Rasmata Konfo, ‘’handicapable VIP’’, une vie de combat !

Rasmata Konfo, ‘’handicapable VIP’’, une vie de combat !

A Tampouy, un quartier situé au nord de Ouagadougou, vit Rasmata Konfo une handicapée motrice. Elle défie les stéréotypes liés à son handicap dont elle est victime depuis l’enfance. Elle se fait appeler « Handicapable-VIP » pour  son énergie débordante et sa fière allure. Partagée entre son association d’aide aux personnes démunies et son commerce, la mère de deux enfants est une boule d’énergie qui suscite l’admiration de plus d’un.

Le seuil du portail franchi, le visiteur remarque rapidement ces fauteuils roulants usés. Ils sont entassés dans un coin de la cour. Le calme qui y règne est souvent rompu par les cris des enfants qui jouent. Nous sommes dans la demeure de Rasmata Konfo communément appelée ‘’Handicapable VIP’’.

La quarantaine environ, Rasmata Konfo a été victime dès le bas-âge de poliomyélite. Elle perd l’usage de ses jambes. Commence alors pour elle, un calvaire qui va durer de longues années. Son père refuse de s’occuper d’elle, amenant sa mère à quitter la cour familiale.   Les deux errent dans les rues à la merci des intempéries. Elles se nourrissent des restes de nourriture des poubelles jusqu’à ce jour où la jeune handicapée est recueillie par des sœurs religieuses.

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Ces âmes charitables s’investissent alors à la soigner et surtout à l’inscrire à l’école. C’est avec émotion que Rasmata se rappelle de cette période. « Les sœurs ont fait ma rééducation parce que mon corps ne répondait plus. Quand ma maman voulait me porter au dos il fallait jusqu’à trois pagnes, un pour attacher mon cou, un pour le corps et l’autre pour attraper mes jambes », explique celle qui porte le nom de famille de sa mère, comme un héritage et une reconnaissance.

Les années se sont écoulées,  Rasmata fait souvent un voyage dans le passé. Elle se remémore la souffrance avec sa mère, mais encore plus, de la chance qu’elle a d’avoir survécu.  « Ceux qui se sont occupés de moi,  quand ils me voient aujourd’hui, disent que c’est un miracle. Dieu a fait grâce maintenant ça va. C’est seulement cette jambe qui me fait mal actuellement », poursuit-elle, avec un air de positivité.

Pas le temps de s’apitoyer sur son sort

Elle ne passe pas inaperçue. Le sourire facile, sans complexe, courtoise, toujours avec un brin d’humour, Rasmata est loin d’être timide. Avec une personnalité forgée par tant d’années d’adversité, elle clame toujours sa fierté, son humanité et surtout son indépendance. Handicapée oui, mais pas incapable.

Handicapable prône l’inclusion des personnes en situation de handicap (Ph. Studio Yafa)

« Moi je ne me vois pas handicapée.  Mon cerveau fonctionne, ce sont ceux-là qui jugent les gens qui sont plus handicapée », clame celle qui se positionne comme une défenseuse de la cause des personnes en situation difficile. C’est ce discours de refus de la fatalité qu’elle prône dans l’association qu’elle a mise en place : « Association la perche de l’inclusion ».  

C’est un regroupement de personnes qui organise une panoplie d’activités au profit des personnes vivant avec un handicap et vulnérables. Festival Eclair, foire handicapable, arbre de Noël…ce sont autant d’activités qu’organise ‘’la perche de l’inclusion’’.

Préserver la dignité

Toujours à la quête de son indépendance financière et comme elle-même le dit, pour ne pas tendre la main, Rasmata  vend de la glace, la farine, la patte d’arachide. Sur son tricycle, elle parcourt également la ville de Ouagadougou pour faire des livraisons.

Chaque journée est un combat pour elle-même et pour les autres. A quelques semaine de la rentrée scolaire, la présidente de « Association la perche de l’inclusion » pense à ces enfants qui risquent ne pas retrouver le chemin de l’école par faute de moyen. « Chaque année j’essaie de lancer des collectes des kits scolaires pour donner à ces personnes, pour les permettre de repartir à l’école et voir qui peut les scolariser. Souvent ça ne dépasse pas 2000, mais il n’y a pas de moyen », dit-elle, tout en précisant comprendre l’extrême précarité dans laquelle vivent certaines personne pour y avoir vécu également.

Les témoins d’une vie de combat

Une nouvelle maman chez Rasmata. Asséta, la vingtaine a accouché il y a deux mois ; ce n’est pas la sœur ou une parente de ‘’handicapable VIP’’. Chassée de la cour familiale parce qu’elle est tombée enceinte et que l’auteur a refusé de reconnaitre, elle a été sans domicile fixe jusqu’à ce qu’elle croise le chemin de Rasmata. Touchée par une histoire qui ressemble à bien des égards à la sienne, elle n’hésitera pas à lui ouvrir les portes de sa maison.

« Durant la grossesse je ne manquais de rien, les soins médicaux étaient pris en charge par Madame Konfo jusqu’à l’accouchement. Je ne pourrai jamais oublier ce qu’elle a fait pour moi ». C’est avec les larmes aux yeux que Asséta relate son fardeau et la bonté de sa bienfaitrice.

A Tampouy, ‘’Handicapable VIP’’ est une bonne adresse pour toute âme qui souffre. Ses actions résonnent comme une symphonie qui apaise les cœurs. « Quand je rentre chez elle et je la vois avec ces personnes, je suis fière. Elle accueille les orphelins et les Personne déplacées internes et fait de son mieux pour leur offrir de meilleures conditions de vie», témoigne pour sa part, Jeanne Ouandé qui connait Rasmata depuis ses 10 ans.

‘’handicapable VIP’’ a connu une vie de foyer tumultueuse. Mais les préjugés et les discriminations ont fini par avoir raison de l’amour. Ses deux fils lui permettent de ne retenir que le meilleur de cette autre parenthèse de sa vie de combat. D’ailleurs, c’est avec enthousiasme qu’elle parle d’un de ses fils, militaire au front contre l’insécurité. L’autre étant en stage.

Un projet tient particulièrement à cœur ‘’handicapable VIP’’. Ouvrir un centre qu’elle appellera « centre Konfo » en hommage à sa défunte mère et qui va œuvrer pour la cause des personnes vulnérables.

Carolle Kady Ouattara (stagiaire)