. Pour leurs opinions, les angles de reportage qu’ils choisissent ou la parole qu’ils donnent à certains acteurs, des journalistes sont menacés, intimidés, filés au Burkina. Malgré les alertes et condamnations, les cas se multiplient en cette période de transition. Le président de la Société des éditeurs de presse est le dernier cas en date. Dans une déclaration, les Organisations professionnelles des médias ont encore donné de la voix pour alerter l’opinion et invité l’autorité se pencher avant que le pire ne survienne.

Cette fois, c’est Inoussa Ouédraogo qui est menacé. Le président de la Société des éditeurs de la presse privée (SEP) et membre du Comité de pilotage du Centre national de presse Norbert Zongo fait l’objet depuis quelques temps de menaces, de filature, d’intimidations et de pressions diverses, selon un communiqué en date du 29 août 2023, par les Organisations professionnelles des médias (OPM). Dans ledit document, les faitières expliquent que le 13 août des individus à motos ont stationné devant le domicile du journaliste.

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« Pendant que la moto est restée en marche avec le conducteur à bord, l’un d’eux est monté sur la voiture de notre confrère qui était garée dehors pour jeter un coup d’œil dans la cour. Malheureusement pour lui il est tombé sur le regard des jeunes qui causaient toujours dans la cour autour d’un thé. L’espion est aussitôt descendu du toit de la voiture et la moto qui l’attendait est repartie en trombe », peut-on lire dans le communiqué qui fait également cas des menaces contre Ismaël Ouédraogo, Directeur général de la télévision Burkina Info après un éditorial sur le projet de référendum constitutionnel.

Le communiqué ajoute par ailleurs des enregistrements audio porteurs de menaces d’attenter à la vie du journaliste et aux membres de sa famille. Dans leurs messages, les auteurs mettent en garde le journaliste et profèrent des menaces de mort « s’il n’arrête pas ses analyses contre le président de la Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré » lors des émissions auxquelles il participe, poursuit le communiqué.

Des cas itératifs

C’est le 6e communiqué en 9 mois des faitières de la presse burkinabè dénonçant des atteintes à la liberté de presse et des menaces contre journalistes. Ce n’est donc pas la première fois que l’Organisation professionnelle des médias hausse le ton face aux menaces qui pèsent de plus en plus sur les journalistes.

Déjà en décembre 2022, les OPM s’alarmaient de ce que d’une remise en cause du libre exercice des professionnels des médias, avec au quotidien des menaces de sanctions de la part des autorités et une terreur exercée sur les journalistes par des groupuscules instrumentalisés au sein de la population. Elles dénonçaient à l’occasion des « appels au meurtre contre Newton Ahmed Barry, Lamine Traoré de Radio Oméga, le groupe Oméga médias et toute autre personne qui critiquerait la gouvernance du Capitaine Traoré ».

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Une fois de plus, en avril 2023 la faitière des organisations des journalistes rappelait les menaces de mort proférées à l’encontre des journalistes. Les signataires du communiqué relevaient que les contempteurs des journalistes et la presse, à visage découvert, sans crainte ni respect pour l’autorité judiciaire ou administrative, soit par défiance ou par complicité tacite, se sont mués en régulateur de la presse, en censeurs des journalistes, et en justicier pour distribuer les bons points aux journalistes dits « patriotes » et les mauvais points aux journalistes dits « apatrides ».

Les confrères Boowurosigué Hyacinthe Sanou, Boukari Ouoba, Lamine Traoré, Lookman Sawadogo, Newton Ahmed Barry, Alain Traoré dit Alain Alain et la Radio Oméga avaient alors été cités comme ces « ennemis de la patrie, qui méritent d’aller pourrir en enfer ».

L’autorité interpellée

La recrudescence des menaces avait amené le gouvernement himself à s’inquiéter de la surenchère verbale et des dérives de langage observées dans l’espace public allant de l’appel à la violence physique, au saccage des biens jusqu’au meurtre des personnes. Dans son communiqué de décembre 2022 et signé par Jean-Emmanuel Ouédraogo, porte-parole du gouvernement, l’exécutif avait condamné « fermement et sans ambiguïté », les propos qui font le lit de l’intolérance et de la désunion.

Des condamnations qui visiblement n’ont pas produit les résultats escomptés. Les organisations professionnelles de médias dans leur déclaration du 29 août, « tiennent les autorités de la Transition pour responsables des cas répétés de violation de la liberté d’expression et de la presse, surtout que les auteurs se présentent comme des inconditionnels du Président de la Transition».